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Lundi, 21 Avr. 2025

Russie / Etats-Unis : la trêve de Pâques ou l'impasse des cessez-le-feu

Auteur : Karine Bechet-Golovko | Editeur : Walt | Lundi, 21 Avr. 2025 - 14h42

Alors que le Président russe a proposé une trêve pour Pâques sur l'ensemble du front, trêve qui a formellement été acceptée par Zélensky et saluée par toutes les âmes "pacifistes" du Monde global, elle fut sans surprise violée dès les premières heures. Ce qui n'empêche pas Trump d'insister pour faire durer le plaisir unilatéral et exiger la signature de la Pax Americana la semaine prochaine. La Russie est sortie de la Trêve, il serait temps qu'elle sorte des pourparlers.

Le 19 avril, alors que Guerassimov fait son rapport à Poutine, parlant de l'offensive générale sur tout le front des forces armées russes, Poutine annonce un cessez-le-feu général de 30h, qui doit commencer ce jour-là à 18h, jusqu'au dimanche de Pâques 24h. Le ministère russe de la Défense a immédiatement tempéré les ardeurs pacifistes, en soulignant que cela ne concernait pas les actions de défense : bref, la Russie n'a pas l'intention de se laisser tirer dessus et agresser sans répondre.

Si l'annonce de la Trêve fut saluée par les voix unanimes du Monde global, qui appréciait le cadeau fait par Poutine à Trump et qui espérait que cette Trêve marque le début de la fin de l'engagement militaire de la Russie, elle fut également largement légitimée par les communicants professionnels en Russie, c'est leur travail. La paix, la paix, la paix ! Le même enthousiasme partagé par les mêmes personnes après le "coup de génie" des Accords de Minsk, la "vision stratégique" des Accords d'Istanbul, etc.

Pour autant, certaines ressources médiatiques soulevaient de sérieuses questions, quant à l'intérêt d'une telle démarche, vouée à l'échec et laissant passer des signes de faiblesse politique de la part de la Russie. 

Tout d'abord, parce que justement ces anciens Accords de cessez-le-feu n'ont jamais conduit à rien et ont systématiquement été violés. Donc, militairement ce n'est pas la panacée et politiquement ils furent interprétés comme de la faiblesse de la part de la Russie - puisque répétés. Sur le plan communicationnel, à chaque fois les médias alignés les ont utilisés pour souligner à quel point la Russie les violait, sur taisant sur les actions de leur armée, atlantico-ukrainienne. 

Et cette trêve pascale ne fut pas une exception. Comme le ministère russe de la Défense l'annonce après la première nuit :

Malgré l'annonce de la trêve de Pâques, les forces armées ukrainiennes ont tenté d'attaquer dans la nuit les positions des troupes russes dans les zones des localités de Sukhaya Balka et Bogatyr de la République populaire de Donetsk, qui ont été repoussées.

- Également au cours de la nuit, l'ennemi a utilisé 48 véhicules aériens sans pilote de type avion, dont un sur le territoire de la Crimée. Les unités ukrainiennes ont tiré 444 fois sur les positions de nos troupes avec des canons et des mortiers, effectué 900 frappes avec des drones de type quadricoptère et largué diverses munitions, dont 12 bombardements, 33 frappes de drones et sept largages de munitions dans les zones frontalières des régions de Briansk, Koursk et Belgorod. Il en a résulté des morts et des blessés parmi la population civile, ainsi que des dégâts matériels aux biens civils.

Ce qui n'empêche pas les spécialistes de Télégramme d'affirmer que la trêve dans l'ensemble est suivie. Ils veulent "la paix" et se foutent de savoir laquelle.

Côté médiatique, le discours russe est indigeste sur les chaînes fédérales. En fait, il ne se différencie en rien du discours américain : vive la paix, vive Trump, ce sont les vilains européens et le puissant Zelensky, qui nous empêchent de rentrer dans la Pax Americana!

Pendant ce temps, les médias français chantent le chant de vengeance contre la Russie, qui ne cesse de violer les accords de paix - qu'elle a elle-même proposé, passons. Rappelons que l'unique source d'informations des médias français est Zelensky.

Bref, quel est l'intérêt de ces trêves unilatérales ? 

Pour les Atlantistes, c'est clair. Ils bloquent, certes un temps, l'avancée de l'armée russe. Politiquement, ils montrent que c'est possible et poussent la Russie à faire de plus en plus de compromis - toujours unilatéraux. Tout en accompagnant cela d'une campagne médiatique de dénigrement.

