Ces légumes qui protègent du cancer
Une alimentation saine et équilibrée réduit les risques de maladies. Les connaissances scientifiques permettent aujourd’hui de connaître le potentiel antioxydant de tel ou tel aliment dans la prévention des cancers. La revue L’Écologiste fait le point.
Voici des légumes qui inhibent à 100 % la croissance des cellules cancéreuses in vitro : chou frisé, brocoli, choux de Bruxelles, ail, oignon, poireau, betterave rouge. Voici des légumes qui les inhibent entre 99 % et 84 %, dans l’ordre décroissant : épinard, chou vert, chou rouge, haricot vert. Ceux qui inhibent à environ 70 % : rutabaga, asperge, céleri branche. À 53 % ? Le potiron. À 44 % ? La chicorée rouge. Et même la pomme de terre, à 25 %, ou la tomate, à 16 %. Le radis tombe à 4 %, la carotte, l’aubergine et le fenouil à 1 %. Quant à l’endive ou à la laitue, elles n’auraient aucune activité anticancéreuse détectée selon l’étude de référence de Boivin et de ses collègues [1]… qui date de 2009 : comme on le verra, les connaissances ont considérablement progressé depuis et certains légumes alors présentés comme peu ou pas efficaces ont été réhabilités.
Efficacité des légumes
Les légumes les plus efficaces appartiendraient donc à la famille des crucifères (choux de toutes espèces), des liliacées (oignon, ail, poireau) ou des chénopodiacées (épinard, betterave rouge). L’inverse n’est pas vrai : toutes les crucifères ne semblent pas anticancéreuses, le radis étant ainsi très peu efficace selon cette étude. Il n’est pas non plus exact d’affirmer que tous les brocolis inhibent à 100 % les cellules cancéreuses in vitro : le professeur David Khayat affirme que l’efficacité du brocoli peut varier de 1 à 25 selon… le brocoli [2], c’est-à-dire selon sa variété et son mode de culture.
Les légumes industriels forcés contiennent ainsi beaucoup d’eau et beaucoup moins d’antioxydants, les substances qui permettent de limiter la prolifération des radicaux libres potentiellement cancérigènes.
Mais surtout, le résultat anticancéreux peut changer radicalement selon l’organe considéré : l’aubergine, la carotte, la tomate, l’endive ou la laitue si mal classées dans l’étude citée plus haut inhibent en revanche à 100 % la croissance in vitro de cellules de cancer du sein [3] ! Une première conclusion semble s’imposer : la diversification de l’alimentation.
En conditions réelles et non plus seulement in vitro, l’efficacité anticancéreuse de légumes sains et sans toxique ajouté, c’est-à-dire bio, est également aujourd’hui avérée. Les études synthétisées par les docteurs Béliveau et Gingras [4] montrent même un effet spectaculaire : la consommation régulière de crucifères et en particulier de chou est associée à une réduction du risque de 50 % pour les cancers de la vessie et de la prostate, de 30 % pour le cancer du poumon. La consommation régulière de légumes verts est associée à une diminution de 75 % du risque de cancer de la prostate ; la consommation de thé vert est associée à une diminution de 57 % du cancer colorectal [5]. Si hier certaines études ne mettaient pas en évidence le rôle important des légumes en matière de prévention du cancer ou des risques de rechute, c’est qu’elles ne différenciaient pas les légumes par espèce, ou qu’elles ne différenciaient pas les cancers par organe.
Substances actives
Quelles sont les substances actives contre le cancer contenues dans les végétaux ? Ce sont des antioxydants de manière générale, dont surtout les composés dits phytochimiques, qui sont les composés permettant aux plantes de se défendre contre leurs agresseurs, microorganismes, insectes, etc. Ces composés sont essentiels à la santé des plantes et à la nôtre, en particulier pour la prévention du cancer. Or les composés phytochimiques présentant l’activité anticancéreuse la plus forte sont très inégalement répartis : la curcumine se retrouve essentiellement dans le curcuma, le resveratrol dans le raisin, les isothiocyanates dans le brocoli et les catéchines dans le thé vert. Ces aliments particuliers se doivent donc d’être présents dans notre alimentation.
Remarquons au passage que les antioxydants présents dans les aliments le sont de façon naturelle, avec leur cortège naturel de molécules avec lesquels ils agissent en synergie : le risque de surdosage est alors inexistant contrairement aux compléments extraits et proposés en gélules qui peuvent produire, en cas de surdose, l’effet inverse à celui recherché.
