Contrôle de l’information : après la commission Bronner, Viginum
L’élection présidentielle approche et ce que l’on pourrait appeler une oligarchie macronienne met en place les conditions d’une bonne réélection du président sortant via une plus grande efficacité du contrôle de l’information, que celle-ci soit privée ou publique. Viginum est une parfaite illustration du second terme.
De la loi Avia à la commission Bronner
Infortunée Laetitia Avia, la députée d’origine togolaise de Paris espérait son quart d’heure de gloire warholien avec sa loi sur le contrôle d’internet. Las, la loi a été en grande partie vidée de son contenu par le Conseil Constitutionnel. Pire, après avoir mordu un chauffeur de taxi, la malheureuse Laetitia a été accusée de harcèlement professionnel par nombre de ses anciens collaborateurs ; chassez le naturel il revient au galop, disait ma grand-mère.
Ce qui revient au galop également, c’est le désir des autorités de disposer de filtres d’information pour que le « bon peuple » disposant des « bonnes informations » puisse « bien voter ». C’est ainsi qu’une enième commission Théodule alias commission Bronner alias « Les Lumières à l’heure du numérique » a été mise en place.
L’objectif de la commission, dirigée par Gérald Bronner, consistera à proposer une série de propositions contre les diffuseurs de haine et la désinformation. Devrait donc ressortir de cette commission un ensemble de préconisations attentatoires aux libertés sous couvert de lutte contre la haine. Une sorte de loi Avia sans vote du Parlement. Le risque ici est évidemment : la remise en cause de l’espace de liberté qui s’est créé avec le développement d’internet.
De la commission Bronner à Viginum
La commission à peine mise en place a vu un de ses membres démissionner et son président être accusé d’avoir propagé des fausses nouvelles, on pouvait rêver mieux comme rampe de lancement. Vient alors Viginum.
Viginum comme vigilance. Annoncé par Intelligence Online en février 2021, Viginum alias « Service de protection contre les ingérences numériques étrangères » est rattaché au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), bigre !
Le service richement doté comprendra 65 personnes équivalent temps plein (source Lettre A) pour un budget non encore communiqué au complet mais avec déjà une ligne budgétaire dédiée de 4M€ pour se doter de logiciels de cyber analyse « anti fake news », en particulier venant de l’étranger et encore plus particulièrement en période électorale, suivez mon regard…
Du joli monde macro compatible
Le chef sera le magistrat de la Cour des comptes Gabriel Ferriol. On notera parmi les membres de son comité éthique et scientifique (source Intelligence on line), Pauline Talagrand de l’AFP, Aymeril Hoang ex directeur de cabinet de Mounir Mahjoubi au secrétariat d’État au numérique, Julie Joly directrice du CFJ le centre de formation des journalistes, une institution où le politiquement correct est la règle absolue, Jean-Maurice Ripert ex diplomate ancien conseiller de Michel Rocard et Lionel Jospin, Benoît Loutrel (ex Google, tiens donc) et membre du CSA, auxquels pourraient s’adjoindre dans un rôle plus opérationnel des membres du renseignement venus de la DGSE (intérieur) et de la DGSI (extérieur). Des liens seront sans doute établis avec le CLMI, comité de lutte contre les manipulations de l’information. Au passage la création de Viginum semble faire double emploi avec le CLMI, soit que ce dernier n’ait pas donné entière satisfaction soit que la sensible période électorale à venir permette des investissements espérés fructueux sur le plan politique.
Disinfo pour informer, ou mieux pour désinformer
Toujours selon Intelligence on line, Viginum utilisera les services de « Disinfo », créé en 2019 pour surveiller les manipulations de l’information, le volet « soft power » du gouvernement. Se référant de manière explicite aux « Macron leaks » qui avaient vu certaines informations de l’équipe Macron lors de l’élection présidentielle de 2017 révélées au grand public, Disinfo utilisera des outils spécifiques. À titre d’exemple Political Ads permet aux utilisateurs de signaler des publicités politiques illégales sur Facebook. Bot Clusters aide à identifier des réseaux de comptes automatisés sur Twitter. Open Terms Archive et Scripta Manent suivent les utilisations des principales plateformes en ligne. Des outils qui permettront de désactiver les « mauvaises informations » négatives pour le pouvoir en place, sans doute avec l’aide des GAFAM. On annonce une cartographie des sites de désinformation dont la liste sera intéressante à consulter.
Lire aussi : La commission Bronner, contre le complot et la désinformation ou le contraire
- Source : Observatoire du journalisme