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Dimanche, 22 Déc. 2024

Dépistage abusif du cancer de la prostate !

Auteur : les Zindignés | Editeur : Walt | Samedi, 13 Déc. 2014 - 13h48

Excellent article de la revue les Zindignés écrit par le Dr Nicole Delépine concernant le dépistage systématique du cancer de la prostate qui engendre des milliers de traitements inutiles. Ses arguments sont forts et convaincants.

Les Zindigné(e)s militent pour une autre conception et pratique de la médecine. Nous sommes donc aux côtés des lanceurs d’alerte comme le docteur Nicole Delepine. Ce spécialiste des cancers nous précise ici que le dépistage des cancers de la prostate par le dosage des PSA(1) est inutile et dangereux pour les hommes qui le pratiquent.

Elle ajoute : «cette donnée acquise de la science ne mériterait pas qu’on la rappelle si je n’avais été stupéfiée d’être sollicitée, il y a quelques jours, par une pétition en sa faveur lancée par on ne sait quel groupe d’intérêt».

Il s’agit d’un dépistage dangereux du fait de la fréquence des surdiagnostics et des gestes inopportuns qui en découlent. Rappelons la fréquence extrême de ce cancer chez les hommes âgés. Les séries autopsiques réalisées sur des sujets décédés d’autres causes que le cancer de la prostate et n’ayant souffert d’aucun symptôme prostatique particulier indiquent que la proportion d’hommes ayant un cancer de la prostate varie de 12 % à 40-49 ans à 43 % au-delà de 80 ans.

Même lorsque la biopsie affirme le cancer, plus de 75% des tumeurs malignes de la prostate sont limitées en dangerosité. Les hommes atteints de cancer de la prostate décèdent le plus souvent d'une autre cause. L’étude PIVOT, la plus large des études sur le sujet et celle qui bénéficie du plus long recul montre que les hommes atteints le sont d’un cancer de la prostate de bas degré de malignité menaçant rarement la vie (8%) et plus rarement encore (3%) lorsque les PSA sont inférieures à 10 ng/ml. La meilleure option lors de découverte d’un tel cancer est la simple surveillance, les traitements actifs exposant à de nombreuses complications sans augmenter l’espérance de vie ni diminuer le risque de métastases. Mais en pratique, comment convaincre un citoyen dans notre société proactive en matière de santé d’une simple surveillance si on a dépisté un taux élevé de PSA et a fortiori des cellules tumorales ! De nombreuses études, ont tenté de démontrer l’intérêt du dépistage par le dosage sanguin des PSA. Aucune n’y est parvenue.

L’étude européenne ERSPC est une étude prospective randomisée réalisée par l’EORTC qui offre le plus haut niveau de preuve. Elle a comparé la mortalité par cancer de la prostate chez les hommes qui se faisaient dépister et ceux qui ne le faisaient pas. La surveillance de 182160 hommes montre un plus faible taux de décès par cancer de la prostate chez les patients dépistés (2.6 décès / 1000 contre 3.3/1000 dans le groupe témoin) mais cette différence faible n’entraine pas de gain de survie globale du fait des complications secondaires au dépistage et aux traitements qui en résultent. Les auteurs de l’étude américaine PLCO3 ont montré que les hommes qui se font dépister par les PSA chaque année ont davantage de cancers prostatiques reconnus mais ne bénéficient pas d’un meilleur pronostic malgré les traitements entrepris. Les conclusions de cet essai américain incluant 76693 hommes suivis en moyenne 9 ans plaident contre le dépistage.

L’inventeur du PSA lui-même, le Dr Richard J. Ablin, a énergiquement désavoué l’utilisation de son propre test à des fins de dépistage dans les colonnes du New York Times qualifiant cette utilisation de «désastre de santé publique» en raison de ses imperfections, des sur- diagnostics et sur-traitements et de son coût démesuré (3 milliards de dollars annuels aux Etats-Unis).

En octobre 2011, le Preventive Services Task Force US a conclu à son inefficacité et a décidé de ne plus le recommander. L’échec du dépistage par le dosage systématique des PSA est la conséquence des sur- traitements entraînés par les sur-diagnostics. Le dosage des PSA est trop efficace; il dépiste des petites lésions dont la grande majorité n’évoluera jamais. La biopsie est incapable de reconnaître ces cancers biologiques (sur-diagnostic) qui ne seront jamais des maladies. Le dépistage transforme ainsi beaucoup d’hommes sains en cancéreux angoissés, à qui les médecins infligent inutilement chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, et/ou hormonothérapie selon les cas.

Aucun de ces traitements n’est anodin, tous exposent à des complications rares mais potentiellement graves. La simple annonce du diagnostic de cancer bouleverse la vie, est source d’angoisse et pose des problèmes pratiques parfois pénibles (difficultés de s’assurer pour l’achat d’un appartement, frein à la progression de carrière en entreprises..) La prostatectomie radicale bouleverse l’image de l’homme et sa vie familiale le rend habituellement impuissant et fréquemment incontinent. La radiothérapie peut donner des complications urinaires et digestives parfois même mortelles. La chimiothérapie expose à de multiples complications. L’hormonothérapie augmente le risque de complications cardiovasculaires..La somme de ces complications de traitements inutiles est susceptible d’expliquer l’excès de décès «toutes causes confondues» observées chez les hommes qui se prêtent aux dépistages systématiques.

L’opportunité d’un dépistage par un test de dosage du PSA sérique total a fait l’objet de nombreuses autres évaluations. L’ensemble des agences d’évaluation en santé qui se sont prononcées sur le thème, dont l’Anaes et l’International Network of Agencies for Health Technology Assessment (Inahta) regroupant alors 15 agences d’évaluation en santé, ont conclu que le dosage du PSA sérique total n’était pas recommandé dans le cadre d’un dépistage de masse, c’est-à-dire organisé ou de manière systématique. Le tribunal de grande instance de Troyes a relaxé un généraliste à qui un patient reprochait de ne pas avoir pratiqué un dépistage précoce de son cancer de la prostate. Âgé de 63 ans, ce patient accusait son praticien de ne pas lui avoir délivré des «soins attentifs et diligents conformes aux connaissances et aux données de la science médicale», alors qu'il se plaignait de troubles urinaires depuis plusieurs années. La justice ne lui a pas donné raison. Par son jugement du 22 mars 2013, elle a estimé «qu’au regard des données acquises de la science, le médecin n’a commis aucune faute de diagnostic ou de dépistage en lien avec le cancer de la prostate dont souffre son patient».

Au total l’information qu’il faut donner aux hommes est la même qu’on doit fournir aux femmes qui croient que le dépistage du cancer du sein par la mammographie leur permettra de vivre plus longtemps «si vous vous soumettez au dépistage, vous ne vivrez pas plus longtemps, mais la vie pourrait vous paraître plus longue».

Refusons ce dépistage. Ne mutilons plus inutilement les hommes ! Utilisons plus efficacement l’argent de la Sécurité Sociale.. Ne remboursons plus le dosage des PSA chez les hommes ne souffrant pas de cancer prostatique connu. Ne tolérons plus des publicités mensongères sur le sujet.. Exigeons une information loyale sur le sujet. Seule une information objective fondée sur l’état actuel de la science permettra de lutter contre les groupes de pression qui nous asservissent par la peur pour doper leurs bénéfices.

Note :

(1). Dosage sérique de l’antigène spécifique de la prostate (Prostatic Specific Antigen=PSA)


- Source : les Zindignés

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