Les légumes protègent de la viande
Le classement de la viande rouge en « cancérigène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer a fait grand bruit à l’automne 2015. Le risque est notable pour les consommations supérieures à 500 grammes par semaine, ce qui représente 25 % de la population française. Il est néanmoins intéressant de remarquer que ce risque diminue… lorsque la consommation de viande est associée à la consommation de légumes dans le même bol alimentaire. Plus il y a de légumes avec la viande, plus le risque est faible. Peut-être est-ce de nature à convaincre les gros mangeurs de viande de devenir des gros mangeurs de légumes [6]…
Efficacité des petits fruits
Le potentiel anticancéreux des fraises, des framboises et du bleuet (grosse myrtille originaire d’Amérique du Nord et poussant en terrain acide) est tel que les chercheurs Béliveau et Gingras estiment que « leur inclusion dans les régimes alimentaires pourrait avoir des répercussions extraordinaires sur la prévention du cancer ». L’acide éllagique des fraises et framboises a été identifié comme anticancéreux principal de ces petits fruits, et des anthocyanidines pour le bleuet (et les framboises également). Mais de tous les composés associés aux petits fruits, c’est l’acide éllagique qui est le plus susceptible d’interférer avec le développement du cancer. Pour les framboises, cette molécule est présente à 90 % dans les graines alors que pour les fraises elle est à 95 % présente dans la pulpe, ce qui rend probable une assimilation plus importante.
Épices et aromates
Aucune épice n’est aussi étroitement associée à la prévention du cancer que le curcuma : issu du broyage de la racine du Curcuma longa, plante de la famille du gingembre, il occupe une place importante dans la tradition millénaire sociale et culinaire de l’Inde et de l’Indonésie. Il existe un certain consensus pour attribuer les différences gigantesques de taux de certains cancers entre l’Inde et les pays occidentaux à la consommation quotidienne de curcuma.
Faut-il le consommer seul ? Pas tout à fait. Les études montrent qu’une molécule du poivre, la pipérine, augmente de plus de mille fois l’absorption de la curcumine, absorption qui est également améliorée en présence du gingembre et du cumin. Or le poivre, le gingembre et le cumin ont toujours été des ingrédients essentiels du curry aux côtés du curcuma !
De manière générale, l’ensemble des épices et aromates (gingembre, clou de girofle, fenouil, cannelle…) contiennent des molécules ayant la propriété de bloquer le développement de cellules précancéreuses.
La tomate
La couleur rouge de la tomate est due au lycopène, un caroténoïde anticancéreux puissant. Et la tomate est de loin la principale source alimentaire de lycopène, associé par exemple à une diminution du risque de cancer de la prostate de 30 % dès deux repas par semaine à base de sauce tomate. L’efficacité du lycopène est maximale si la tomate a été cuite en présence de matières grasses, comme de l’huile d’olive par exemple.
Concluons avec les chercheurs Béliveau et Gingras : « Tout compte fait, la plus faible incidence du cancer chez les individus consommant de plus grandes quantités de végétaux est directement liée à leur contenu en composés anticancéreux, qui permettent de restreindre le développement de microtumeurs se développant spontanément dans nos tissus. Un apport constant de ces composés anticancéreux dans l’alimentation, via les produits végétaux donc, représente la base de toute stratégie de prévention du cancer et de ses rechutes ».
Notes:
[1] Boivin et al., « Antiproliferative and antioxidant activities of common vegetables », Food Chemistry, vol. 112 no 2, p. 274-280, cité in docteur Laurent Chevallier et Claude Aubert, Alors, on mange quoi ? Le Guide du bon sans toxique, Fayard, 2016.
[2] Pr. David Khayat, Le Vrai Régime anticancer, Odile Jacob, 2016.
[3] Dr Richard Béliveau et Dr Denis Gingras, Les Aliments anticancer. Manger sain, réduire les risques, Flammarion, 2016.
[4] Dr Richard Béliveau et Dr Denis Gingras, Les Aliments anticancer. Manger sain, réduire les risques, Flammarion, 2016.
[5] Idem.
[6] « Dietary iron intake and breast cancer risk : modulation by an antioxidant supplementation », Diallo, Deschasaux et al., Oncotarget, 12 octobre 2016 (publication anticipée en ligne en attendant celle sur papier).
- Source : L’Écologiste