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Dimanche, 22 Déc. 2024

Le transhumanisme est-il l’avenir de l’humanité ?

Auteur : Prof. Chems Eddine Chitour | Editeur : Walt | Mercredi, 24 Oct. 2018 - 16h39

«La science et la technique ont pris le pas sur la nature, sur le pouvoir, sur la poésie, sur la philosophie et sur la religion. Voilà le coeur de l’affaire. Elles ont bouleversé notre vie» Jean d’Ormesson (de l’Académie française)

Une nouvelle révolution est en train de se dérouler dans les laboratoires, une révolution sans bruit, sans médiatisation sans morts apparents mais qui est lourde de signification pour l’avenir de l’humanité. Les scientifiques parlent de supprimer les causes de la mort en « réparant » l’homme, mieux encore en « augmentant » ses capacités au-delà de ses capacités naturelles. Cette science : le transhumanisme est un tournant majeur dans la destinée humaine. Elle pose cependant des problèmes éthiques voire religieux.

Qu’est-ce que le transhumanisme ? 

Le transhumanisme est un mouvement intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. La quête d’immortalité date de l’Épopée de Gilgamesh ou les quêtes de la fontaine de Jouvence et de l’élixir de longue vie, au même titre que tous les efforts ayant visé à empêcher le vieillissement et la mort, en sont l’expression. (…) Le biologiste Julian Huxley, semble être le premier à avoir utilisé le mot « transhumanisme ». En 1957, il définit le transhumain comme un « homme qui reste un homme, mais se transcende lui-même en déployant de nouveaux possibles de et pour sa nature humaine ». (Encyclopédie Wikipédia)

« De ses débuts confidentiels dans la Californie des années 1990 à la profusion d’articles, de livres et de débats, le transhumanisme suscite rejets radicaux ou adhésions extrêmes, Car le transhumanisme, qui entend augmenter les capacités physiques et mentales de l’être humain, porte une utopie : le dépassement de la condition humaine. Le transhumanisme défend des projets parfois sidérant d’audace, comme prolonger la vie de plusieurs siècles, coloniser l’espace, doter l’homme de capacités sensorielles et cognitives bien au-delà de sa condition actuelle ou encore contrôler son état psychologique par un dopage permanent. Ces promesses ne constituent pas une simple confiance dans le progrès technologique ». (1)

« Souvent, le transhumanisme est perçu comme une spéculation sur le développement technologique, ce qu’il est, mais en partie seulement. Le transhumanisme nous appelle à prendre en main notre évolution pour nous libérer de « la loterie génétique », de la mortalité, des limites de nos capacités. Il s’agit ni plus ni moins que de changer l’homme, de révolutionner ses conditions biologiques pour le transformer, bref faire passer l’humanité à une étape nouvelle (et supérieure) de son évolution grâce à un effort technologique concerté et intense. Né à la fin des années 1980, le transhumanisme a réussi à inscrire à l’agenda mondial certaines de ses problématiques, son vocabulaire, sa vision du monde : l’homme augmenté, l’eugénisme libéral, le prolongévisme, la colonisation spatiale comme réponse à la crise climatique, autant de thématiques qui ne sont peut-être pas propres au transhumanisme mais que celui-ci porte et, surtout, unifie dans un projet global. Les transhumanistes annoncent une « révolution technologique » en cours, révolution pour laquelle ils proposent une pensée, une éthique, une psychologie. Aussi n’est-il pas surprenant que le transhumanisme inspire l’action de dirigeants de multinationales qui investissent des sommes considérables dans le développement de technologies correspondant aux utopies transhumanistes, Larry Page et Sergey Brin, Elon Musk, Peter Thiel, Mark Zuckerberg sont les plus médiatisés, les plus puissants sans doute » (1).

« En remettant en question l’idée que l’homme ait une nature définie, qu’il doive respecter les limites physiques de sa condition, que la mort soit un horizon indépassable pour toute construction sociale, le transhumanisme interroge des éléments structurants de l’expérience humaine. Par certaines de ses propositions les plus radicales, le transhumanisme pousse les positions éthiques classiques dans leurs retranchements, les amenant à se positionner en face de pratiques déjà effectives que l’on pourrait rapporter au transhumanisme (comme un certain eugénisme libéral, l’usage de médicaments pour des bien-portants à finalité d’augmenter leurs capacités, etc.).() Que veulent les transhumanistes ? Quelles sont leurs valeurs ? Quels sont les arguments de ses adversaires ? Chemin faisant, en débattant du transhumanisme, c’est de la place que prennent les technologies dans notre vie que nous discutons. Le détour en vaut donc la peine ! » (1)

