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Jeudi, 14 Nov. 2024

Jeffrey Sachs choque lors d’un débat : « Les États-Unis ont déclenché la guerre en Ukraine »

Auteur : Professeur Jeffrey D. Sachs | Editeur : Walt | Jeudi, 14 Nov. 2024 - 15h02

Jeffrey Sachs a affirmé que les États-Unis seraient responsables de la crise Ukraine-Russie. Une série de décisions stratégiques depuis 1990 ont selon lui, exacerbé les tensions et contribué au déclenchement du conflit.

Le 22 octobre 2024, lors d’une séance de questions-réponses, le professeur Jeffrey Sachs a pris la parole pour donner son point de vue controversé sur la guerre en Ukraine. Il a affirmé que les États-Unis, par une série d’actions stratégiques remontant aux années 1990, auraient joué un rôle clé dans l’escalade de la situation entre l’Ukraine et la Russie. Voici une rétrospective des événements cités par Sachs, retraçant les étapes historiques de cette crise complexe.

L’engagement initial de 1990 : une promesse non tenue ?

Selon Sachs, l’origine des tensions remonte à 1990. À cette époque, James Baker, alors secrétaire d’État américain, aurait garanti à Mikhaïl Gorbatchev que l’OTAN ne s’élargirait pas vers l’Est si l’Allemagne acceptait la réunification. Cette promesse visait à apaiser les craintes de la Russie, alors encore URSS, concernant une expansion de l’influence occidentale à ses frontières.

1994 : L’extension de l’OTAN se profile

Cependant, en 1994, l’administration Clinton aurait rompu cet engagement en ouvrant la voie à l’intégration de pays de l’Est dans l’OTAN. Cette période marque l’entrée en scène des néoconservateurs américains, qui voient dans l’expansion de l’OTAN une stratégie de contrôle en Europe de l’Est, incluant même à terme l’Ukraine.

L’attaque de la Serbie en 1999 : un signal d’alerte pour la Russie

Le bombardement de la Serbie par l’OTAN en 1999 aurait profondément heurté Moscou. Cette opération, qui a vu une capitale européenne sous les feux de l’alliance transatlantique pendant 78 jours, a été perçue par la Russie comme une violation des principes de souveraineté. Malgré cet épisode, Vladimir Poutine aurait maintenu une ouverture à l’Occident et même envisagé que la Russie rejoigne l’OTAN, dans l’espoir d’établir une relation de confiance et de respect mutuel.

2002 : Le retrait américain du traité sur les missiles

En 2002, les États-Unis se sont retirés du Traité sur les missiles balistiques, un acte qui a marqué une nouvelle dégradation des relations russo-américaines. Ce retrait a permis aux États-Unis de déployer des systèmes de défense antimissile en Europe de l’Est, perçus par Moscou comme une menace pour sa sécurité. Cette installation permettrait en effet, selon la Russie, une frappe rapide contre Moscou, intensifiant ainsi la méfiance.

La « révolution colorée » en Ukraine : un tournant politique

De 2004 à 2005, les États-Unis auraient activement soutenu un changement politique en Ukraine par le biais de la première « révolution colorée ». Cette intervention extérieure visait à instaurer un gouvernement pro-occidental dans le pays. Toutefois, en 2010, Viktor Ianoukovitch, prônant une politique de neutralité pour l’Ukraine, a été élu président.

2014 : Le renversement de Ianoukovitch et l’impact sur l’Ukraine

Le 22 février 2014, les États-Unis auraient joué un rôle central dans le renversement de Ianoukovitch, selon Jeffrey Sachs. Un appel entre Victoria Nuland, alors secrétaire d’État adjointe, et l’ambassadeur américain en Ukraine, Jeffrey Pyatt, révélé au public, confirme des discussions autour de la formation d’un nouveau gouvernement. À partir de cet épisode, l’OTAN a continué son expansion, malgré les mises en garde de Moscou.

2021 : Poutine tente de négocier la sécurité

En décembre 2021, Vladimir Poutine propose un accord de sécurité pour stopper l’élargissement de l’OTAN. Face au refus américain, la Russie lance ce qu’elle nomme une « opération militaire spéciale » en Ukraine. Après quelques jours, le président ukrainien Zelensky évoque la possibilité d’une neutralité pour son pays, mais cette initiative est immédiatement rejetée par les États-Unis et le Royaume-Uni, encourageant l’Ukraine à poursuivre les combats.

Un lourd bilan humain et une guerre aux conséquences globales

Depuis le début du conflit, les pertes humaines en Ukraine se sont élevées à environ 600 000 personnes, un chiffre tragique qui, d’après Sachs, reflète l’ampleur de la crise. Il souligne également l’importance de reconnaître les responsabilités partagées dans cette guerre, au-delà de l’image médiatique d’un Poutine isolé et agressif. Selon lui, la version qui prévaut actuellement relève d’une propagande soigneusement orchestrée pour justifier les actions américaines et mobiliser le soutien international.

