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Macron se paie le bourbier syrien avec l’argent du contribuable

Auteur : Peter Korzun | Editeur : Walt | Jeudi, 05 Avr. 2018 - 15h41

Comme ça, on dirait qu’en amenant des soldats sur le terrain, un nouveau protagoniste s’implique à présent en Syrie. Le 29 mars, le Président français Emmanuel Macron, a promis d’envoyer des troupes à Manbij, afin d’aider les forces démocratiques syriennes (FDS) chaperonnées par les États-Unis. Le but est de bloquer la progression turque dans la région, et cette manœuvre sera faite en coordination avec l’armée étasunienne. D’après Macron, les troupes seront envoyées « très bientôt. »

Cette promesse a été faite au moment où les Turcs menaçaient de chasser les Kurdes des régions nord de Syrie. Le 29 mars, Macron s’est entretenu avec une délégation de représentants kurdes, arabes et chrétiens des territoires kurdes de Syrie. C’était la première fois que des responsables du Rojava rencontraient le dirigeant français. Il s’agissait, d’après lui, d’une médiation entre les belligérants. Cette offre a déjà été rejetée par les Turcs, qui voient leur sécurité menacée par les FDS.

La France soutient depuis toujours la coalition étasunienne. Le but du déploiement annoncé à Manbij, sera officiellement de poursuivre l’éradication de l’État islamique, pas de chasser les Turcs. Mais puisque les terroristes n’ont plus la moindre influence en Syrie, le motif de Macron ressemble à un subterfuge. Quoi qu’il en soit, envoyer des troupes françaises à Manbij aura la capacité de renforcer les forces étasuniennes et de bloquer toute éventuelle attaque turque. À moins que la république ne s’apprête à prendre la relève des États-Unis, puisque le Président Trump a fait savoir que ses troupes allaient « très bientôt » quitter la Syrie ? « Laissons à présent les autres s’en occuper, » avait rajouté Trump.

L’annonce de Trump contredit la conduite publique adoptée par les autres hauts fonctionnaires étasuniens, mais elle sort de la bouche du commandant en chef. Et qui étaient ces « autres » auxquels il faisait allusion ? Le président parlait-il des alliés de l’OTAN, comme la France ? Ou peut-être des États du golfe Persique ? Ou des deux ? Cela signifie-t-il que de nouveaux protagonistes apparaîtront sur le théâtre des opérations pour compliquer un peu plus la situation ? Cela se pourrait bien. Comme l’a expliqué Heather Nauert, la porte-parole du département d’État, « En règle générale, cette administration se tourne vers d’autres pays pour la dépanner. »

Plus tôt ce mois-ci, des marines sont venus renforcer le contingent de 1000 hommes stationnés sur la base étasunienne d’Al-Tanaf, qui contrôle l’intersection des frontières syro-irako-jordanienne. Comment concilier cela avec le projet de retrait ? On n’y comprend jamais rien avec les volte-face de la politique étrangère de l’Oncle Sam.

Est-ce que cela veut-il dire que nous avons un nouveau protagoniste en Syrie ? En fait, Macron a avalisé l’idée d’intervenir militairement sous les auspices de l’ONU après l’attaque chimique de Khan Sheikhoun. Il serait utile de rappeler qu’il a dit que la France pourrait attaquer la Syrie si des armes chimiques sont utilisées. Paris a exprimé sa volonté de faire ce que décideraient les États-Unis. La France a été le seul membre européen de l’OTAN ayant menacé d’attaquer. Paris s’est montré très critique à l’égard de la politique d’Ankara en Syrie. Paris considère que l’opération Rameau d’olivier est une invasion vouée à entraîner des problèmes.

Bien des choses ont changé depuis l’arrivée au pouvoir de Macron, il y a plus d’un an. Ses ambitions sur le Moyen-Orient sont devenues évidentes au moment où le Royaume-Uni s’est trouvé absorbé par le Brexit et quand l’Allemagne a perdu tant de temps pour former un gouvernement de coalition. L’année dernière, Macron s’est impliqué personnellement dans la recherche d’une solution à la crise politique interne du Liban. Paris est un important exportateur d’armes dans la région, ses clients incluant l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Émirats Arabes Unis. Macron a tenté de servir de médiateur dans la crise de relations entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Il a aussi proposé sa médiation pour apaiser les différents entre Washington et Téhéran sur l’accord avec l’Iran. Si les États-Unis se désintéressent de la région, abandonnent le siège de meneur, combler ce vide pourrait être pour la France l’occasion de vanter ses mérites de première puissance européenne sur la scène mondiale.

En réalité, Emmanuel Macron ne parlait pas de [nouvelles] troupes, mais d’importants renforts. Le 17 mars, le ministre des Affaires étrangères de Russie, Sergueï Lavrov, a dit savoir que « le Royaume-Uni, la France et plusieurs autres pays » disposent de forces spéciales sur place en Syrie. Peut-être pas à Manbij, mais ces commandos sont quelque part dans le pays. Si les États-Unis se retirent et que la Turquie intervient là-bas, la présence militaire française pourrait aider à éviter l’affrontement et muer la progression turque vers Manbij en opération otanienne. Cela gênerait la coordination du travail avec Moscou. Ankara ne serait plus en mesure d’instaurer une zone de désescalade, conformément aux accords conclus dans le cadre du processus d’Astana.

Le Président russe Vladimir Poutine doit se rendre à Ankara début avril. Un sommet entre la Russie, la Turquie et l’Iran suivra la réunion. Tout nouveau protagoniste en Syrie ne favoriserait sûrement pas le processus de paix. La France a des leçons à tirer de l’histoire : il est très facile d’y entrer, mais en sortir est un défi de taille. Il suffit de se rappeler la guerre d’Algérie en 1962 ou la guerre du Vietnam.

Traduction Petrus Lombard


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