« Le projet Human Body Version 2.0 a pour principal acteur Ray Arch Kurzweil, un archi-transhumaniste. Les objectifs sont clairement énoncés depuis un certain temps: Dans les décennies à venir, une mise à niveau radicale des systèmes physique et mental de notre corps, déjà en cours, utilisera des nanobots pour augmenter et finalement remplacer nos organes. Nous savons déjà comment prévenir la plupart des maladies dégénératives par la nutrition et la supplémentation; ce sera un pont vers la révolution émergente de la biotechnologie, qui à son tour sera un pont vers la révolution des nanotechnologies. D’ici 2030, l’ingénierie inverse du cerveau humain sera terminée et l’intelligence non biologique fusionnera avec notre cerveau biologique. En fait, il a déjà été annoncé que l’ingénierie inverse du cerveau humain était en bonne voie grâce à de nouvelles micropuces et à un logiciel associé. Et, bien qu’on ne s’attende pas à un recâblage complet du cerveau par les nanobots avant 2020, Phys.org a signalé que notre ADN avait été ciblé avec succès par des nanobots «pour la pharmacothérapie ou la destruction». Sur la base de nos connaissances actuelles, nous pouvons déjà toucher et sentir les moyens de réaliser chaque aspect de cette vision. Des chercheurs de l’Université de Columbia ont mis au point une flotte de nanorobots moléculaires capables d’administrer des médicaments à des cellules spécifiques et d’identifier les marqueurs génétiques à l’aide de marqueurs fluorescents»(1).

Le Corps humain du futur : version 2.0 

L’un des architectes du transhumanisme Ray Kurzweil, membre du conseil consultatif scientifique de la Lifeboat Foundation nous donne sa perception du futur celle d’un homme où aucun de ses organes n’est irremplaçable et même son imaginaire peut être modifié ( amélioré) ! Il écrit :

« Dans les décennies à venir, une mise à niveau radicale des systèmes physique et mental de notre corps, déjà en cours, utilisera des nanobots pour augmenter et finalement remplacer nos organes. D’ici 2030, l’ingénierie inverse du cerveau humain sera terminée et l’intelligence non biologique fusionnera avec notre cerveau biologique. Le sexe a déjà été en grande partie séparé de sa fonction biologique. Nous avons plusieurs méthodologies pour créer des bébés. Notre espèce a déjà augmenté l’ordre «naturel» de notre cycle de vie grâce à notre technologie: médicaments, suppléments, pièces de rechange pour pratiquement tous les systèmes de l’organisme et de nombreuses autres interventions. Nous avons déjà des appareils pour remplacer nos hanches, genoux, épaules, coudes, poignets, mâchoires, dents, peau, artères, veines, valves cardiaques, bras, jambes, pieds, doigts. Les systèmes destinés à remplacer des organes plus complexes (nos cœurs, par exemple) commencent à fonctionner. Au fur et à mesure que nous apprendrons les principes de fonctionnement du corps humain et du cerveau, nous pourrons concevoir des systèmes extrêmement supérieurs qui seront plus agréables, dureront plus longtemps et fonctionneront mieux, sans risque de panne, de maladie et de détérioration. Vieillissement » (2).

« Nous ne créerons pas tout à la fois la version 2.0 du corps humain. Ce sera un processus progressif, déjà bien engagé. Les nanobots – des robots à la taille d’une cellule sanguine – fourniront les moyens de repenser radicalement notre système digestif et, accessoirement, à peu près tout le reste. Dans une phase intermédiaire, les nanobots situés dans le tube digestif et le sang extrairont intelligemment les nutriments précis dont nous avons besoin, demanderont des nutriments et des suppléments supplémentaires via notre réseau local sans fil et enverront le reste des aliments que nous consommons sur notre chemin. passé pour élimination. (…) En fin de compte, les nutriments individualisés nécessaires à chaque personne seront parfaitement compris (y compris les centaines de composés phytochimiques) et disponibles facilement et à peu de frais, de sorte que nous n’aurons pas besoin d’extraire les nutriments des aliments. Cette technologie devrait être raisonnablement mûre d’ici les années 2020. Les nutriments seront introduits directement dans le sang par des nanobots métaboliques spéciaux. Les capteurs de notre circulation sanguine et de notre corps, utilisant la communication sans fil, fourniront des informations dynamiques sur les nutriments nécessaires à chaque instant. Un avantage important de la technologie des nanobots est que, contrairement aux simples médicaments et compléments nutritionnels, les nanobots possèdent une certaine intelligence. Ils peuvent suivre leurs propres inventaires et se glisser intelligemment dans notre corps de manière intelligente ». (2).

