Comment les chercheurs obligent les statisticiens à truquer les résultats expérimentaux
Comme le disait Winston Churchill : « je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même manipulées ».
L’article qui suit, portant sur un échantillon de 390 statisticiens traitant de résultats d’expérimentations et de tests biologiques, pharmacologiques et médicaux, analyse les manipulations demandées (voire exigées ?) par les expérimentateurs et donneurs d’ordres dans le traitement des données expérimentales qui leur sont transmises.
On comprend ainsi combien le rôle des études – tel qu’il est compris par les centres de recherche des groupes pharmaceutiques ou phyto-sanitaire – est d’assurer la promotion des produits et non pas de refléter la réalité observée des propriétés mises en évidence…
Tout cela est pressenti depuis longtemps, sinon déjà bien connu…
Mais l’important c’est qu’aujourd’hui une revue médicale américaine de renom prenne le risque de dénoncer cette fraude quasi institutionnelle et les manipulations statistiques des résultats expérimentaux de ces « études » menées uniquement pour prouver ce qu’on souhaite par avance…
Le monde médical et pharmaceutique est le premier utilisateur de cette imposture…
Les exemples sont légion…
On comprend mieux ainsi comment le tabac est « officiellement » rendu responsable de 60 000 décès de cancer du poumon par an en France quand il n’y a pas autant de cancers mortels recensés et que la majorité d’entre eux concerne des non-fumeurs !!! (Claude Timmerman-MPI)
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Un statisticien sur 4 dit qu’on lui a demandé de commettre un trucage scientifique.
Comme dit le dicton “Il y a trois sortes de mensonges : le mensonge, le sacré mensonge et les statistiques.”
Nous savons que cela est vrai parce que ce sont les statisticiens eux-mêmes le disent.
Un très étonnant rapport publié dans les Annals of Internal Medicine affirme que les chercheurs font souvent des “demandes déplacées” aux statisticiens. Et par “déplacées” les auteurs ne parlent pas des demandes accidentelles d’analyse statistique abusive; ils parlent de demandes de manipulation malhonnête des données ou même de fraude.
Les auteurs ont interrogé 522 biostatisticiens et ont obtenu des réponses suffisantes de 390 d’entre eux. Ils ont alors construit une table classant les demandes selon la gravité du caractère “déplacé”. Par exemple, en tête de liste, on trouve “falsifier la signification statistique pour prouver un résultat désiré” ce qui est une fraude pure et simple. En fin de liste on trouve “ne pas montrer le graphique parce qu’il n’a pas un effet aussi percutant que celui qu’on espère” ce qui est seulement considéré comme « légèrement vilain ».
A droite, les auteurs montrent le nombre de fois que les biostatisticiens ont estimé avoir reçu une telle demande au cours des 5 dernières années. Les résultats sont accablants. La pire demande (falsifier la signification statistique) a été faite à 3 % des interrogés. Le changement des données a été demandé à 7 %, et l’énorme proportion de 24 % -près de 1 sur 4- dit qu’on leur a demandé de retirer ou modifier des données.
Indiscutablement, c’est là une demande de commettre une fraude scientifique.
Parmi les péchés moins graves, 55 % des biostatisticiens disent avoir reçu des demandes pour ne pas insister sur les résultats non significatifs.
Menteur, Menteur
Il est tout à fait remarquable qu’un scientifique ait l’audace de demander à un autre professionnel de truquer des données. Alors qu’il n’y a aucune excuse pour les énormes errements (i.e. falsifier la signification statistique), certains de ceux qui sont moins graves ne reflètent peut-être pas de la malfaisance mais seulement de l’ignorance. Souvent les scientifiques ne sont pas très bons en statistiques et ils peuvent faire des demandes déplacées simplement par ignorance. L’étude n’a pas envisagé cela.
Tout de même, cette étude devrait servir pour rappeler que la crise actuelle de reproductibilité pourrait avoir, au moins en partie, une explication plus inquiétante.