Comme CNN, BFMTV participe à la propagande du Projet Mockingbird de la CIA
Après avoir quitté le Washington Post en 1977, Carl Bernstein a passé six mois à examiner les relations entre la CIA et la presse.
La CIA joue depuis longtemps un rôle de propagande internationale, mais pendant la guerre froide, l’Agence a payé et intimidé des journalistes pour qu’ils l’aident à promouvoir ses programmes. Le célèbre journaliste du Watergate, Carl Bernstein, a révélé l’histoire en 1977 pour Rolling Stone. Bernstein a révélé les rouages de l’opération Mockingbird, dans le cadre de laquelle de nombreux journalistes - dont des lauréats du prix Pulitzer - ont rejoint le personnel de la CIA, rédigeant de faux articles pour diffuser la propagande de l’agence et en fournissant des renseignements. D’autres journalistes ont été menacés et ont fait l’objet de chantage pour coopérer avec Mockingbird, et beaucoup ont reçu des informations falsifiées ou fabriquées de toutes pièces concernant leurs articles, afin de soutenir la mission de la CIA. Le programme n’a jamais été officiellement interrompu.
- Alain Weill : « Je voudrais faire de BFMTV l’équivalent francophone de CNN International »
- Lors de la guerre du Golfe 1991, Georges Bush déclara : « J’en apprends davantage par CNN que par la CIA ».
- CNN = CIA News Network.
L’utilisation de journalistes a été l’un des moyens les plus productifs de collecte de renseignements employés par la CIA. Bien que l’Agence ait fortement réduit le recours aux reporters depuis 1973, (principalement en raison de la pression exercée par les médias), certains journalistes sont toujours en poste à l’étranger.
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Les chaînes d’information en continu : source d’aliénation du consommateur ?
L’infobésité participe à une mutation dans le comportement du consommateur, sur-informé, sur-connecté. Les médias influencent le consommateur à travers des moyens multiples afin de fédérer de l’audience invisible.
Les chaînes d’information en continu diffusent un flux d’information pour informer et fidéliser son téléspectateur. La concurrence est rude et la course à l’exclusivité de l’information l’est aussi ! La véracité de l’information traitée n’est plus vraiment une priorité pour certains médias et supports. C’est ainsi que le processus d’aliénation du consommateur commence, il est face à une multitude d’information émise par les chaînes. Lesquelles sont parfois contradictoires et vides de sens. Qui croire ? Comment croire ? Pourquoi ? Telles sont les questions pragmatiques que se pose le consommateur, pour y répondre les chaînes doivent changer leur fusil d’épaule afin de comprendre ces attentes. Le consommateur est parfois méfiant et oppressé par l’intrusion des médias dans son quotidien, mais surtout dans sa réflexion !
Les chaînes ont pour mission d’être informateur et non prescripteur… Elles se doivent de créer du contenu pertinent et accessible à tous afin de fédérer le plus grand nombre de téléspectateurs. Pour ce faire, de nombreuses chaînes utilisent des stratégies de manipulation que l’on retrouve dans leur structure de discours.
A travers le programme diffusé et l’information traitée, le téléspectateur se forge une opinion, mais est-elle objective ou influencée par le média ? Le consommateur est aujourd’hui un conso-acteur sensible aux rouages des médias et souhaite préserver son libre arbitre.
Grille de programmation et transmission d’information
Dans le paysage audiovisuel français, il n’existe pas moins de cinq chaînes d’information en continu dont deux chaînes TNT. Les grilles de programmation de ces antennes sont similaires et se composent par deux types de programmes. Le premier est une édition en duo où l’actualité est dite « chaude ». Il s’agit des grands titres de l’actualité récente, l’édition est le réveil matinal des téléspectateurs. Le deuxième type de programme est une émission constituée de chroniqueurs experts dans un domaine : musique, sport, mode… L’actualité traitée est alors « froide », avec une grille des programmes alternée d’éditions et d’émissions.
Pour éviter les boucles d’information et ainsi la répétition, les émissions permettent de traiter des informations plus légères, sous plusieurs angles. La chaîne souhaite divertir pour fidéliser de manière pertinente son téléspectateur. Ce sont des émissions où la dynamique de l’équipe présente à l’antenne est moins solennelle que dans les éditions. L’antenne offre ainsi à son téléspectateur une multitude d’informations traitées par des formats différents.
