La doctrine nucléaire folamourienne de Washington met le monde entier en danger
Le dernier ‘Rapport d’évaluation du dispositif nucléaire’ des USA (Nuclear Posture Review, NPR) met la sécurité mondiale en péril de trois façons : il exagère la perception des menaces envers les USA, il confond guerre conventionnelle et nucléaire et il pousse au développement d’armes nucléaires de faible puissance.
Ces trois nouvelles orientations de la politique des USA augmentent le risque de guerres nucléaires au lieu de l’abaisser, comme l’a affirmé le Secrétaire de la défense James Mattis à propos de la publication de la NPR la semaine dernière.
Selon Mattis, le but de long terme des USA est l’élimination de toutes les armes nucléaires mondiales – mais Washington n’a pas la moindre intention de faire cela. C’est parce que les leaders des USA ne cessent jamais de voir le monde comme un endroit menaçant, ce qui justifie cette fois une demande de financements de 1 trillion de dollars pour une mise à niveau de leur arsenal nucléaire.
Le NPR affirme : « Ce rapport d’évaluation arrive à un moment critique de l’histoire de notre nation, parce que l’Amérique est confrontée à une situation internationale plus complexe et exigeante qu’à n’importe quel autre moment depuis la fin de la Guerre froide ».
Quatre menaces spécifiques sont identifiées : la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran.
Mais ce qui est inquiétant est qu’aussi peu de détails crédibles aient été présentés par le Pentagone pour étayer ses raisons de considérer ces quatre entités comme des menaces qui demandent un renforcement de l’arsenal nucléaire des USA.
Sur la Russie et la Chine, le NPR affirme (page 6) « Depuis 2010, nous voyons le retour de la concurrence entre grandes puissances. A des degrés divers, la Russie et la Chine ont éclairci qu’elles veulent réviser l’ordre international d’après la Seconde Guerre mondiale et ses normes comportementales ». Toutefois, le Pentagone ne donne pas de détails substantiels sur ce que recouvre cette « révision de l’ordre international » par la Russie et la Chine et pourquoi les USA la considèrent comme une menace à sa sécurité nationale.
Sur la Russie, le Pentagone affirme, « La Russie a démontré sa volonté d’user de force pour changer la carte de l’Europe et imposer ses vues à ses voisins, soutenues par des menaces d’emploi préventif d’armes nucléaires implicites et explicites… son occupation de la Crimée et son soutien direct à des forces menées par la Russie dans l’est de l’Ukraine violent ses engagements au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ».
Pour la Chine, Mattis déclare dans la préface du NPR que Pékin « défie la supériorité militaire traditionelle des USA dans le Pacifique ouest ». Ici, le Pentagone se réfère aux revendications territoriales de la Chine sur des îles de la Mer de Chine méridionale.
Ces transgressions alléguées de la part de la Russie et de la Chine sont répétées tout au long du rapport d’évaluation nucléaire du Pentagone, aussi bien que des affirmations selon lesquelles les deux pays sont passés à une « plus grande prépondérance du déploiement de forces nucléaires ».
L’inquiétant est la façon dont le Pentagone a exagéré l’importance de disputes territoriales locales – l’Ukraine, la Mer de Chine méridionale – pour dépeindre un tableau de « menaces mondiales grandissantes ».
Dans le résumé opérationnel, le Rapport d’évaluation déclare « les conditions de menaces mondiales ont empiré de façon notable depuis notre rapport précédent, en 2010, y compris par des menaces nucléaires explicites de la part d’adversaires potentiels. Les États-Unis font face à un environnement de menaces nucléaires plus diverses et avancées que jamais auparavant. »
Dans le dernier NPR, une citation (page 30) ressort : « la Russie n’est pas l’Union Soviétique et la Guerre froide est finie depuis longtemps. Toutefois, malgré tous nos efforts pour maintenir une relation positive, la Russie perçoit aujourd’hui les États-Unis et l’OTAN comme son principal adversaire et obstacle à la réalisation de ses objectifs géopolitiques de déstabilisation en Eurasie. »
Mis à part son mensonge évident sur ce qui est en réalité un encerclement de la Russie par les USA et l’OTAN, notons encore ci le vague des accusations quant à une sinistre menace. Le NPR devrait expliquer en quoi consistent ces « objectifs géopolitiques de déstabilisation en Eurasie », mais il s’en garde bien.
