En Ariège, un cocktail de substances chimiques tue 2 millions d’abeilles
La disparition des abeilles suit son cours tragique. Après 3.000 ruches décimées à cause de substances chimiques en Dordogne, un apiculteur bio de l’Ariège vient également de subir les conséquences de ces produits. En cause notamment, le fongicide Voxan, utilisé par un agriculteur voisin pour traiter son champ. Deux millions d’abeilles tuées.
Les abeilles sont plus menacées que jamais par les substances chimiques. On apprenait en début de semaine, sur Franceinfo, qu'il y aurait plus de 3.000 ruches dévastées en Dordogne liées à cause de pesticides néonicotinoïdes. Cette fois, ce sont les 24 ruches d'un apiculteur bio basé en Ariège, faisant partie du groupe Natur Miel, qui ont été décimées accidentellement par le fongicide Voxan. En effet, comme nous le raconte Nicolas Puech, l'apiculteur touché, «nos abeilles étaient au bord d'un champ de blé où le propriétaire a pulvérisé un fongicide du nom de Voxan, qui n'est pas nocif en lui-même pour l'abeille. En outre, le fongicide mélangé à d'autres substances a créé un cocktail mortel pour les abeilles. Près de deux millions d'abeilles ont été tuées.
"On pense qu'avec toutes les molécules présentes dans le champ avec le Voxan, cela a créé un cocktail qui premièrement attire les abeilles, plus que les fleurs aujourd'hui et dans un deuxième temps désoriente les abeilles et les empêchent de revenir à la ruche."
En 72 heures, l'apiculteur a constaté une baisse de 80% du nombre de ses abeilles. Une situation dramatique pour Nicolas Puech. "Nous avions mis en place ce rucher de 24 ruches à la demande de l'agriculteur pour la pollinisation. Aujourd'hui, les 24 ruches sont appelées à disparaître durant l'année." Malgré une "perte sèche d'environ 27.000 euros", une cagnotte de soutien a d'ailleurs été lancée, Nicolas Puech ne souhaite pas accabler l'agriculteur qui a utilisé le fongicide pour traiter son champ.
"Nous ne souhaitons pas que l'agriculteur soit embêté, ni même créer de polémique autour de ces produits, ce que l'on veut c'est une prise de conscience générale au niveau des agriculteurs. Ils traitent leurs champs, on le comprend tout à fait, car ils en ont vraiment besoin, mais il faudrait qu'ils préviennent les apiculteurs pour que nous puissions déplacer nos ruches."
Et d'ajouter,
"On ne demande pas que les agriculteurs changent quoi que ce soit dans leurs méthodes de travail. Je pense que ce sont les laboratoires et Mosanto qui doivent, eux, réfléchir en amont. Les agriculteurs n'appliquent, malheureusement, que ce qu'on leur propose."
L'apiculteur espère surtout "un peu plus de transparence sur les traitements des parcelles et surtout ‘une meilleure communication entre agriculteurs et apiculteurs afin que l'on puisse, en cas de traitement, enlever nos ruches pour ne pas qu'elles s'empoisonnent.'
L'État pourrait-il prendre des mesures afin d'interdire ces fongicides ou pesticides et empêcher, de fait, cette disparition programmée des abeilles? Rien n'est moins sûr comme l'explique l'apiculteur. ‘Au niveau national malheureusement on n'attend pas grand-chose, nous ne sommes pas des militants, nous souhaitons simplement témoigner. En revanche, c'est au niveau européen où les choses doivent être pensées.' Reste qu'il est encore très compliqué de démontrer un lien de causalité entre certains produits et leurs répercussions sur les abeilles, regrette Nicolas Puech.
‘Aujourd'hui, il n'y a aucune étude sérieuse qui a montré que le Voxan ou un pesticide en particulier est nocif pour l'abeille, sinon il ne serait pas mis sur le marché. Le problème est multifactoriel, parce que l'on trouve plusieurs molécules qui sont réunies dans les champs et c'est cet ensemble de molécules qui crée un danger pour nos abeilles.'
Pourtant, l'impact sur l'écosystème serait ‘énorme' comme le décrit l'apiculteur. ‘Les abeilles sont pollinisatrices c'est-à-dire pas d'abeilles, pas de fleurs, pas de fruits et l'agriculture serait plus compliquée.' En outre, les solutions proposées par les laboratoires sont loin d'être satisfaisantes, car elles ne répondent pas à la véritable problématique, à savoir protéger les abeilles:
‘Des laboratoires travaillent sur des projets type drones pour la pollinisation, ou des ruches à base de faux bourdons pour polliniser. La solution ne se trouve pas là, il faut aujourd'hui sauver l'abeille.'
Et de conclure,
‘La catastrophe est énorme pour la nature, parce que ce sont tous les insectes, on pense à l'abeille solitaire, le criquet, le ver de terre, ou encore tous les insectes qui doivent vivre dans les champs, qui sont amenés à disparaître. À long terme, c'est certain, il y aura des conséquences.'
Photo d'illustration: © PHOTO. NICOLAS PUECH/NATUR MIEL
- Source : Sputnik (Russie)