Le discours, facteur de fidélisation de l’audience
Toutes les chaînes d’information en continu proposent à leurs téléspectateurs des tickets appelé plus communément bandeaux d’informations ayant pour objectif de transmettre des informations plus légères qui ne seront pas approfondies ou traitées pendant l’émission. Le bandeau peut être aussi un rappel des informations citées précédemment. Le consommateur n’est ainsi pas perdu lors de son arrivée sur la chaîne.
Dans un environnement où l’immédiateté de l’information devient essentielle, il permet de diffuser un flux d’informations continu en temps réel. En plus de l’information traitée par le programme, l’info-consommateur prend connaissance d’autres faits d’actualité. Les discours sont des moyens de retenir l’attention du consommateur. Plus l’information sera expliquée simplement plus elle sera comprise et assimilée par un grand nombre de consommateurs. C’est un réel enjeu de transmettre à l’aide de termes simples une information parfois complexe. Le discours devient alors accessible, il peut être un facteur de fidélisation pour le consommateur.
Au-delà du discours, la dynamique du plateau est très importante, les journalistes présents contribuent au rythme de l’émission qui est nécessaire pour séduire le consommateur tout en restant dans son positionnement, l’information en continu n’est pas du divertissement, là est la limite. Le contenu du programme doit être structuré ainsi que différenciant de sa concurrence pour ne pas perdre le téléspectateur.
Intrusion des médias, oppression du téléspectateur
L’intrusion excessive des médias nuit au consommateur, qui se sens ainsi oppressé ; il n’est plus maître de ses décisions. Prenons l’exemple du malaise provoqué chez le téléspectateur par la chaîne BFM TV en janvier 2015.
Plusieurs familles ont porté plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Elles visent les informations dévoilées par la chaîne pendant la prise d’otages commise à Porte de Vincennes. Un journaliste avait ainsi affirmé, en direct : « Il y a une personne, qui s’est cachée dans une chambre froide, à l’arrière de l’établissement. »
A la suite de cet événement, le CSA a mis en demeure plus de seize médias qui avaient manqué aux règles les plus élémentaires de prudence. Leurs méthodes de travail dans ce contexte sont des « pousse-au-crime » Le téléspectateur devient acteur et se sent dépourvu face aux médias. Le traitement de l’information dit brut et sans humanité perd l’adhésion du téléspectateur.
Flux rapide d’info, manipulation éclair
Le consommateur doit également faire face aux stratégies de manipulation, notamment au flux rapide et continu d’informations. Il semblerait que le téléspectateur tienne pour vraies les informations diffusées sur un mode rapide et via un flux continu. Autrement dit, plus un flux d’information est rapide et continu, moins le téléspectateur a le temps d’y réfléchir. Et c’est ainsi que le processus d’aliénation commence ! En effet, croire qu’une information est vraie aide à en assimiler le contenu, l’articulation, le sens. C’est donc un véritable piège pour les esprits critiques.
Une autre stratégie de manipulation repose sur le concept de l’heuristique de disponibilité. Pour illustrer ce concept prenons l’expression « une image vaut 1000 signes ». Plus les chaînes diffusent des images de crashs d’avions, dans les moindre détails plus nous essayons de nous représenter la probabilité qu’un tel événement nous arrive ! Le consommateur juge l’évènement susceptible de se produire et s’identifie à l’information traitée par la chaîne. L’heuristique de disponibilité participe au « bourrage de crâne » dont les médias sont accusés.
Le discours et la terminologie journalistique sont des facteurs d’adhésion pour le consommateur. Selon certains psychologues les téléspectateurs admettent deux façons de traiter l’information.
D’une part un traitement “délibératif”, qui permet de prendre des décisions au terme d’une réflexion posée suite à une base informative. C’est une faculté à traiter les informations suite à un reportage par exemple. Un reportage pragmatique qu’on ne peut pas vraiment nier.
D’autre part, un traitement “associatif” qui procède par analogie floue et machinale.