Devons-nous croire que l’intégration économique de la Russie et de la Chine et d’autres voisins eurasiens est une ambition illégitime ? Que l’élimination du dollar dans les transactions bilatérales de la Russie avec la Chine est immorale ? De fait, ces démarches menacent l’hégémonie des USA. Mais ce ne sont en aucun cas des actes de guerre.
Et c’est là le principal problème. Il est évident que Washington définit les changements politiques et économiques dans le monde – la nouvelle tendance à la multipolarité – comme une menace mortelle envers ses ambitions unipolaires. Pour Washington, cette menace est ensuite transposée en termes militaires. Le problème ne tient pas à des « ennemis » étrangers ; le problème tient à la bellicosité de Washington.
Le second problème majeur du NPR américain est qu’il confond la guerre nucléaire et conventionnelle. A travers tout le document, il déclare que les forces nucléaires américaines doivent être « réajustées et plus flexibles » en tant que « dissuasion » (on peut traduire par « agression ») « contre des menaces conventionnelles et nucléaires ».
En ce qui concerne la Russie, le Pentagone reprend la litanie des allégations contre Moscou selon lesquelles elle agit agressivement en Ukraine et contre les alliés américains en Europe, « notamment à travers des nouvelles formes d’agression comme les cyber-attaques. »
De façon provocatrice, le Pentagone déclare que « l’agression russe déclenchera des coûts incalculables et intolérables pour Moscou ».
Tout cela est dérangeant, pour le moins, parce que les chefs militaires de Washington sont en train d’accuser la Russie de ce qu’ils perçoivent comme de « l’agression » alors que parallèlement, Washington dit aller vers une « dissuasion nucléaire » pour y faire face.
Un troisième point inquiétant est l’approbation explicite de Washington au développement de soi-disant « armes nucléaires de faible intensité ». Le concept de « mini-armes nucléaires » existe depuis plusieurs années, mais aujourd’hui, le Pentagone déclare vouloir développer ce type d’armes. Le NPR spécifie que ces mini-têtes nucléaires seront déployées sur des missiles tirés à partir de sous-marins.
C’est la dangereuse conséquence de l’idée entretenue par les USA selon laquelle une guerre nucléaire limitée serait possible. Ainsi, nous courons le risque d’un recours à des armes nucléaires « de faible intensité » sur des conflits en cours ou à venir. Mais le vrai danger est l’abaissement du seuil de l’escalade vers des armes de destruction massive.
Dans son ensemble, le dernier rapport d’évaluation nucléaire des USA présage d’une détérioration alarmante de la sécurité mondiale. Contrairement à ses affirmations de « rehaussement du seuil » des possibilités de guerre nucléaire, il implique un abaissement dramatique de ce seuil.
Traduction: Entelekheia
Au plus fort de la Guerre froide, le célèbre sociologue américain C. Wright Mills avait inventé l’expression « Réalistes cinglés » en référence aux planificateurs de guerre du Pentagone et à leurs descriptions systématiques de menaces mondiales comme justifications de son stockage d’armes de destruction massive.
La lecture du NPR éclaircit au delà de tout doute que la Guerre froide est toujours en cours, et que les Réalistes cinglés sont toujours présents dans le Pentagone.
Comme Mills l’a écrit en 1958, « L’absence d’un programme américain pour la paix est une cause majeure de la tendance et de la dérive vers une troisième guerre mondiale. »
Pensons-y. Le risque d’annihilation pour le monde et le gâchis grotesque de ressources humaines pourraient facilement être résolus, si seulement Washington s’engageait dans une voie de diplomatie pacifique envers le reste du monde.
La raison pour laquelle cela ne se produit pas – la volonté hégémonique des USA – est la raison pour laquelle Washington est déclarée coupable.
- Source : RT (Russie)