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Le mystère des bébés nés sans bras et sans mains dans l'Ain

Auteur : Camille Gaubert | Editeur : Walt | Vendredi, 05 Oct. 2018 - 22h15

Entre 2009 et 2014, 7 cas de malformations des bras et mains ont été rapportés. Une fréquence 58 fois plus haute que la moyenne nationale, d'après l'antenne locale Remera, mais rien de significatif pour l'agence Santé Publique France... Comment expliquer cela ?

Non significatif, conclut le rapport de l'agence sanitaire Santé Publique France après avoir analysé les 7 cas de malformations des membres supérieurs survenus dans l'Ain entre 2009 et 2014. Selon le rapport publié jeudi 4 octobre 2018, "l'analyse statistique ne met pas en évidence un excès de cas par rapport à la moyenne nationale".

Tout commence en décembre 2010, lorsqu'un médecin généraliste de l'Ain signale deux naissances distinctes d'enfants porteurs d'une malformation similaire. Appelées "agénésies transverses du membre supérieur", il s'agit d'un mauvais développement de l'épaule, du bras ou de la main conduisant à leur absence ou à leur atrophie. C'est le Remera, registre des malformations en Rhône-Alpes, qui récupère l'affaire, "mais faute d'écho de la part des autorités sanitaires, les recherches sont interrompues", explique le Remera dans un rapport. Il faudra attendre mai 2014 et 5 cas supplémentaires pour que les autorités sanitaires commencent à parler d'un "cluster ou agrégat" (concentration anormale de cas) d'agénésies du membre supérieur en Pays de Loire.

Un nombre de cas de malformations inhabituel

Les 7 naissances avec agénésies transverses du membre supérieur ont en effet eu lieu dans un rayon de 17 kilomètres autour du village de Druillat en l'espace de 6 ans. Une fréquence considérée par le Remera comme 58 fois supérieure à celle attendue, à savoir la moyenne européenne de 2008-2012 qui est de 1,8 cas pour 10.000 naissances.

Les causes potentielles de ce type de malformations sont de trois types : génétique, contrainte physique entravant le développement (comme une anémie ou un manque d'oxygène), ou exposition à un produit tératogène (à l'effet nocif sur le développement fœtal). " L'hypothèse la plus probable reste une exposition à un tératogène commun à ces 7 mères", conclut en juillet 2018 un rapport du Remera, après avoir éliminé les deux premières possibilités. Ils évoquent d'ailleurs la présence dans la même zone géographique de veaux nés avec des agénésies de la queue et des côtes, sans réussir à obtenir plus de données, ni à établir un lien. Cependant, le Remera précise que "les faibles effectifs de naissances sur chaque commune au fil des années ainsi que le faible nombre de nouveaux cas par an invitent à rester prudents sur l'interprétation possible de ce cluster". Reste la question de ce nombre inhabituel de cas.

Une méthode qui a "tendance à générer des biais"

Santé Publique France s'est donc penchée sur le problème. Mais après calcul et en comparant le nombre de cas à l'échelle de l'Ain, l'agence ne trouve aucun excès par rapport à la moyenne nationale. Le Remera se serait-il trompé ? "Non il n'y a pas d'erreur", nous répond le Dr Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique adjoint à la Directrice générale de l'Institut de veille sanitaire, "c'est juste une différence de méthodologie". Car si Santé Publique France a choisi la zone géographique à examiner préalablement au calcul (le département de l'Ain), les outils de détection de clusters de Remera ont fait le chemin inverse. En effet, Remera procède par balayage systématique des données et explore tous les paramètres temporels et géographiques jusqu'à déceler des anomalies dans les nombres de cas rapportés. Cette méthode "est valide", commente le Dr Desenclos, "mais a tendance à générer des biais, car c'est une méthode trop sensible". Il concède cependant que même au sein de la profession, "il y a du débat" sur le sujet.

"Dans notre démarche, nous ne nous sommes pas arrêtés à la significativité scientifique", précise cependant le Dr Desenclos. Santé Publique France a en effet également examiné les facteurs de risque potentiels ayant pu causer les malformations, et ont conclu comme Remera que si risque il y avait eu, l'exposition à un produit tératogène était l'option la plus probable. La fenêtre d'exposition à risque pour le fœtus dans ce type de malformation se situant entre le 24ème et le 56ème jour de grossesse, les experts se sont demandé si les 7 grossesses avaient été simultanées. Or, les 1ers trimestres de gestation se sont révélés étalés sur les saisons. "Si les fenêtres à risque étaient toutes tombées au moment où l'agriculteur répand ses pesticides, on se serait dit qu'il y avait quelque chose à examiner", explique le Dr Desenclos.

Pour l'heure, si l'agence ne compte pas engager plus d'analyses, elle affirme maintenir "une attention toute particulière, en lien avec le registre,(...) pour identifier d'éventuels nouveaux cas".

Photo d'illustration: ANNE-SOPHIE BOST / ALTOPRESS / PHOTOALTO / AFP


- Source : Sciences et Avenir

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