Si le terme parle au téléspectateur comme « vache folle », a contrario l’expression « encéphalopathie spongiforme bovine » s’adresse au système délibératif : aucune image ne vient à l’esprit, aucune association machinale n’est suggérée.
L’appel aux experts, gage de crédibilité
Le comportement du consommateur mute. Il est devenu méfiant face aux rouages des médias. L’objectif est à présent de rassurer l’info-consommateur sur la véracité de l’information traitée.
Pour ce faire les chaînes font appel à un expert qui accréditera l’information dévoilée à l’antenne. Par exemple le témoignage d’un ancien patron du GIGN lors d’un attentat, C’est également un moyen de « meubler » lors d’un manque d’informations lié à l’événement se produisant en direct. Les experts doivent couvrir la cible du support, le discours doit rester clair et précis afin de demeurer une nouvelle fois accessible à tous.
C’est également l’occasion de créer un débat sur le plateau autrement dit de générer du rythme, mais surtout de l’interaction avec l’info-consommateur, en particulier via les réseaux sociaux.
Grâce aux interventions des experts, le consommateur se sent privilégié, il accède à une information énoncée par un professionnel, lié de près à l’événement traité. Il ne sent plus embrigadé par de multiples journalistes guidés par l’exclusivité de l’information.
En dehors de l’écran, la fédération de l’audience invisible ?
Le philosophe Stanley Cavell démontre que l’expérience qui consiste à regarder la télévision ne se réalise pas de manière individuelle. En partant du constat : voir c’est voir avec, le consommateur entre en interaction avec ceux qui regardent le même programme simultanément. Le public se forme grâce au rassemblement des individus autour d’un même programme.
Aujourd’hui les réseaux sociaux appuient plus que jamais cette thèse. Désormais lorsqu’un consommateur regarde un programme il le commente sur les réseaux sociaux là où d’autres consommateurs réagissent également. Face à ce constat, la plupart des chaînes d’information en continu organisent des live-tweet sur Twitter, le community manager commente l’émission aux côtés des téléspectateurs pendant sa diffusion. Le consommateur admet plusieurs casquettes celui de téléspectateur mais aussi de l’internaute, c’est le phénomène social tv !
Selon le sociologue John Hartley, ce public télévisuel n’existe pas. Il est une fiction inventée par les producteurs de télévision, le terme approprié serait audience. A l’inverse, les travaux de Dominique Pasquier sur le courrier des fans de la série « Hélène et les garçons » montrent que « l’expérience télévisuelle est une occasion sociale, parmi d’autres, qui permet de marquer son appartenance » et ainsi créer un public. La finalité des chaînes d’information en continu n’est pas de créer une audience mais un public fidèle et réceptif aux informations transmises par celle-ci.
A travers cette audience invisible une opinion se forge… Et la théorie de l’agenda-setting s’interroge : l’opinion est-elle influencée par le média concerné ? Les chaînes d’information en continu choisissent un certain nombre d’information, à l’ordre du jour. Ils disent aux téléspectateurs ce à quoi il faut penser. Cependant, ils n’influencent pas directement le consommateur quant à ce qu’il faut en penser. Les chaînes d’information en continu exercent un effet considérable sur la formation de l’opinion publique, en attirant l’attention de l’audience sur certains faits et en négligeant d’autres. Ces chaînes définissent ainsi le calendrier des évènements et la hiérarchie des sujets traités pendant les éditions ou émissions. Ce qui entraîne immanquablement que les téléspectateurs le notent aussi et le mémorisent à leur tour.
Par conséquent, les chaînes d’information en continu ne disent pas aux consommateurs ce qu’ils doivent penser mais ce sur quoi ils doivent porter leur attention. Une attention portée sur les informations diffusées par la chaîne.
Les chaînes d’information en continu n’ont pas d’influence directe sur ses consommateurs, mais elles structurent en revanche les perceptions des leaders d’opinion qui eux possèdent une très forte capacité d’influence. Elles ne sont donc pas une source d’aliénation à elles seules puisque l’opinion du consommateur dépend des opinions préexistantes et du réseau de relations interpersonnelles de celui-ci, ainsi que de son champ social. Le consommateur est donc davantage sensible aux opinions qui lui sont proches. La télévision ne serait-elle que notre propre miroir ?
- Source : Géopolintel