Un avertissement pour l’avenir

Pour Jeffrey Sachs, le monde se trouve au bord d’une crise majeure. « Jouer avec le feu » en défiant une puissance nucléaire comme la Russie pourrait avoir des conséquences désastreuses, insiste-t-il. Loin d’être un simple affrontement entre deux nations, ce conflit révèle une rivalité stratégique globale, alimentée par des décennies de décisions politiques et diplomatiques à hauts risques.

Transcription :

Il ne s’agit pas d’une attaque de Poutine contre l’Ukraine, comme on nous le dit tous les jours. Cela a commencé en 1990, lorsque James Baker, alors troisième secrétaire d’État des États-Unis, a déclaré à Mikhaïl Gorbatchev que l’OTAN ne se déplacerait pas d’un pouce vers l’Est si l’Allemagne acceptait l’unification.

Cependant, dès 1994, les États-Unis ont trahi cet engagement lorsque Clinton a signé un plan visant à étendre l’OTAN jusqu’en Ukraine. À partir de là, les néoconservateurs ont pris le pouvoir et l’élargissement de l’OTAN a commencé en 1999 avec la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. Cette même année, les États-Unis ont bombardé la Serbie, utilisant l’OTAN pour attaquer Belgrade, la capitale européenne, pendant 78 jours consécutifs.

Les Russes ont très mal pris cet acte, mais malgré cela, Poutine a tout de même adopté une position pro-européenne et pro-américaine, allant jusqu’à envisager que la Russie rejoigne l’OTAN, dans l’espoir d’une relation de respect mutuel. Après le 11 septembre, lors de l’intervention en Afghanistan, la Russie a soutenu les États-Unis, reconnaissant la nécessité de lutter contre le terrorisme.

Mais en 2002, les États-Unis se sont retirés unilatéralement du traité sur les missiles balistiques, ce qui a conduit au déploiement de systèmes de missiles en Europe de l’Est, perçus par la Russie comme une menace directe pour sa sécurité nationale. Cette situation permettrait en effet une frappe rapide contre Moscou, une crainte majeure pour les Russes.

En 2004-2005, les États-Unis ont soutenu un changement de régime en douceur en Ukraine, une opération marquée par la première « révolution colorée ». Pourtant, en 2009, Ianoukovitch a été élu président de l’Ukraine en 2010, sur la base d’une position de neutralité pour le pays. Le 22 février 2014, les États-Unis ont participé activement au renversement de Ianoukovitch. Un appel entre Victoria Nuland et l’ambassadeur Jeffrey Pyatt, tous deux hauts fonctionnaires du Département d’État, a été intercepté, révélant des discussions sur la formation d’un nouveau gouvernement en Ukraine.

Suite à cela, les États-Unis ont encore poussé l’OTAN à s’élargir, malgré les mises en garde de Poutine qui rappelait les promesses de non-élargissement. L’adhésion de l’Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Slovénie, soit sept pays supplémentaires, a accru les tensions.

Le 15 décembre 2021, Poutine a proposé un projet d’accord de sécurité entre la Russie et les États-Unis, stipulant qu’il n’y aurait pas d’élargissement de l’OTAN. Mais avec l’échec des négociations, l’opération militaire spéciale de la Russie a commencé. Quelques jours après, Zelensky a proposé la neutralité de l’Ukraine, mais les États-Unis et le Royaume-Uni ont refusé, encourageant les Ukrainiens à poursuivre le combat, bien qu’ils ne soient pas eux-mêmes en première ligne.

Depuis, environ 600 000 Ukrainiens ont trouvé la mort, un chiffre dramatique depuis la visite de Boris Johnson à Kiev, où il les a exhortés à rester courageux. Cette situation est absolument tragique.

Il est important de comprendre que ce conflit n’est pas simplement l’œuvre d’un dirigeant fou. Ce récit est une construction propagandiste du gouvernement américain. Nous jouons avec le feu, et il serait catastrophique qu’une puissance nucléaire devienne notre adversaire. Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve, mais ce sont nos actions qui ont contribué à déclencher ces hostilités.

L'auteur, Jeffrey D. Sachs, est professeur d’université et directeur du Centre pour le développement durable de l’Université Columbia, où il a dirigé l’Earth Institute de 2002 à 2016.

Il est également président du Réseau des solutions de développement durable des Nations Unies, coprésident du Conseil des ingénieurs pour la transition énergétique, commissaire de la Commission du haut débit des Nations Unies pour le développement, académicien de l’Académie pontificale des sciences sociales au Vatican et professeur honoraire distingué Tan Sri Jeffrey Cheah à l’Université Sunway.

Il a été conseiller spécial de trois secrétaires généraux des Nations Unies et est actuellement défenseur des ODD auprès du secrétaire général António Guterres.

Il a passé plus de vingt ans en tant que professeur à l’Université Harvard, où il a obtenu ses diplômes de licence, de maîtrise et de doctorat. Sachs a reçu 42 doctorats honorifiques et ses récentes distinctions comprennent le prix Tang 2022 pour le développement durable, la Légion d’honneur par décret du président de la République française et l’Ordre de la Croix du président de l’Estonie.

Ses ouvrages les plus récents sont The Ages of Globalization: Geography, Technology, and Institutions (2020) et Ethics in Action for Sustainable Development (2022).


- Source : Le Média en 4-4-2

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