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Ouattara, la démocratie ou le crime institutionnalisé ?

Auteur : Gilles Devers | Editeur : Admin | Jeudi, 28 Févr. 2013 - 17h59

Amnesty International casse l’ambiance en Côte d’Ivoire…. Qu’ils étaient beaux les discours sur la démocratie avec les mirlitons français attaquant sans mandat de l’ONU le palais de Gbagbo. La Côte d’Ivoire allait renouer avec son histoire, fondée sur le respect du droit. Sauf qu’installer la démocratie au pouvoir par la force armée n’a jamais marché… et qu’on recommence avec obstination… il suffit  de trouver une agence de com’ correcte pour faire de belles images…
Amnesty vient de publier un rapport accablant sur les méthodes de Ouattara. Incapacité à gouverner violations graves du droit, insécurité massive dans le pays,… mais ce Ouattara est tellement docile, souriant et reconnaissant…
Sur le plan de l’ordre public et des libertés, c’est assez simple. Ouattara a vite renoncé à gérer la police et la gendarmerie, considérées comme des places fortes du Gbagbo, et tout passe par ses services propres : les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), donc l’armée, une géniale police militaire, et le soutien de milices, les trois se rendant « responsables de nombreuses violations des droits humains en arrêtant et  détenant des individus en dehors de tout cadre légal sur des bases souvent ethniques et  politiques » écrit Amnesty. 
« Ces exactions ont été rendues possibles par la prolifération de lieux de détention  non reconnus comme tels où des individus soupçonnés de tentative d’atteinte à la sûreté de  l’État ont été détenus au secret, parfois pendant de longues périodes et dans des conditions  inhumaines et dégradantes. Beaucoup ont été torturés et certains ont été remis en liberté  contre le paiement de rançons ».
Tous ces faits sont connus, mais aucun des auteurs « n’a été traduit en justice ni même  relevé de ses fonctions ». Amnesty poursuit : « Cela illustre l’échec des autorités ivoiriennes à instaurer un état de droit près de deux ans après l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités.
Quant à la justice, « les autorités ont exclusivement ciblé  les partisans avérés ou présumés de l’ancien président Laurent Gbagbo », avec procédures qui bafouent les règles élémentaires du droit. Aucune démarche sérieuse en deux ans d’instruction : « ni confrontation avec des  Victimes, ni aucun élément de preuve matériel communiqué à la défense ».
Je vous laisse ci-dessous le lien pour lire ce rapport accablant, mais voici quelques témoignages qui devraient faire bondir les ministres de la Défense et des Affaires étrangères… s’ils n’étaient pas les premières cautions ! Et puis, il est vrai qu’ils sont très occupés à installer la démocratie au Mali par la force armée…
Arrestations arbitraires, tortures et disparitions
Témoignage d’un jeune homme  sans emploi, âgé de vingt-huit ans, qui a été arrêté le 11 août 2012 par les FRCI.
