Afrique du sud : Le sang des ouvriers coule toujours
Depuis plusieurs mois, des grèves massives touchent successivement différents secteurs de l’économie en Afrique du Sud : le secteur minier (or et platine) et routier. La première grève a éclaté à la mi-août et a été immédiatement réprimée dans le sang. Le bilan est lourd : entre 30 et 36 morts. La cause de cette grève spontanée, qui a surpris force de l’ordre et syndicat, est la suivante : augmentation des salaires ; améliorations des conditions de vie et de travail. « Nous sommes exploités (…) les sociétés minières font de l’argent grâce à notre travail et on ne nous payent presque rien. Nous vivons comme des animaux à cause des salaires de misère », déclare l’un des grévistes, Thuso Masakeng. Les mineurs sont logés dans des taudis accolés à la mine, sans eau courante. »
Le 22 août un appel mondial a été lancé pour venir en aide aux ouvriers qui peu à peu se faisaient massacrés par les forces de l’ordre, d’autant plus que les syndicats du pays ne soutenaient guère les ouvriers en lutte pour leurs droits fondamentaux. Pourtant, parti de la ville de Marikana et d’une mine de platine (Nord du pays), le mouvement social s’est peu à peu propagé jusqu’à Johannesburg et à d’autres secteurs miniers : or, chrome, charbon, aucun secteur n’est épargné. Même les transports routiers sont touchés. Les revendications sont similaires et traduisent le ras-le-bol des ouvriers sud-africains, exploités pour la plupart par des entreprises qui appartiennent en majorité à des britanniques. Alors que ce secteur représente 20% du PIB national, les inquiétudes se multiplient quant à une reprise éventuelle du travail : malgré l’octroi pour les chauffeurs routiers d’une augmentation de salaire, le conflit social reste latent dans le secteur minier, et la menace de supprimer des dizaines de milliers d’emploi ne semble pas refroidir les ouvriers, déterminés à gagner ce combat là sur le terrain social. Actuellement, c’est près de 100 000 personnes qui sont en grève en Afrique du Sud, et ce sont principalement des ouvriers non syndiqués qui maintiennent le combat. Alors que les syndicats tentent vainement de négocier sans réelle réussite, les ouvriers gardent le contrôle de leur situation et doivent quotidiennement affronter les répressions policières. D’autant plus que le pouvoir en place, dirigépar Jaco Zuma, espère un règlement rapide du conflit social. Le Président, pourtant issu d’une majorité de gauche, est un ancien proche de Nelson Mandela, mais depuis peu, son autorité ne trouve d’écho que dans le sang versé des ouvriers, et son train de vie n’a aucune chance d’apaiser l’esprit des Sud-africains.
Au final, ce conflit social a pour mérite de mettre en lumière une partie des problèmes dont souffre aujourd’hui l’Afrique du Sud : impérialisme britannique (la Chambre du Commerce Britannique s’est même positionnée sur ce conflit), corruption des syndicats ; pouvoir autoritaire ; exploitation des ouvriers et appauvrissement général de la société civile. Autant de maux que les ouvriers miniers combattent grâce aux mouvements qu’ils ont impulsé depuis la mi-août.
Albert Richon, publié dans Actualutte n°31