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Lundi, 23 Déc. 2024

La glace du Groenland fond… le sérieux journalistique aussi

Auteur : André Heitz | Editeur : Walt | Jeudi, 08 Août 2019 - 21h57

Le Groenland a perdu 0, 0056 % de sa masse de glace durant le mois de juillet. Les médias en ont fait leurs choux gras.

C’est CNN qui a échauffé les esprits dans les rédactions hexagonales et porté des cerveaux à ébullition avec le réchauffement climatique absolument ca-tas-tro-phi-que.

Son titre – « Greenland’s ice sheet just lost 11 billion tons of ice – in one day » (la couche de glace du Groenland a perdu 11 milliards de tons de glace – en un seul jour) – a été repris sans nuance et même sans réfléchir. Tout comme la comparaison avec 4,4 millions de piscines olympiques.

Des tons et des tonnes, ou l’inculture scientifique

Enfin, pourquoi réfléchirait-on dans une rédaction ? Puisque CNN l’a écrit, il suffit de traduire… C’est ainsi que le journal Le Monde – loin d’être le seul dans cette galère – titre : « En une journée, onze milliards de tonnes de glace ont fondu au Groenland », et écrit en chapô : « La calotte glaciaire fond trois fois plus vite qu’en temps normal, impactée par le réchauffement climatique. »

Mais la short ton états-unienne équivaut à 0,907185 tonne métrique, de sorte que le chiffre exact de glace perdue et devant finir sous forme d’eau dans la mer est de 10 milliards de tonnes.

Le journaliste de CNN a cité Mme Ruth Mottram, de l’Institut météorologique danois et a bien fait la conversion de tonnes métriques en (short) tons. Nos journalistes hexagonaux à l’extraordinaire (in)culture scientifique n’ont pas fait la conversion inverse en pompant de CNN…


Il y a une petite vidéo de CNN sur Youtube en français. La conversion a été faite…

Remontez le niveau, SVP !

Non, il ne faut pas relever le niveau des mers, censé monter tout seul, mais le niveau qualitatif de l’information.

Ne prenons cependant pas ombrage de cette erreur évitable mais somme toute sans grande conséquence. Il y a certainement une large part de doigt mouillé – trempé dans l’eau de fonte glacée ? – dans l’estimation du volume perdu. Mais cela illustre une fois de plus la pertinence de l’appel du collectif NoFakeScience. En bref et dans cet horrible langage inclusif :

« Nous, scientifiques, journalistes et citoyen·ne·s préoccupé·e·s, lançons un cri d’alerte sur le traitement de l’information scientifique dans les médias, ainsi que sur la place qui lui est réservée dans les débats de société. À l’heure où la défiance envers les médias et les institutions atteint des sommets, nous appelons à une profonde remise en question de toute la chaîne de l’information, afin que les sujets à caractère scientifique puissent être restitués à tous et à toutes sans déformation sensationnaliste ni idéologique et que la confiance puisse être restaurée sur le long terme entre scientifiques, médias et citoyen·ne·s. »

Climat ou météo ?

En matière de « déformation sensationnaliste [et] idéologique », nous sommes servis : c’est prétendument l’effet du changement climatique selon le bon principe qui veut qu’on lui doit les vagues de chaleur, la météo étant incriminée pour les vagues de froid.

La vidéo de CNN évoque certes « [l]’alarmante fonte des glaces au Groenland » en introduction mais évoque ensuite « la vague de chaleur qui a envahi l’Europe et l’Arctique ». Preuve est faite qu’il y a des journalistes qui savent résister à la collapsologie.

