Le gouvernement va faire semblant de consulter les Français sur leurs impôts
À l’occasion de l’ouverture de la déclaration d’impôts de cette année, l’actuel ministricule aux Comptes publics s’est récemment exprimé devant la presse afin de pousser un petit projet qui lui trottait dans la tête depuis quelque temps : consulter les Français eux-mêmes au sujet de l’impôt. Que voilà une réjouissante idée ! Gabriel Attal a ainsi expliqué qu’il allait lancer une grande consultation auprès des contribuables pour que « chaque Français puisse dire » comment il souhaite que l’argent issu de ses impôts soit (cramé) utilisé par l’État.
Baptisée « En Avoir Pour Mes Impôts » avec un goût certain du marketing McKinsey 2.0 qui frise l’ironique aux petits fers au point de mal masquer une odeur entêtante de kératine brûlée, l’opération devrait avoir lieu dans un mois environ et proposera une plateforme permettant aux Français de « savoir exactement comment sont dépensés leurs impôts », avec cette assurance qui vient cependant quelque peu en collision avec les nombreuses autres initiatives précédentes régulièrement lancées par les mêmes administrations soucieuses de ménager le mécontentement du peuple qui, de son côté, note bien que les ponctions ne diminuent guère, au contraire de la qualité et de la quantité des services publics.
On se rappellera au passage qu’en 2018, une communication équivalente avait vu le jour au moment où les prélèvements obligatoires passaient gentiment le cap des 1000 milliards d’euros annuels : il s’agissait déjà de montrer où passait (ce pognon de dingue) ces ponctions diverses.
Lors des précédentes communications équivalentes sur l’emploi de l’impôt, il s’agissait apparemment surtout de montrer que l’argent partait vers des choses concrètes. Cette fois-ci cependant et pour notre sémillant ministricule, il s’agit aussi de mettre un coût derrière les choses de notre quotidien : ainsi, grâce à une belle « transparence » régulièrement louangée sur les plateaux télé, dans les couloirs feutrés de la République et dans les rédactions des journaux de révérence, il s’agira de détailler le coût d’un kilomètre de route (trouée et parsemée de radars), ou celui d’une gare TER (sans trafic), d’un hôpital (qu’on va fermer) ou d’une préfecture (qu’on devrait brûler).
Mais baste, nous voilà en 2023 et on peut supposer qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure et l’idée est donc lancée : le gouvernement va donc organiser, en plus de cette transparence indispensable, des « remontées d’idées » (qui sont aux consultations populaires ce que les remontées gastriques sont à la digestion, je présume) au travers de consultations aussi bien en ligne qu’en demandant directement à des contribuables, en « présentiel » comme on dit maintenant dans le Monde d’Après où tout est connecté, à distance suffisante pour ne pas risquer (des pains dans la gueule) un contact physique potentiellement pathogène.
Et oui, vous avez bien lu : les Français pourront aussi détailler la façon dont ils désireraient que ces impôts soient (dilapidés) dépensés. Comme quoi, Attal et Bercy n’ont reculé devant aucune prouesse en poussant ainsi des millions de contribuables au sein d’un nouveau métaverse dans lequel ils auraient effectivement leur mot à dire.
C’est hardi, c’est magique et rassurez-vous, c’est parfaitement fictif : si l’actuelle brochette de clowns au pouvoir a bien démontré quelque chose, c’est de n’absolument jamais tenir compte des consultations, forums et autres conseils citoyens qu’ils ont enchaînés avec frénésie depuis que le peuple a justement commencé à grogner (vertement) jaunement. Avançant systématiquement des agendas déterminés de façon unilatérale, basés sur le mensonge, la manipulation et la dissimulation, ces exercices de consultation citoyenne n’ont jamais été rien d’autre qu’une manœuvre à la fois dilatoire et permettant d’enduire d’un fin vernis de démocratie artificielle les décisions arbitraires passées ensuite sans vergogne.
L’exercice démocratique (que ce soit celui du référendum ou celui des élections régulières) est normalement destiné à cela : par le choix d’un programme politique, les citoyens peuvent définir notamment l’emploi de l’impôt. Le décalage patent entre les déclarations des candidats et les réalisations des élus, souvent aux antipodes, a largement dépourvu cet exercice de tout levier sur les ponctions fiscales et leur emploi.
Une idée beaucoup plus hardie consisterait à rendre prescriptif des choix clairement exprimés par les contribuables : chacun serait alors en droit et en devoir de définir précisément à quel(s) ministère(s) leurs impôts seraient versés, et dans quelles proportions, favorisant ainsi une saine concurrence entre les ministères réellement utiles pour les citoyens et ceux qui ne sont plus que des instruments de propagande ou de manipulation du peuple (et dont on peut imaginer qu’il les financerait subitement moins).
Bien sûr, une telle idée serait aussi révolutionnaire que réformatrice en puissance : oubliez-la donc.
En revanche, il est maintenant certain que le cirque qui se met en place va durablement occuper les services de communication du gouvernement et toute une presse transie d’amour pour l’actuel pouvoir et permettre de faire oublier la dette colossale que ces imbéciles ont creusée avec un appétit inégalé (on est passé de 2200 milliards à 3000 milliards en 6 ans grâce à Macron) et l’incroyable gabegie de distribution sociale, ponctionnée en dehors de l’impôt et qui constitue maintenant l’essentiel des délires budgétaires observés, sans qu’aucun frein ne soit jamais envisagé.
Alors que le pays est en proie à quelques tensions sociales dont on sait que la source n’est pas exclusivement cantonnée à la nature des réformes menées mais aussi à la façon générale dont ont été manipulés les Français pendant les dernières années, on doit admettre que se lancer ainsi dans une grande démarche de collecte d’informations auprès des contribuables ne manque pas de panache : agacer le peuple pour ensuite lui demander ce qu’on pourrait améliorer démontre au mieux un certain courage, au pire une inconscience voire une désinvolture certaine.
Cependant, compte-tenu de la façon dont les moquages de visage puissants et systématiques se sont enchaînés depuis que Macron est au pouvoir, on pourra raisonnablement pencher sur la seconde hypothèse (l’inconscience et la désinvolture totale) plutôt que la première, celle-ci mobilisant des qualités que ni le chef de l’État, ni ses petits sbires frétillants n’ont su démontrer depuis leur arrivée au pouvoir.
Et pour rappel, les impôts, c’est mieux expliqué en bande-dessinée. En deux pages, une ici et l’autre là, ça ira.
- Source : Hashtable