« Le cœur poursuit l’auteur est une machine remarquable, mais elle pose un certain nombre de problèmes graves. Bien que les cœurs artificiel commencent à fonctionner, une approche plus efficace consiste à se débarrasser complètement du cœur. Parmi les conceptions de Freitas figurent des substituts de cellules sanguines nanorobotiques qui fournissent leur propre mobilité. L’énergie sera fournie par des piles à combustible à l’hydrogène de taille microscopique. Integrated Fuel Cell Technologies, a déjà créé des piles à combustible de taille microscopique. Les respirocytes offrant un accès très étendu à l’oxygénation, nous serons en mesure d’éliminer les poumons en utilisant des nanobots pour fournir de l’oxygène et éliminer le dioxyde de carbone. () De même, les organes qui filtrent le sang pour détecter les impuretés, tels que les reins, peuvent également être remplacés par des services d’élimination à base de nanorobots. » (2)

« Il ne reste plus qu’à présent le squelette, qui est une structure stable et nous avons déjà une compréhension raisonnable de son fonctionnement. (). Des nanobots interconnectés permettront d’augmenter et, à terme, de remplacer le squelette. Remplacer des parties du squelette aujourd’hui nécessite une intervention chirurgicale douloureuse, mais le remplacer par des nanobots de l’intérieur peut être un processus progressif et non invasif. La version 2.0 du squelette humain sera très forte, stable et se répare d’elle-même. La peau, cependant, est un organe que nous voudrons garder, Nous pourrons en fin de compte améliorer la peau grâce à de nouveaux matériaux souples issus de la nanotechnologie qui offriront une meilleure protection contre les effets environnementaux physiques et thermiques » (2).

Nous sommes en train de devenir des Cyborgs. Reconcevoir le cerveau humain 

« La partie difficile -pour le moment- constituée par le cerveau fait l’objet de recherches intenses. Comme lu sur la publication suivante : « Le processus d’ingénierie inverse et de refonte englobera également le système le plus important de notre corps: le cerveau. Environ la moitié de notre code génétique étant consacré à sa conception. Considérer le cerveau comme un organe unique est une idée fausse. C’est en fait une collection complexe d’organes de traitement de l’information, interconnectés dans une hiérarchie complexe, et l’accident de notre histoire évolutive. Nous avons déjà des modèles mathématiques détaillés d’une vingtaine de dizaines de régions sur plusieurs centaines qui composent le cerveau humain. L’âge des implants neuronaux est également bien avancé.» (3)

L’auteur décrit ensuite quelques avancées remarquables dans le cadre de la « réparation » de l’homme » Des chercheurs du MIT et de Harvard développent des implants neuronaux pour remplacer les rétines endommagées. Il existe des implants cérébraux destinés aux patients atteints de la maladie de Parkinson pour inverser les symptômes les plus dévastateurs de cette maladie.

«Plutôt que de traiter le cerveau comme une soupe, en ajoutant des produits chimiques qui améliorent ou inhibent certains neurotransmetteurs», explique Rick Trosch, un médecin américain qui a contribué à ces traitements, «nous le traitons maintenant comme un circuit». Nous devenons rapidement plus intimes avec notre technologie. Les ordinateurs ont commencé comme de grosses machines distantes installées dans des salles climatisées et entretenues par des techniciens en revêtement blanc. Par la suite, ils se sont installés sur nos bureaux, puis sous nos bras et maintenant dans nos poches. Bientôt, nous les mettrons régulièrement dans nos corps et nos cerveaux. En fin de compte, nous deviendrons plus biologiques que biologiques. D’ici la fin de cette décennie, l’informatique disparaîtra comme une technologie distincte que nous devons emporter avec nous ». (3)

« D’ici 2030, l’électronique utilisera des circuits de la taille d’une molécule, l’ingénierie inverse du cerveau humain sera terminée Il est important de noter qu’une fois que l’intelligence non biologique a pris racine dans notre cerveau (un seuil que nous avons déjà franchi), elle va croître de manière exponentielle, tout comme le caractère accéléré des technologies basées sur l’information. Un cube d’un pouce de circuits de nanotubes (qui fonctionne déjà à plus petite échelle dans les laboratoires) sera au moins un million de fois plus puissant que le cerveau humain. D’ici 2040, la partie non biologique de notre intelligence sera beaucoup plus puissante que la partie biologique. Cependant, il fera toujours partie de la civilisation homme-machine, dérivée de l’intelligence humaine, c’est-à-dire créée par l’homme (ou des machines créées par l’homme) et basée au moins en partie sur l’ingénierie inverse du système nerveux humain. » (3).