On admirera aussi cette « information » dans le Monde :

« Les scientifiques ont enregistré des températures, pas encore confirmées, de 2,7 °C à 3000 mètres d’altitude jeudi qui constitueraient un record. »

Encore plus fort…

LCI fait encore plus fort avec « Le Groenland a perdu 12,5 milliards de tonnes de glace le 1er août ». Ça doit être le chiffre inflation comprise ; en fait non, c’est le taux d’ablation ; une partie n’est pas liée à la température ainsi qu’on peut le déduire du gazouillis suivant, pourtant copié :

L’hystérie bat son plein, tout comme le copier-coller. Ainsi, les 160 gigatonnes (milliards de tonnes) de glace fondues en juillet représentent « comme l’a observé le météorologue Eric Holthaus dans Rolling Stone, de quoi recouvrir toute la Floride d’1,80 mètre d’eau. » Combien sur la ville de Paris ? Donnons la solution : en gros 1600 mètres. Ou encore :

« Pour l’instant, la fonte de 2019 a causé une augmentation du niveau des mers de 0,65 mm, selon le climatologue, qui ajoute que de telles anomalies étaient prévues pour 2050… avec le scénario le plus pessimiste du Giec. »

Il s’agit de la fonte totale depuis le début de l’année ou, plus précisément, depuis début mai (la fonte commençant normalement fin mai comme cela est abondamment précisé par les prêcheurs d’apocalypse). Tremblez quand même, braves lecteurs de LCI :

« La calotte glaciaire est […] épaisse de plusieurs kilomètres en moyenne et, même à ce rythme très inquiétant, la fonte du Groenland prendrait plusieurs siècles (et ferait monter de 7 mètres le niveau des océans, noyant des régions entières). »

Le Point se limite au Groenland : en introduction de son « Au Groenland, 11 milliards de tonnes de glace fondent en une journée » :

« Le constat est sans appel. Après des mois de températures excessivement élevées, une catastrophe écologique frappe le Groenland. »

Toute proportion gardée, un glaçon

Redevenons sérieux… Ce dont on parle, c’est d’un épisode de fonte très exceptionnel dû à une vague de chaleur très exceptionnelle – dont on ne pourra dire que dans quelques années, voire décennies, si elle résulte ou non des changements climatiques. Pour le moment, il faut en rester à la météo.

Et la situation est en train de retourner à la normale.

L’Antarctique subit son hiver. Quel est le bilan à court terme entre les pertes du Groenland et les gains de l’Antarctique ? Personne ne s’y est intéressé… mais au moins un climatologue a calculé une augmentation du niveau des mers tout à fait théorique sans préciser les limites de son assertion. Bientôt, il neigera à nouveau sur le Groenland et de la glace se formera. Quel sera le bilan pour le Groenland à court et plus long terme ? On en reste aux conjectures, mais les pronostics favorisent la fonte, tout comme les évaluations.

Ne jamais oublier les ordres de grandeur

Concluons sur une question d’ordres de grandeur : les 160 gigatonnes de glace représentent 160 kilomètres cubes. Le lac Léman fait 89 kilomètres cubes, le débit annuel du Rhône 54 kilomètres cubes.

C’est certes beaucoup par rapport à une perte de masse de 286 ± 20 gigatonnes/an sur 2010-2018, soit six fois plus depuis les années 1980.

Mais le volume total de glace du Groenland est de 2,85 millions de kilomètres cubes. La perte cumulée de juillet représente donc 0,0056 %. C’est ce que LCI appelle un « rythme très inquiétant » et le Point une « catastrophe écologique »…

À la mi-juin déjà, les médias s’étaient enflammés, le Groenland ayant alors perdu 2 kilomètres cubes de glace en un jour. Certains d’entre eux n’avaient pas hésité à « préciser » que cela faisait 40 % du volume total des glaces du Groenland…

Et le 14 juillet 2019, le Figaronautisme titrait : « Une montée des océans de 2 mètres plausible d’ici 2100 »… alors que la « prédiction médiane [d’un collectif de chercheurs] est de 69 cm dans un schéma optimiste, et de 111 cm dans la trajectoire actuelle, par rapport à 2000 » – trajectoire annoncée à + 5°C.

Devant ces hyperboles à propos de la fonte des glaces on ne peut qu’être confondu.


- Source : Contrepoints

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