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Dimanche, 22 Déc. 2024

Monsieur Hulot : on vous espérait en vacances !

Auteur : Loïk Le Floch-Prigent | Editeur : Walt | Jeudi, 20 Juin 2019 - 16h28

Tandis que l’ancien Ministre démissionnaire revient pour nous rappeler, avec d’autres, que la fin du monde n’est pas si loin, les pays africains qui avaient suivi ses orientations de suppression des fossiles au profit des énergies renouvelables se désespèrent des résultats obtenus. Je vais évoquer ici le cas du deuxième pays d’Afrique en termes de population, l’Ethiopie, qui est passé de 95 millions d’habitants à 105 millions en quelques années et qui connait, grâce à sa politique de santé, en particulier la vaccination, une progression constante.

L’Ethiopie ce sont des montagnes, des cours d’eau et un grand désert qui va à l’Est jusqu’au Kenya et à la Somalie. Ses dirigeants ont considéré que l’électrification du pays se réaliserait à partir de l’hydro électricité, de la géothermie et de l’utilisation du vent, applaudis par tous les écologistes du monde, en particulier ceux qui peuplent les organismes dépendant des Nations Unies : enfin un pays vertueux, ou presque, puisque certains ne sont pas enthousiastes à considérer l’eau de la pluie comme aussi « naturelle » que le vent ou le soleil.

Lorsqu’il y a quelques années, j’avais rencontré le Vice-Premier ministre de l’époque, Haile Mariam Dessalegn, qui devait remplacer comme Premier ministre, Meles Zenawi, mort précocement, j’avais tenté de lui montrer les bienfaits d’un mix électrique possible pour son pays grâce à la découverte de gisements conséquents de gaz dans l’Est du pays. D’un coté des barrages nombreux, à la construction rapide, pouvaient être envisagés tout au long du Nil Bleu et de ses affluents, d’autre part, en deux ans des centrales à gaz, modulaires, pouvaient voir le jour à l’Est et la construction de lignes pouvait être préparée. Je ne pouvais pas oublier, à l’époque, le champ éolien d’Ashegoda, construit avec l’aide de l’AFD et des banques françaises avec du matériel français, Vergnet (Orléans) d’abord avec 30 engins et Alstom ensuite avec 54.

La discussion a été orageuse, le barrage, le seul, retenu, était le barrage « Renaissance » sur le Nil Bleu, à la frontière avec le Soudan, 6000 MW, et conformément aux souhaits des français « notre pays (l’Ethiopie) n’allait pas commettre les mêmes erreurs que l’Occident, se cantonnerait aux énergies nouvelles, d’où d’ailleurs le recours aux éoliennes françaises ». Mon interlocuteur considérant ne pas avoir à « salir la planète » avec le gaz éthiopien, voulait l’exporter à partir d’un gazoduc conduisant à Djibouti avec une installation de liquéfaction là-bas. Double projet, pharaonique, avec des coûts élevés ainsi que les délais. Les responsables d’EDF avaient bien étudié les fleuves, les coûts, les délais, j’avais en tète les quantités de TCF de gaz des gisements de Calub et d’Hilali, mais j’ai dû rapidement battre en retraite car la colère du Ministre arrivait très vite.

Nous sommes près de dix ans après, l’Ethiopie a été célébrée par tous les bien-pensants pour sa vertu, elle avait compris que la voie de l’aide internationale passait par l’oubli de ses réserves naturelles, son hydraulicité répartie et son gaz, elle a dix millions d’habitants en plus et elle n’a plus d’eau et toujours pas d’électricité… sauf les riches de la capitale, Addis-Abeba, qui possèdent des générateurs électriques alimentés à l’essence ou au diesel… achetés à partir de Djibouti en provenance de leurs voisins arabes ! Il y a dix ans la moitié des habitants n’avait pas accès à l’électricité, maintenant ce sont les trois quarts !  Et c’est la Banque Mondiale qui le dit ! Où sont les électrons des éoliennes préconisées par toutes ces institutions, et ceux de la géothermie, célébrée par tous ces beaux esprits, tandis que le gaz du pays Somali dort, et que les petites rivières ont seules l’alimentation du ciel et de ses nuages.

Tandis que les difficultés s’accroissent dans le pays qui a heureusement choisi un dirigeant plutôt consensuel à cheval sur les deux ethnies les plus importantes, que propose-t-on ? Un gazoduc financé par les chinois et une usine d’urée construite avec l’aide du Maroc. Mais qui va dire que la solution la plus rapide devrait être l’utilisation électrique du gaz et la mise en place de centrales au fil de l’eau dans les montagnes du Centre et du Nord du pays ? Bien sûr, ce n’est pas vertueux et quand on a poussé un pays vers le suicide il est difficile de faire marche arrière. Bien sûr, les milliards dépensés pour réaliser le barrage de la Renaissance, le barrage du Millénaire, vont finir dans quelques années par porter leurs fruits, mais on s’apercevra alors , comme partout en Afrique, qu’il manque des lignes de transport et que l’on n’avait pas anticipé l’augmentation de la population. Ainsi la vertu et l’idéologie qui l’accompagne ont un prix, celui du dénuement et des souffrances de millions d’individus alors que l’éducation progressait, que le niveau professionnel augmentait, que des projets industriels voyaient le jour.

Lorsque je me souviens de ma soirée avec Hiale Mariam Dessalegn je suis rempli de tristesse, je n’ai pas réussi à le convaincre, mais tous ses autres interlocuteurs l’avaient dissuadé d’utiliser les énergies « fossiles », ce qui a conduit notre pays, la France, à se glorifier d’être le « premier au monde » à interdire l’exploration et la production de pétrole et de gaz, comme il est le premier (et le seul) à vouloir décider qu’en 2040 il ne fallait plus construire de véhicules thermiques. Si la stupidité et l’arrogance limitaient leurs conséquences néfastes à nos frontières, après tout, tant pis pour nous si nous sommes tous des imbéciles, mais lorsque nous exportons nos fantasmes et qu’ils se transforment en drames, je trouve cela injuste, profondément injuste, pour des populations pacifiques et talentueuses qui voudraient tant pouvoir continuer à sourire à la vie. Tous les messieurs Hulot auront à cœur, je l’espère, de mesurer les conséquences de leurs préconisations de production électrique dans des pays qui doivent simplement utiliser leurs ressources naturelles sans qu’il soit nécessaire de juger du caractère vertueux ou non de leurs décisions.

Photo d'illustration: Parc éolien d’Ashegoda situé à environ 780 km au nord de la capitale éthiopienne, Addis-Abeba. Crédit photo : Vergnet.


- Source : Iveris

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