Sommes-nous à vingt années des bébés personnalisés ? 

A quand un bébé à la carte, quasiment fabriqué de toute pièce ?  Avec les progrès de la science et de la recherche médicale, la frontière qui nous sépare du spectre de l’eugénisme est de plus en plus ténue… Dans un avenir proche, le diagnostic pré-implantatoire, et bientôt l’utérus artificiel, vous permettront-ils de recourir à l’ectogenèse pour procréer d’une façon tout sauf naturelle, sans laisser de place au hasard, et de choisir le sexe de votre enfant, voire son QI ? Le futur sombre imaginé dans le film «Bienvenue à Gattaca» et le roman «Le Meilleur des Mondes» semble de plus en plus à notre portée » (4).

Dans le même ordre, d’une réécriture du destin de chaque être humain, cette publication va plus loin. On peut pratiquement commander le bébé que l’on veut. Il n’y a plus de loterie génétique ; Que se passerait-il si les parents en devenir avaient la possibilité de choisir à l’avance la combinaison de gènes que leur enfant hériterait ? La question est sortie du cadre de la science-fiction selon Hank Greely, professeur de droit à l’Université de Stanford. La science et la technologie sous-jacente progressent rapidement, il est maintenant temps d’examiner attentivement « quels changements légaux seraient nécessaires pour essayer de maximiser les avantages et minimiser les dommages de cette nouvelle approche reproductrice .» (5)

« Le professeur Greely a exploré les implications juridiques, éthiques, et sociétales des biotechnologies émergentes dans un nouveau livre : «The end of sex and the future of human reproduction » (Harvard University Press, 2016), qui envisage un monde où la procréation ne commence plus dans la chambre à coucher, mais plutôt dans une boîte de Pétri d’une clinique médicale. Dans le livre, Greely raconte le scénario suivant : Un couple voulant un enfant, créerait cent embryons et recevrait un dossier sur l’ADN de chacun. Cela révélerait la présence de gènes favorisant l’apparition de graves maladies mortelles, ainsi que des marqueurs qui confèrent un risque accru de conditions moins graves. Mais cela pourrait aussi inclure des gènes pour des traits physiques, comme la couleur des yeux ou des cheveux, la taille et le type de corps. Mais également des marqueurs pour les traits comportementaux tels qu’une inclination pour le sport ou la musique. Les futurs parents sélectionneraient alors les embryons à implanter, sur la base des caractéristiques espérées. Le diagnostic préimplantatoire (DPI) qui consiste à l’extraction d’une seule cellule d’un embryon créé in vitro (FIV), et le dépistage de gènes malades ou des chromosomes anormaux est présent depuis 25 ans. Mais tôt ou tard, les scientifiques réussiront à faire des ovules humains viables et du sperme à partir de cellules souches pluripotentes induites (CSPi) provenant de la peau ou d’autres cellules somatiques, dit Greely. Cela permettra d’éliminer également la pression de l’horloge biologique au moins en termes de conception permettant ainsi aux femmes à repousser la formation d’une famille. » (5)  *

Dans le même ordre on annonce une gestation réussie pour un agneau dans un utérus artificiel. Les humains pourraient être les prochains cobayes ? Les agneaux ont passé quatre semaines dans des utérus extracorporels sans le moindre problème apparent A l’intérieur de ce qui ressemble à un sac en plastique zippé branché à des tubes flexibles contenant du sang et d’autres fluides, huit fœtus de moutons ont poursuivi leur développement, quasiment comme ils l’auraient fait à l’intérieur du ventre de leurs mères.

Si l’on en croit la nouvelle étude faisant ses premiers pas vers un utérus artificiel, pendant quatre semaines, les agneaux ont vu leurs poumons et cerveaux se développer, leur peau se couvrir de laine. Ils ont ouvert les yeux, gigoté, et appris à avaler » (6).

