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La Chine et l’effet papillon

Auteur : William Engdahl | Editeur : Walt | Lundi, 09 Janv. 2017 - 10h17

Parfois, les petites victoires ou les actions positives sont presque aussi importantes que les grandes initiatives internationales, car elles peuvent donner une nouvelle impulsion à de nombreux développements connexes, ce que les physiciens appellent l’effet papillon. Plus précisément, un effet papillon indique que  « un petit changement d’état dans un système non linéaire déterministe peut entraîner de grandes différences dans l’état suivant », ou que les petites causes peuvent avoir de grands effets. Cela est lié au fait que chaque partie de notre Cosmos est interconnectée. Tel sera, je crois,« l’effet papillon » d’une décision récente du gouvernement de la province du Heilongjiang, dans le nord-est de la Chine, qui pourra donner un élan considérable au développement commercial et économique de la Russie et de la Chine et à des événements bien au-delà. Tout cela concerne la construction de bonnes structures naturelles.

Le 16 décembre 2016, l’Assemblée législative provinciale du Heilongjiang a interdit totalement la culture d’organismes génétiquement modifiés ou OGM. L’interdiction entre en vigueur le 1er mai 2017, dans environ cinq mois. Les agriculteurs de la province chinoise du Heilongjiang, l’une des plus grandes régions productrices de céréales de Chine, seront interdits de cultiver des OGM, selon la réglementation provinciale qui vient d’être adoptée. L’interdiction portera sur la culture de maïs, de riz ou de soja OGM. De plus, la production et la vente de cultures génétiquement modifiées et l’approvisionnement en semences seront également interdites, de même que la production, la transformation, la vente et l’importation illicites de produits agricoles génétiquement modifiés ou de produits agricoles comestibles contenant des ingrédients OGM. Tout aliment OGM ne pourra être vendu que dans une zone spéciale, clairement indiquée dans les magasins en tant que produits alimentaires OGM, avec un étiquetage différent.

Un soja OGM illégal

L’assemblée provinciale a agi après qu’une vaste enquête sur la population, en octobre, a révélé que plus de 91% de la population s’opposait à la culture des OGM. L’interdiction officielle suit la découverte en septembre dernier du fait que 10% des cultivateurs de soja du Heilongjiang plantaient illégalement des graines de soja transgéniques, malgré l’interdiction du gouvernement national de Pékin de planter de cultures commerciales OGM, permettant seulement la recherche sur les OGM « biotechnologiques ». Les agriculteurs avaient été informés, à tort, que les semences OGM augmenteraient leurs rendements. Les agriculteurs reconnus coupables de cultiver des cultures OGM illégales font face à une amende de 200 000 yuans ou 31 480 dollars. En raison d’un échappatoire promu par les États-Unis dans la législation concernant les OGM, le soja OGM pour l’alimentation animale est autorisé en Chine. Environ 60% de tout le soja consommé en Chine est, à la suite de cette lacune malheureuse, d’origine OGM. Monsanto et d’autres fournisseurs occidentaux d’OGM font la promotion de leurs semences OGM dans les foires agricoles et les agriculteurs peuvent acheter les semences en ligne, même si la culture en est illégale.

En août, le groupe chimique chinois géant, ChemChina, a fait une incroyable offre de 43 milliards de dollars pour acquérir le groupe suisse de semences OGM et de produits agrochimiques, Syngenta. Récemment, le président chinois Xi Jinping et son Premier ministre ont fait des déclarations très positives sur le potentiel des OGM et des biotechnologies pour contribuer à faire de la Chine un acteur économique dans la haute technologie. La dernière décision du peuple et de la législature dans le Heilongjiang envoie un signal clair s’opposant à cette stratégie de Pékin.

La Russie et le Heilongjiang

L’effet papillon de l’interdiction des cultures OGM dans la province du Heilongjiang affectera certainement les futures relations agricoles entre la Chine et la Russie voisine. La province du Heilongjiang a la plus longue frontière chinoise commune avec la Russie, la frontière des deux pays étant délimitée par la rivière Amour. Plus tôt cette année, la Douma de la Fédération de Russie a approuvé, et le président Poutine a signé la loi interdisant toute culture commerciale d’OGM dans la Fédération de Russie. L’interdiction du Heilongjiang peut potentiellement ouvrir le commerce de céréales non OGM sino-russe, créant de nouvelles synergies.

