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Mercredi, 27 Nov. 2024

Le capitalisme

Auteur : José Pablo Feinmann | Editeur : Walt | Lundi, 07 Août 2017 - 19h25

Les Amériques n’ont pas été « découvertes » avant Colomb. Ces voyageurs vikings ou chinois n’ont rien découvert. Leurs aventures maritimes ne faisaient partie d’aucun projet. Les Amériques ont été découvertes par et pour le capitalisme. Colomb est le premier qui insère sa formidable trouvaille dans l’économie d’expansion occidentale. Ces voyages tramés par une incertitude, qui n’a jamais été égalée dans l’histoire, furent le déplacement de l’expansionnisme des bourgs au système monde. En 1492, la modernité surgit et dès lors on peut parler d’un « monde ». Les Indes occidentales et le cap de Bonne Espérance facilitent l’émergence du capitalisme, Adam Smith et Karl Marx ont célébré cet événement. Nous pourrions l’appeler l’acte fondateur factuel de l’homo capitaliste. L’acte subjectif se concrétise avec l’ego cogito cartésien.

Colomb a fait quatre voyages. Ensuite ont suivi Cortez, Pizarro. Ils cherchaient des épices et de l’or. La modernité capitaliste naissante utilisait leurs appétits individuels comme astuce de l’histoire. Nous ne pouvons pas offrir la modernité au capitalisme. Pourquoi faire, s’il l’a déjà. La modernité capitaliste est cette histoire d’horreurs qui exprime l’accumulation originaire, se poursuit avec la Révolution Française, la révolution industrielle britannique et l’impérialisme victorien. La modernité est capitaliste parce qu’elle est tramée par des spoliations, des pillages, des massacres et des idéologies racistes. De Heidegger à Foucault et les meilleurs postmodernes (Lyotard et Baudrillard) la critique de la modernité capitaliste a été faite. L’a également faite sienne l’École de Frankfurt avec son concept de raison instrumentale. La modernité est l’histoire du capitalisme et le capitalisme installe la modernité dans l’histoire. Si quelqu’un ne veut pas s’offrir Internet qu’il ne le fasse pas. Nous utiliserons Internet et jusqu’aux téléphones cellulaires diaboliques, mais nous saurons et nous dirons que ce sont des armes de contrôle, d’espionnage et de soumission culturelle que l’empire manie.

La volonté de pouvoir exprime le devenir de la raison conquérante bourgeoise. La croissance s’est toujours imposée comme condition de la permanence. Si tu veux vivre ne cherche pas seulement à te conserver, cherche à croitre. C’est très possible que quelques philosophes fonctionnels enseignent cette consigne dans leurs séminaires et cours pour des entrepreneurs, pour des CEOs. Ne jamais perdre l’initiative – politique et patronale – sur un champ de forces divergentes que conjurera celui qui contrôle mieux le pouvoir médiatique. La conquête de la subjectivité des autres reprend la vigueur des conquêtes précoces du capitalisme.

Après le fait factuel de la dite « découverte », se produit le fait culturel subjectif de l’ego cartésien. Maintenant, l’ego capitaliste se jette vers l’appropriation du monde ainsi que de la marchandise ou de la matière première de la technique. Si l’inaliénable était le pouvoir factuel à l’étape de la conquête, maintenant l’inaliénable est la subjectivité, qui ouvre l’époque de la raison conquérante. Le capital est le centre du système monde et maintenant, de plus, il le sait.

Qu’est-ce qui bat dans la trame la plus intime, la plus profonde de l’étape factuelle et dans sa rationalité subjective ? La volonté de pouvoir. L’homo capitaliste est constitué par l’esprit de domination, par la pulsion de mort et la volonté de pouvoir.

La trame et le développement du logos capitaliste est ainsi construite : une étape factuel de la conquête de l’Amérique, une étape subjective de centralisation de l’ego dévastateur capitaliste, qui ouvre la conquête du monde ainsi que de la marchandise. Il fonde l’esprit de ce processus, le développement de la volonté de pouvoir ainsi que de conservation et de croissance. Ceci n’est pas le Mal. Il sera ardu de trouver le Bien dans la modernité. Ceci est la trame historico-philosophique d’une modernité qui aujourd’hui incursione dans le pre-apocalyptique. Sans que personne ne puisse encore la battre, ni faire partie de la réalité historique sans faire partie d’elle. Pour l’instant, voila ces ébauches.

L'auteur, José Pablo Feinmann  est un philosophe argentin, professeur, écrivain, essayiste, scénariste et auteur-animateur d’émissions culturelles sur la philosophie.

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi


- Source : Página12

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