Pour le docteur Laurent Alexandre On manipulera les embryons pour optimiser nos enfants. La modification de l’ADN mettra fin à la loterie génétique. Aujourd’hui, un bébé français sur 30 est produit aujourd’hui par procréation médicalement assistée(CPMA). La place de l’intelligence artificielle (IA) dans la fabrication des bébés s’accroît d’année en année, et son potentiel de développement est vertigineux. Plusieurs étapes faisant appel à l’intelligence artificielle sont requises (…) nous allons cohabiter avec de nombreuses formes d’IA. Nous accepterons d’»augmenter» nos bébés pour qu’ils soient à la hauteur de ces intelligences artificielles. Déjà 50 % des jeunes Chinois souhaitent développer le QI de leurs bébés par manipulation génétique. La bataille entre transhumanistes et bioconservateurs a commencé » (7).

Résister au transhumanisme. Pourquoi ? Comment ? 

Faut-il refuser le progrès indéniable du fait que les fondements éthiques qui ont mis des millénaires à sédimenter sont remis en cause ? Il y a l’approche scientifique et l’approche religieuse. Du côté de la science Jacques Testart, directeur de recherche honoraire à l’INSERM. Citoyen vigilant, préoccupé des dérives de nos sociétés, s’affirme le défenseur têtu « d’une science contenue dans les limites de la dignité humaine » et de la démocratie réelle. Autant de prises de positions scientifiques et éthiques qu’il expose dans de nombreux« Les techniques du transhumanisme se forgent discrètement dans nos laboratoires et commencent à envahir notre quotidien. C’est que les marchands de confort et d’illusions rencontrent des intérêts industriels mais aussi des esprits réceptifs, surtout ceux des plus jeunes. Résister c’est d’abord informer et analyser mais c’est surtout produire un discours et des pratiques de déminage, c’est proposer des modes d’être au monde avec les autres qui refusent la performance et la compétition, c’est affirmer que l’humain vaut mieux que ce qu’il en parait trop souvent ». (8)

Le transhumanisme, une nouvelle religion ? 

Devant les avancées de la science et l’aphonie des religions, l’humanité est ballotée entre une vision de l’immortalité que nous offre la science « ici bas et maintenant » et ce que nous promettent les religions dans « plus tard dans l’au-delà » Grégory Aimar nous parle de ce miroir aux alouettes dont il décrit toutes les tentations à portée de main :

« « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » écrivait Rabelais, il y a cinq siècles, dans Pantagruel. Nul doute que l’auteur aurait été très inspiré, aujourd’hui, par le mouvement transhumaniste. En effet, quoi de plus pantagruélique que l’appétit de ses adeptes ? Leur gloutonnerie va jusque-là : vouloir rendre l’être humain immortel, omniscient et omnipotent. Au menu de leur banquet, qui n’a rien de platonique : le rajeunissement de nos cellules pour prolonger nos vies et même la « fin de la mort », le remplacement de nos organes par des ersatz synthétiques censés être plus efficaces, l’amélioration de nos capacités intellectuelles et cognitives grâce à des implants cérébraux, une interconnexion permanente entre les humains « augmentés » et une super intelligence centrale qui posséderait l’ensemble des connaissances de l’humanité depuis la nuit des temps et qui, de plus, répondrait à nos besoins immatériels, émotionnels et psychologiques, qui encadrerait nos activités professionnelles et financières, mais aussi nos loisirs, nos déplacements, nos relations, et qui mesurerait nos performances dans tous ces domaines ». (9)

« Pour ses apôtres, le transhumanisme n’est rien d’autre que la prochaine étape de l’humanité, incontournable, logique, évidente. Ce qui est certain, c’est qu’il est la prochaine étape du capitalisme et de nombreux investisseurs l’ont compris : Alphabet (Google), Microsoft et Facebook injectent des sommes colossales dans la recherche sur l’intelligence artificielle et les NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives). Et ces géants de la Silicon Valley ne sont pas les seuls : en Russie, en Chine et en Europe aussi, entreprises et milliardaires de tout bord investissent massivement dans ces domaines, avec toutes les questions qu’un tel engouement peut poser d’un point de vue sociétal. Ou plutôt qu’un tel engouement devrait poser car, pour le moment, les États et les citoyens sont loin de s’être emparés du sujet et c’est tout le problème. Les conséquences de ce projet de société sont innombrables, littéralement. Nous ne pouvons en mesurer la portée aujourd’hui et, surtout, nous n’en comprenons pas réellement les motivations ». (9)