« Je me rendais sur un chantier vers 14 h pour trouver du travail. Des membres des FRCI  m’ont arrêté, m’ont fouillé et m’ont mis dans le coffre de leur voiture. Je me suis retrouvé au  camp IIAO de Bassam [Institut industriel d’Afrique de l’ouest]. Ils m’ont demandé où étaient  cachées les armes, et m’ont frappé. Ensuite, ils m’ont remis dans le coffre de la voiture et  m’ont emmené en bord de mer. Ils ont menacé de m’exécuter si je ne disais pas la vérité. Ils  m’ont frappé à nouveau, m’ont remis dans le coffre et on est retourné au camp. Ils m’ont  demandé de dénoncer des gens qui auraient fait venir des armes par bateau. »
Mi-août 2012, un détenu, ingénieur de profession, a été violemment frappé par deux  codétenus militaires. Plusieurs témoins ont raconté la scène à Amnesty International. L’un  d’eux a précisé :
« J’ai été arrêté le 17 août [2012] à 6h30 aux Deux Plateaux [quartier d’Abidjan]. Quand je  suis arrivé au Génie militaire, il faisait chaud. Il y avait dans la cellule d’autres prisonniers  dont des militaires qui avaient été punis pour mauvaise conduite. Ces militaires jouissaient  de petits avantages. Ils pouvaient sortir la nuit et c’est eux qui gardaient le peu d’eau qui  nous était destinée. Un jour, un détenu, un ingénieur, avait très soif. Il a réclamé de l’eau à  un militaire détenu avec nous. Celui-ci a refusé. L’ingénieur a insisté en disant qu’il avait  très soif. Le militaire s’est jeté sur lui et l’a frappé. Il lui a donné des coups de pied et des  coups de poing et l’a frappé avec sa ceinture. Un autre militaire a prêté main forte à son  collègue. L’ingénieur est tombé, il s’est évanoui. Les détenus ont frappé à la porte pour  appeler les gardes. Il a été emmené à l’hôpital, il n’est plus revenu. On raconte qu’il est mort  des suites de ces coups. »
Rapt et libération contre rançon
Arrêtant et détenant des individus selon leur bon vouloir et sans rendre compte de leurs actes  à qui que ce soit, les éléments de la police militaire et les FRCI ont également instauré une  « procédure de libération » fondée sur le paiement de rançons. Un grand nombre de détenus  et d’anciens détenus ont indiqué à Amnesty International qu’au Génie militaire, « les gens  sont libérés contre le paiement d’une somme fixée entre le responsable de la police militaire  et les parents des détenus ».  
Témoignage du chef du  personnel d’une société d’Abidjan, arrêté le 27 août 2012 et détenu quelques jours.
« Ils m’ont détenu deux jours et m’ont dit que si je voulais sortir, mes parents devaient payer.
Ils demandaient la somme de 70 000 francs CFA [environ 110 euros]. Ma famille a payé un  premier versement de 50 000 avant ma libération. Le deuxième versement a été effectué  chez moi. Mes geôliers m’ont accompagné à mon domicile pour réclamer la somme restante  mais, une fois sur place, ils ont demandé une somme plus élevée. Ma famille a expliqué  qu’elle n’avait pas d’argent. Finalement, ils se sont fatigués et ils sont partis. »
Arrestation pour motif racial
« Le 10 mars après le service, je suis rentré chez moi. Vers 15 heures, des éléments des  FRCI sont arrivés et m’ont demandé de les accompagner à la Place de la Liberté [un lieu de  détention non reconnu comme tel] car j’étais accusé d’avoir fait un coup d’État. Quand je  suis arrivé, j’ai remarqué qu’il y avait d’autres corps habillés [hommes en uniforme]. Il n’y  avait que des gens comme moi, des Athiés, des Guérés, des Bétés ou des Didas [groupes  ethniques du sud du pays] arrêtés uniquement parce que soupçonnés de soutenir Laurent  Gbagbo. Ils nous reprochaient de nous être battus contre eux après l’élection présidentielle et  nous ont dit : “ Si vous pensez que Laurent Gbagbo va revenir vous vous trompez, il n’a  aucun pouvoir ici ”. Ils nous ont torturés pour nous faire parler et nous avons dû rester  couchés à même le sol, avec des chaînes aux pieds. Nous avons été arrêtés au hasard. La  preuve c’est que, au bout de 55 jours, ils nous ont tous libérés ».
Lieux de détention non officiels
« Le plus terrifiant, ça a été quand ils nous ont emmenés en brousse. C’était la nuit, ils ont  tiré en l’air pour nous effrayer. Ils ont menacé de nous tuer si nous ne disions pas la vérité.  Ils disaient que les Guérés et les Bétés avaient soutenu Laurent Gbagbo et c’est pour cela  qu’ils nous frappaient. Jamais avant ou après, nous n’avons eu une telle impression d’être  des jouets dans la main de nos bourreaux. Puis, on a été emmenés dans la résidence privée  d’un officier des FRCI et ensuite au Génie militaire. On a aussi été torturés là-bas mais la  brousse c’est pire que tout car tout peut vous arriver. »
Un autre témoignage
« Je me suis retrouvé dans un véhicule avec quatre autres personnes. On m’a mis des  menottes attachées derrière le dos. Une cagoule m’a été enfoncée sur le visage, j’ai senti le  bout d’un pistolet automatique contre ma tête. À un moment, j’ai compris qu’on avait quitté  le goudron pour emprunter une piste. Le véhicule s’est arrêté. Quand on a enlevé la cagoule,  j’ai compris qu’on était dans la forêt. On nous a fait descendre et on nous a demandé où  étaient les armes. J’ai répondu que je n’en savais rien. Ils ont tiré des coups de feu d’abord  en l’air puis sur un des détenus. Il est tombé et ils ont abandonné son corps là-bas. »
Interrogatoires sous la torture
« Après m’avoir donné des coups de câbles électriques et des coups de pied avec leurs  rangers [bottes], trois membres des FRCI m’ont tenu par les pieds et m’ont plongé la tête  dans une barrique d’eau. Je ne pouvais pas me débattre parce que j’avais les mains  menottées derrière le dos ».