Côté russe, c'est plus difficile à expliquer. Les avantages médiatiques sont nuls. Le module "sauver les vies" nécessite une véritable volonté réciproque pour que ce ne soit pas que la comm, sinon ça se termine par conduire les moutons à l'abattoire. Et politiquement, ce qui est le plus important, se pose une véritable question, puisque n'oublions pas que malgré les déclarations de Trump, les Etats-Unis sont la principale partie du conflit en Ukraine contre la Russie : depuis quand dans une guerre un adversaire veut-il montrer à son ennemi sa volonté de paix ?

Ainsi, la position de la Russie est faussée dès le départ. Il serait bon de sortir de l'hypocrisie dominante du discours politico-médiatique russe consistant à oublier la responsabilité des Américains et faire semblant de ne reconnaître que celle des Ukrainiens, et à peine des Européens. 

Cela n'a pas de sens, à moins de considérer, que ces élites russes ne sont pas prêtes à la victoire - contre le Monde global, puisqu'elles en sont issues depuis la chute de l'URSS. Et qu'elles ne cherchent qu'à prouver qu'elles y méritent une place. Dans ce cas, tout rentre à sa place. Sauf que dans ce cas, il n'y a pas de place pour la Russie. Ce qui se rappelle à eux à chaque fois, qu'ils vont trop loin. Et ce qui pousse ces élites, après chaque tentative, à reprendre malgré tout le chemin du combat.

Ces cessez-le-feu sont une impasse et les pourparlers aussi. Mais ils sont portés par des personnalités assez étranges. J'ai du mal d'ailleurs à dire, côté "russe". L'étoile montante de ce processus de pression sur la Russie est Dmitriev. Né à Kiev en 1975, donc dans la République soviétique d'Ukraine, en URSS. Parti à 14 ans, on soulignera que cela se passe en 1989, pour les Etats-Unis dans le cadre d'un programme d'échange de deux ans en Californie et il va y rester. Pas un mot sur ses parents, où sont-ils, que font-ils alors? Lui entre totalement dans le système américain : Stanford, Harvard, Goldman Sachs et McKinsey, notamment ainsi à Moscou. Bref, on appelle cela au minimum un agent d'influence. En 2005-2006, il dirige un fonds d'investissement en Russie, participe ensuite au développement de différentes entreprises comme General Electric ou la Société générale. 

Et, Ô miracle, en 2010 Dmitriev, le grand patriote russe, participe à Davos à la formation de Global Young Leader. Sa carrière s'envole ensuite. En Russie. En 2011, il devient tout à coup le directeur du Fonds russe des investissements directs. Il est désormais officiellement considéré par le Monde global, comme l'une des personnes les plus influentes.

C'est lui que l'on voit partout dans ce processus de négociation. Côté américain, il semble plus implanté avec les Républicains, en froid avec les Démocrates. Mais ça, c'est de la politique américaine. Quel est son rapport avec la Russie ? Surtout en période de guerre avec les Etats-Unis, s'il a eu ce parcours et qu'il est implanté de cette manière ? J'oubliais. Il a été bien introduit, ce qui lui a permis aussi de bien se marier. En l'occurrence, avec la meilleure amie d'une des filles de Poutine.

Ces négociations ne sont pas qu'une impasse pour la Russie. Elles présentent un véritable danger. A force de devoir faire des compromis, qu'elle tient de manière unilatérale, la Russie risque de faire le pas de trop. Et c'est bien ce que les Globalistes attendent. Rappelons, que la Russie n'est toujours pas sortie du moratoire unilatéral des tirs sur les sites énergétiques et qu'elle négocie pour la mer Noire.

En attendant, Trump exige un accord la semaine prochaine "entre la Russie et l'Ukraine", exige de passer le territoire ukrainien (notamment la centrale de Zaporojie) sous contrôle américain "pour la paix", puisque lui est un arbitre. Et c'est bien là le miracle opéré : tous les pro-russes ou presque défendent le Pacifique Trump, comment ose-t-on le critiquer car "ça n'a rien à voir avec Biden". Il se pose en arbitre d'une guerre qu'il conduit, et chacun s'écrase et applaudit. Il est temps pour la Russie de sortir de ce cercle vicieux, avant qu'il ne soit trop tard, laissant les moutons aller à l'abattoir - sans elle et ouvrant une autre voie - pour ceux qui ont le courage de la souveraineté.


- Source : Russie politics

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