« Voici un aperçu des questions qui se posent aujourd’hui : dans un monde aux ressources limitées, où trouver les quantités d’énergie et de matières premières nécessaires à cette explosion de la technologie ? Si les transhumanistes parviennent à l’immortalité, comment la croissance de la population mondiale sera-t-elle régulée ? Devrons-nous interdire les naissances ? Comment les personnes qui ne pourront pas « s’augmenter », pour des questions de moyens financiers, pourront-elles rivaliser avec ces « posthumains » sur le marché du travail ? A fortiori quand, parallèlement, se déroulera une robotisation effrénée de l’économie mondiale, réduisant encore le nombre de postes disponibles ? Quid des relations personnelles ? Les humains purement « biologiques » deviendront-ils des sous-citoyens, incapables d’entrer en relation avec leurs congénères hybrides dotés d’une plus grande intelligence, d’une force physique décuplée, d’une meilleure santé et d’une capacité de travail infinie ? L’asymétrie des interactions entre « bio » et « techno » engendrera-t-elle une scission profonde de l’humanité et l’exploitation des uns, abaissés au rang de primates, par les autres, élevés au statut de quasi-divinités ? » (9)

Les posthumains, de nouveaux dieux ? 

« Nous touchons là du doigt la question des motivations, voire des fondements de l’idéologie transhumaniste. Au-delà de la volonté d’améliorer la vie de chacun, de la rendre plus riche, plus intense et plus longue, outre les motivations financières, scientifiques et politiques, derrière la façade progressiste et libérale de ce mouvement, réside une croyance qui est avant tout religieuse et qui n’est jamais évoquée : l’athéisme. Le transhumanisme exerce en creux, à travers sa doctrine, un prosélytisme radical. L’illustration la plus flagrante de cette posture réside dans le projet de transférer la conscience humaine dans une machine, autrement appelé « téléchargement de l’esprit ». Ce dessein repose sur la croyance que notre conscience serait une propriété émergente de l’interaction entre les neurones : autrement dit, le cerveau produirait la conscience. À partir de là, il suffirait de copier l’activité cérébrale d’une personne et de la reproduire dans un ordinateur ou dans un corps artificiel pour « ressusciter » ladite personne. Sauf que le postulat d’une conscience émergente du cerveau n’a jamais été démontré et que prétendre le contraire relève de la promotion d’une religion matérialiste qui nie l’existence de l’âme et donc, in fine, de Dieu. Être athée n’est pas un problème, mais promouvoir l’athéisme sans le dire ouvertement, sous couvert de progrès scientifique, en est un. Compte tenu de l’accélération prodigieuse des performances en matière d’intelligence artificielle et des miracles qu’elle pourra bientôt accomplir omniprésence, omniscience, omnipotence à travers nos devices ou directement à travers les implants dans notre corps, nous pourrions vite nous retrouver à vivre sous l’autorité d’une divinité technologique et à mourir en elle, pour ressusciter en tant que copie. Une ultime question se pose alors : cette copie de notre personnalité sera-t-elle bien nous ?’ (9)

« Autrement dit, notre conscience actuelle vivra-t-elle réellement l’expérience du transfert et expérimentera-t-elle l’éternité sur un disque dur ? Ou bien allons-nous perdre le lien avec notre âme, qui pourrait être la vraie source de notre conscience selon d’autres croyances, et abréger une vie précieuse au profit d’une éternité factice ? Un Rabelais 3.0 posterait-il aujourd’hui sur son compte Facebook qu’une « science sans âme n’est que ruine de la conscience » pour accompagner la photo d’un chaton s’attaquant à une souris d’ordinateur ? Devant la puissance croissante déployée par la technologie et le pouvoir qu’en retirent ceux qui la contrôlent, rien n’est moins sûr. C’est pourquoi il incombe à chacun de nous, dès à présent, de répondre à ces questions et d’exprimer ce que nous voulons au menu de notre avenir car, plus que jamais dans notre société en quête de sens, la faim justifie les moyens. Le transhumanisme serait le vecteur de la promotion d’une religion matérialiste qui nie l’existence de l’âme et donc, in fine, de Dieu.. » ( ???) C’est peut-être le tour maintenant des technosciences d’écrire les textes sacrés qui vont guider l’humanité pendant quelques millénaires » (9).

De l’homme réparé à l’homme augmenté à l’homme immortel ?

