L'Agence de sécurité du médicament américaine couvre-t-elle la fraude scientifique ?
Un journaliste américain révèle que la Food and Drug Administration (FDA) chargée de la sécurité des essais cliniques et des médicaments mis sur le marché aurait couvert de façon délibérée plusieurs cas de fraudes scientifiques.
Chaque année, l'Agence de sécurité sanitaire américaine, la Food and Drug Administration (FDA), inspecte des centaines de centres médicaux où sont entrepris des essais cliniques testant de nouveaux traitements sur l'homme. L'Agence examine pareillement des centaines d'études scientifiques publiées pour présenter les résultats de ces essais cliniques, lesquelles comportent parfois des erreurs voire des fraudes manifestes. Ce sont ces manquements qui sont traqués par la FDA. Car qu'il s'agisse d'erreurs méthodologiques ou de falsification de résultats, ils sont très préjudiciables aux travaux de la communauté scientifique et, par extension, au développement de traitements fiables.
Problème : la FDA ne dispose pas de méthode pour alerter efficacement la communauté scientifique sur ces faux résultats. Ceux-ci peuvent donc entrer dans le corpus de connaissances scientifiques admises et induire en erreur d'autres travaux. Plus grave encore, des médicaments peuvent se voir attribuer une autorisation de mise sur le marché alors même que les résultats d'essais cliniques s'avèrent erronés ou falsifiés. Un "problème" qui fleure bon le scandale.
À plusieurs reprises, la FDA a caché des preuves de fraude scientifique, pas seulement du public, mais aussi de ses conseillers scientifiques les plus fiables" - Charles Seife, professeur de journalisme à l'université de New York
C'est Charles Seife qui révèle cette affaire dans un article publié lundi 9 février 2015 dans la prestigieuse revue JAMA Internal Medicine, doublé d'un article paru dans Slate (en anglais). Ce professeur de journalisme à l'institut Arthur L. Carter de l’université de New York révèle ainsi qu'entre 1998 et 2013, la FDA a identifié 57 essais cliniques présentant des résultats erronés ou falsifiés et des approximations dans la description des effets secondaires des médicaments testés. Pourtant, seuls trois ont fait l'objet d'une alerte de la part de la FDA. Dans son enquête au long cours, Charles Seife explique ainsi :
"Quand la FDA découvre des fraudes ou des erreurs, elle n’informe ni le public, ni les établissements médicaux, ni même la communauté scientifique que les résultats de ces essais cliniques ne sont pas dignes de confiance. Au contraire. Pendant plus d’une décennie, la FDA a eu tendance à cacher les détails de ces manquements. Avec pour conséquence que personne ne découvre jamais quelles données sont fausses, quelles expériences entachées et quels médicaments pourraient se retrouver sur le marché sur la base de faux résultats. À plusieurs reprises, la FDA a caché des preuves de fraude scientifique, pas seulement du public, mais aussi de ses conseillers scientifiques les plus fiables, au moment même où ceux-ci devaient décider de la mise sur le marché d'un nouveau médicament."
L'Agence serait spécialisée dans les alertes restant lettres mortes
L'accusation est lourde, et l'affaire parait sérieuse, le journaliste décrivant même le cas de données falsifiées qui auraient conduit au décès d'un patient dans le cadre d'un essai comparant différents types de chimiothérapie. Charles Seife explique également que pour faire de telles révélations, il n'a pas eu à aller chercher bien loin, un coup d'œil jeté à n'importe quel document de d'inspection de la FDA suffisant à s'en convaincre.
Interrogé sur ces révélations par l'agence Reuters, la FDA a fait part de son "engagement à accroitre la transparence (...) dans le but d'améliorer la compréhension du public sur les décisions de la FDA et de promouvoir la responsabilité de l'agence". Au vu du document ci-dessus, la FDA alerte bien les auteurs des manquements constatés. Mais à en croire Charles Seife, la démarche resterait "privée" sans qu'aucune alerte publique ne soit lancée. Ainsi, de nombreux cas d'articles aux résultats erronés ou falsifiés ne feraient jamais l'objet de rétractation ou au moins de corrections ou autres commentaires reconnaissant les manquements constatés par l'agence américaine de sécurité du médicament.
- Source : Hugo Jalinière