La censure a encore frappé: Une entrevue déprogrammée par Europe 1, propriété de Lagardère
Le 24 février prochain sort en salle Merci Patron, le premier film de François Ruffin, directeur du journal Fakir. Le film, dont le succès a été spectaculaire lors des dizaines d’avant premières partout en France, a pour héros le milliardaire et première fortune de France, Bernard Arnault, patron de LVMH, qui possède notamment Les Echos ou Le Parisien.
François Ruffin, qui assure actuellement la promotion du film, devait être l’invité de l’émission « Europe 1 social club » de Frédéric Taddéi le 23 février. Invitation lancée il y a trois semaines et confirmée par mail aujourd’hui même à 12h03. Or cinq minutes plus tard, nouveau message, cette fois-ci très lapidaire « Désolé, je viens tout juste d’apprendre que l’interview était annulée… ». La direction d’Europe 1, propriété d’Arnaud Lagardère, a décidé que François Ruffin n’était pas le bienvenu sur son antenne.
Effectivement le film ridiculise Bernard Arnault et met à jour ses pratiques scandaleuses. On y voit comment ce dernier, par l’intermédiaire d’un responsable de la sécurité de LVMH ou du secrétaire général M Jamet – ancien élu socialiste – tente d’acheter le silence d’un couple tous deux licenciés de l’usine ECCE, sous-traitant de LVMH, qui fabriquait des costumes Kenzo (production évidemment délocalisée depuis) et qui survivent avec 400 euros mensuels. «Avec toutes ces délocalisations, la fraude fiscale, l'enrichissement des puissants, on est dans un degré d'obscénité sans pareille aujourd'hui», explique François Ruffin. «Or, quand vous voyez l'injustice avec un nom, un visage, une voix, ça vous prend au corps et vous donne une force pour aller affronter l'adversaire. En montrant leur histoire, j'espérais qu'on arrive à partager cette injustice et qu'on trouverait un chemin pour la réparer», poursuit-il, affublé ironiquement d'un tee-shirt « I love Bernard ».
Il semble que « le sujet pose problème »… Ce qui se vérifie aussi par les difficultés que rencontre François Ruffin dont les interviews dans les grands médias sont souvent annulées, reportées ou renvoyées à plus tard avec des motifs confus. Rappelons que Bernard Arnault est un des principaux annonceurs publicitaires, en particulier de la presse magazine et des titres détenus par Arnaud Lagardère, pour comprendre les raisons de cette déprogrammation. Sans parler des liens personnels entre milliardaires comme nous le prouvent les censures successives de M Bolloré sur Canal + afin que ses «amis » ne soient pas égratignés. Notre confrère Daniel Schneidermann, qui reçoit aujourd’hui François Ruffin à Arrêts sur images avait annoncé qu’il allait scruter le traitement médiatique de Merci Patron. Il va avoir du boulot…
Le SNJ-CGT apporte tout son soutien à François Ruffin, candidat du syndicat aux dernières élections à la commission de la carte de presse en juin 2015. Il demande au CSA et au ministère de la Culture d’intervenir auprès des dirigeants d’Europe 1 afin que François Ruffin soit invité comme prévu initialement. Car si les ministres passent, la situation de l’information, elle, ne change pas. Détenue par les principales fortunes de ce pays, elle souffre d’un terrible manque de pluralisme. Malheureusement le projet de loi Bloche, dans sa forme actuelle, sur l’indépendance des médias, n’y changera rien. C’est en revoyant les seuils anti-concentrations et en accordant une réelle indépendance aux journalistes que les médias retrouveront une crédibilité auprès de la population.
- Source : Syndicat national des journalistes