L’homme a toujours essayé de lutter contre la maladie et chercher une forme de confort notamment en « réparant » une partie de lui-même pour atténuer la douleur  Ainsi deux exemples nous permettent d’appréhender cette quête de l’homme depuis la nuit des temps. Le professeur  Ali Belkadi écrit:

« La propension au savoir rationnel est attestée en Algérie, il y a 7000 ans, durant l’ère néolithique dite de tradition capsienne, bien avant l’apparition des civilisations de Sumer, de Akkad ou celle de l’Egypte. Le site de Faïd Souar II, situé à 70km au sud-est de Constantine, a fourni en 1954 un crâne d’homo sapiens -ancêtre direct de l’homme moderne- dont le maxillaire dévoilait une prothèse dentaire. Cette originalité préhistorique annonciatrice de l’orthodontie est la seule du genre connue à ce jour dans le monde. (..) La mâchoire a subi l’avulsion de quatre incisives, selon l’usage bien établi chez les hommes d’Afalou-bou-Rhummel. La deuxième prémolaire supérieure droite de la femme préhistorique de Faïd Souar, a été remplacée par un élément dentaire fabriqué à partir de l’os d’une phalange qui a été finement taillé et lissé avant d’être réuni à l’alvéole. Ce qui lui donne l’apparence irréprochable d’une couronne dentaire conforme aux dents voisines.(..) La radiographie montre une grande proximité entre la paroi alvéolaire radiculaire du crâne et l’implant préhistorique. «Quelle précision dans ce travail pour ne pas faire éclater l’os!», écrivent Jean Granat et Jean-Louis Heim du Musée de l’homme à Paris, qui ajoutent: «Alors, les tentatives de greffes osseuses ou d’implantologie, réalisées par ce praticien d’alors, auraient 7000 ans!(…).» (10)

Graduellement pendant des millénaires l’homme s’est contenté « d’améliorer » sa condition ; notamment à l’occasion de guerres et toute une chirurgie traumatologique réparatrice  a vu le jour avec des prothèses de plus en plus élaborées concomitamment au remplacement d’organes défectueux, reins, vésicules biliaires.. prothèses auditives.. .Dans la deuxième  moitié du vingtième siècle les  avancées de la science ont permit d’aller plus loin ce sera la greffe cardiaque déclinée de façon différentes.

Présentement l’homme va plus loin il veut  sortir de sa condition d’homme avec ses insuffisances ; Bienvenue dans la civilisation de l’Homme augmenté. Avec des performances plus importantes, il ne  se contente plus d’améliorer sa vue , il invente des lunettes infra-rouge pour vois la nuit ..  Rien ne s’oppose à sa quête de mieux être  sauf qu’en s’attaquant au génome, il problématique la condition humaine apparemment avec des résultats notamment avec la découverte des CRISPC9 les fameux ciseaux qui peuvent réécrire le logiciel de la vie .

C’est un fait, la science bouscule d’une façon de plus en plus conquérante un certain nombre de «certitudes» avec lesquelles l’homme a vécues depuis l’avènement de l’humanité. On remarque que les sciences ne produisent plus seulement des visions du monde. Elles interviennent dans sa transformation. Ce faisant, elles sont tout autant cible qu’outil de formation de nos valeurs. Une question devient toutefois, de plus en plus récurrente: quelle est la définition de l’Humain? Après l’homme de plus en plus réparé, voici venir l’Homme augmenté avec un certain nombre d’additifs qui boostent son intelligence et ces ajouts nous font basculer dans l’homme machine, le cyborg. Que reste-t-il donc de son humanité? une tentative de greffe de tête humaine est envisagée !!

« Dans une étude publiée il y a quelques jours par la revue Surgical Neurology International, le neurologue italien Sergio Canavero annonce qu’il est désormais possible de greffer des têtes humaines. Pour être plus précis, si l’on considère que le cerveau, contenu dans le crâne, est le siège de la personnalité, de la conscience, et renferme ce qui rend chaque être humain unique, il vaudrait mieux parler de greffe de corps plutôt que de greffe de tête. L’auteur de l’étude écrit que les chirurgiens devront d’abord s’entraîner en réalisant des expérimentations sur des primates, voire sur des humains en état de mort cérébrale. Si tout avance comme sur des roulettes, la première greffe de tête humaine pourra avoir lieu dans deux ans assure Sergio Canavero ». (12)

Conclusion

Ou va l’humanité ? On remarque que les sciences ne produisent plus seulement des visions du monde. Elles interviennent dans sa transformation. Ce faisant, elles sont tout autant cible qu’outil de formation de nos valeurs. Une question devient toutefois de plus en plus récurrente : quelle est la définition de l’Humain ? Changer de corps, changer de tête, dans tout ça où est l’identité de l’Homme ?