Plusieurs autres détenus ont affirmé avoir subi des brûlures au plastique fondu et ont montré  aux délégués d’Amnesty International des traces de brûlures sur le dos et le cou. Un détenu a expliqué :
« Arrivé au camp Place de la Liberté, ils m’ont demandé d’enlever mes vêtements, je suis  resté avec mon caleçon et ils ont commencé à m’interroger en me torturant. Ils m’ont attaché  les mains avec des menottes reliées à une barre de fer verticale, ils me donnaient des coups  de matraques et de barres de fer. Ils ont brûlé un sac en plastique et ont fait en sorte que le  plastique fondu tombe sur mon dos pendant que trois personnes me tenaient les pieds. »
Plusieurs détenus ont également affirmé avoir été torturés dans des villas privées :
« J’ai été conduit dans un camp militaire des FRCI non loin de l’arrêt du terminus du bus  N° 17. J’étais au milieu d’un cercle de dix militaires, les coups pleuvaient sur moi. Ils me  donnaient des coups de pied et des coups de poing au visage et à la tête. Quand l’un d’eux  me parlait, un autre me frappait dans le dos. Ils m’empêchaient de parler pour contester  leurs assertions. Ils m’ont ensuite attaché les mains dans le dos, ils m’ont également attaché  les pieds. Ils ont percé deux trous dans un sac en plastique qu’ils ont enfoncé sur ma tête.  Ils m’ont mis dans un coffre de véhicule et m’ont conduit dans une villa privée à Cocody. Ils  m’ont accusé de recevoir de l’argent pour recruter des mercenaires. Ils m’ont fait asseoir sur  une chaise. Régulièrement je recevais des décharges électriques. J’ai uriné et déféqué dans  mon caleçon. »
Mort de détenus des suites de tortures
Amnesty dispose de témoignages concordant sur le mort de Serge  Hervé Kribié, un sergent-chef de police, d’ethnie bétée, arrêté pour motif racial à San  Pedro le 20 août 2012.
« Serge Hervé Kribié a été remis aux FRCI. Il a été déshabillé, attaché  à un poteau et de l’eau a été versée sur lui. Puis il a reçu des  décharges électriques. Moi, j’étais allongé sur la dalle et je me suis  penché pour voir. Il criait, il a évoqué ses enfants…..Il poussait des  cris atroces. Après cela, un de ceux qui donnaient des ordres a  demandé en dioula : “ Est-ce qu’il est mort ? S’il est mort, on va  attacher ses pieds pour le jeter dans la lagune ”. J’ai vu qu’on lui  faisait des massages cardiaques. On ne l’a plus entendu. Quelques  jours après, un militaire que je connais m’a informé que notre collègue  était décédé le jour même de son arrestation ».
*   *   * 
Atterrés par ce rapport d’Amnesty, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, vont annoncer ce matin qu’ils suspendent l’accord de coopération militaire, et exiger de Ouatarra l’ouverture d’enquêtes  judiciaires sur ces faits. Les grandes entreprises françaises, venues avec Sarko installer Ouattara au pouvoir, vont se voir ordonné de suspendre leurs activités, pour ne pas être le poumon économique de cette violation institutionnalisée du droit. 
C’est que la France ne rigole pas avec la démocratie, surtout en Afrique… 


- Source : Gilles Devers

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