Le gouvernement chinois a récemment pris d’autres mesures pour dynamiser l’économie stagnante du Heilongjiang, qui était sous occupation japonaise depuis 1931, dans le cadre de l’État japonais fantoche du Manchoukouo, jusqu’à ce que l’armée soviétique l’ait libéré en 1945. Depuis 2009, le Heilongjiang fait partie d’un programme central de revitalisation du nord-est de la Chine. Cela nécessite des investissements substantiels dans la modernisation de l’industrie et le développement d’infrastructures clés. La construction d’un réseau de routes et d’autoroutes dont le financement a été voté en 2006 est en cours. Il prévoit 38 000 kilomètres de nouvelles routes, étendant le réseau routier total du Heilongjiang à 2,3 millions de kilomètres.

Le Heilongjiang compte actuellement 60 lignes ferroviaires, s’étendant sur 5 300 kilomètres, dont une section du pont continental Asie-Europe. Le train à grande vitesse Harbin-Dalian, achevé en 2012, part de Harbin, la capitale du Heilongjiang, jusqu’à Dalian, dans la province du Liaoning au sud, en bordure de la Corée du Nord, via Changchun et Shenyang. Il est prévu de transporter 37 millions de passagers par an d’ici 2020.

Le pont sur la rivière Amour

Et l’un des domaines les plus prometteurs de la coopération économique entre la Chine et la Russie relie également le Heilongjiang à l’oblast autonome juif de Russie, traversant la longue et sinueuse rivière Amour.

Le projet, qui devrait se terminer en 2018, est connu sous le nom de Pont Amour. Il est toujours en construction, la longue section chinoise étant achevée et la partie russe toujours en construction, à cause de retards, depuis juillet. Lorsqu’il sera ouvert, le pont portera deux lignes ferroviaires – une de jauge standard utilisée par la Chine, de rail de 1435 mm, et une jauge russe de 1520 mm. Le pont de 2 km reliera Nizhneleninskoye dans l’oblast autonome juif à Tongjiang dans la province du Heilongjiang. La motivation pour construire le pont est d’abord d’amener le minerai de fer russe extrait de la mine à ciel ouvert Petropavlovsk à Kimkan, dans l’oblast autonome juif, vers le marché chinois. Toutefois, ce pont donnera évidemment accès aux vastes gisements de minéraux inexploités et aux autres produits de cette région de la Russie qui a longtemps été négligée économiquement pendant les années 1990, sous Eltsine.

Cette liaison relie le Heilongjiang au nord-est de la Chine à l’oblast autonome juif de Russie et ses vastes richesses minérales, y compris en or, ainsi que ses sols agricoles très riches, aujourd’hui exempts d’OGM, via le pont Amour ; cette liaison va inévitablement relier le réseau ferroviaire et portuaire en développement du projet chinois OBOR (Une Ceinture – Une Route) à la Russie dans cette région économique critique. Le chemin de fer transsibérien, achevé en 1914, parcourt l’oblast autonome juif.

Et dans une autre région chinoise, on vient d’annoncer officiellement l’ouverture, pour la fin de décembre 2016, d’un couloir ferroviaire à grande vitesse de 2 066 km de long, construit en huit ans − le corridor Shanghai-Kunming − qui transporte le fret et les passagers à des vitesses de 350 km/h reliant l’est, le centre et le sud-ouest de la Chine. Il se compose de trois sections reliant Shanghai, la plus grande ville de Chine avec ses 23 millions d’habitants, sur sa côte est, à Kunming, une ville prospère de près de 7 millions d’habitants située près du Vietnam et de la Thaïlande. Kunming est un des carrefours de l’infrastructure émergente de l’OBOR.

Des projets de construction bien conçus ont un effet papillon bien défini, envoyant d’abord de petites ondes de choc d’énergie positive qui s’amplifient au fil du temps, provoquant d’immenses transformations. Les récents développements dans la province du Heilongjiang, combinés avec les liens d’infrastructure en développement traversant l’Eurasie, de la Chine à la Russie, sont de beaux exemples de cela. Construire est beaucoup plus intéressant que le genre de destruction qui semblent, en Occident, nous obséder pathologiquement et nous pousser à mener des guerres partout, sous couvert de l’OTAN.

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

 


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