A partir du moment où nous partageons avec un exo-cerveau, un exo-squelette, en un mot avec la machine une partie de notre identité, il arrive un moment où même avec les avancées du bricolage du génome par une méthode, semble-t-il, très simple, la Crispc9, que reste-t-il de notre part d’humanité qui mit des milliers d’années à évoluer pour finalement se faire «doubler» par une machine qui fait de nous un cyborg mi-homme mi machine, une chimère qui, à un moment ou à un autre, cessera de vivre ou plus exactement de fonctionner ?  (11)

La tentation de prolonger la vie, voire de rajeunir, va être bien grande, pour ceux qui en auront les moyens.  Ceci combiné à l’allongement de la durée de la vie, la mécanisation du corps, et autres possibilités ne serait-ce pas considéré comme un premier pas vers «l’éternité»? La question est de savoir si la quête de l’immortalité à n’importe quel prix entre dans la mission du médecin ? En fait, dans la quête de l’éternité, la solution finale serait la «copie» de cerveau, soit en recréant la matière grise in-vitro, soit en simulant parfaitement son fonctionnement par un système logiciel et en copiant le «contenu» du cerveau dans ce système Le Human Brain Project, a pour objectif précisément de modéliser le cerveau.

Plus largement, les religions notamment révélées, devraient de mon point de vue montrer que la transcendance n’interdit pas d’aller vers la science notamment, pour réparer le corps, mais que l’existence de l’homme est un miracle non seulement en termes d’insufflation de la vie, mais même au vu des millions de contraintes physico-chimiques surmontées pour qu’il naisse. Il n’y a pas lieu pour les croyants, de tenter de se substituer au divin De plus en plus les barrières éthiques sont de plus en plus dépassées au nom de la concurrence. Devant la science confucéenne qui a une autre vision de l’homme de sa présence sur Terre, les chercheurs n’ont pas d’état d’âme contrairement aux dernières digues qui commencent à sauter en Occident.

Cette course vers l’inconnu fait que l’homme ce tard venu à l’échelle des temps cosmiques se veut un destin semblable à celui de  Prométhée qui voulait  arracher le feu aux Dieux et dans son hubris, il  risque de précipiter l’humanité vers le chaos car il fait des expériences en étant lui-même dans l’éprouvette ! Si l’humanité – telle que nous la connaissons depuis l’aube de la vie- disparaît  du fait du bricolage biologique, la Terre et l’Univers ne la pleureront pas ! Que représente en effet quelques millions d’années sur quelques 13,82 milliards d’années ! Un clin d’œil !   Jean  Rostand avait raison  d’écrire:  » La science a fait de nous des Dieux avant d’être des hommes!  » Pourtant la création de l’homme est pour nous un miracle ! Ne peut on pas s’auto-discipliner pour laisser à la création de l’homme son mystère et s’attaquer à d’autres causes autrement plus dangereuses pour la condition humaine je veux  citer notamment les  catastrophes anthropiques comme les changements climatiques, les guerres pour le toujours plus  ?  Ce serait le commencement de la sagesse…  Amen !

Notes:

1.https://iatranshumanisme.com/2018/09/25/transhumanisme-quel-avenir-pour-humanite%e2%80%89/

2.https://lifeboat.com/ex/human.body.version.2.0#nanobots

3.https://iatranshumanisme.com/2017/10/16/resister-au-transhumanisme-pourquoi-comment/

4.Fabien Soyez https://www.cnetfrance.fr/news/procreation-du-futur-bientot-des-bebes-a-la-carte-39861608.htm 14 décembre 2017

5.https://iatranshumanisme.com/2016/04/18/sommes-nous-a-vingt-annees-des-bebes-personnalises/

6.Https://iatranshumanisme.com/2017/04/30/gestation-reussie-pour-un-agneau-dans-un-uterus-artificiel-les-humains-pourraient-etre-les-prochains/

7.https://iatranshumanisme.com/2018/09/20/la-chine-prochaine-superpuissance-de-intelligence-artificielle/

8.https://iatranshumanisme.com/2017/10/16/resister-au-transhumanisme-pourquoi-comment/

9.Grégory Aimar https://iatranshumanisme.com/2018/04/10/transhumanisme-une-nouvelle-religion/

10.Ali Farid Belkadi: A propos du youyou traditionnel Colloque Cread: Quels savoirs pour quelles sociétés dans un monde globalisé? Alger 8-11 novembre. 2007

11.Chems Eddine Chitour https://www.lesoirdalgerie.com/articles/2017/11/29/article.php?sid=220622&cid=41

12.Chems Eddine Chitour https://oumma.com/vers-nouvelle-humanite-hybride-lhomme-cyborg


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