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Vendredi, 27 Déc. 2024

Qui est vraiment Poutine ? Que veut-il ? Que fait-il ? Par Paul Craig Roberts

Auteur : Paul Craig Roberts-Traduction Gabriel, relu par jj et Diane-le Saker Francophone | Editeur : Walt | Mercredi, 29 Juill. 2015 - 00h22

Les mensonges à propos du président de la Russie sont devenus si grossiers, menaçant le monde d’une guerre dévastatrice, que des Américains éminents se sont regroupés pour fonder le Comité américain pour l’entente Est-Ouest. Les membres fondateurs sont : l’ancien sénateur américain Bill Bradley, Amb. Jack Matlock qui était ambassadeur américain auprès de l’Union Soviétique pendant la présidence de Reagan. À ces noms s’ajoutent les membres suivants de l’administration de George HW Bush : William J. Van den Heuvel, qui était ambassadeur américain à l’ONU pendant l’administration Carter, John Pepper, qui est l’ancien président et chef de la direction de Proctor Gamble, Gilbert Doctorow qui est un homme d’affaires avec un quart de siècle d’expérience en affaires avec la Russie, et les professeurs Ellen Mickiewicz de l’Université Duke et Stephen Cohen de l’Université de Princeton et New York University.

Il est extraordinaire que la coopération entre la Russie et les États-Unis forgée au fil des décennies par les gouvernements successifs, à commencer par John F. Kennedy et aboutissant à la fin de la guerre froide avec les accords Reagan-Gorbatchev, ait été détruite par une poignée de néoconservateurs américains bellicistes durant les dix-huit derniers mois. Le résultat d’un effort de 40 ans anéanti du jour au lendemain par une poignée de fauteurs de guerre insensés qui croient que Washington dispose d’un droit à l’hégémonie mondiale.

Le problème a commencé avec le président Clinton qui a violé la promesse faite aux Russes que l’Otan ne s’étendrait pas en Europe de l’Est. Cette violation de la promesse américaine a été suivie par la décision unilatérale de George W. Bush de se retirer du Traité sur les missiles anti-balistiques, et de changer la doctrine militaire des États-Unis,  pour permettre une attaque nucléaire préventive sur d’autres pays, principalement la Russie.

Ces provocations ont été suivies par l’annonce du déploiement de bases de missiles américains aux frontières de la Russie.

Le régime Obama a ajouté un coup d’État en Ukraine, longtemps une partie de l’URSS, et la mise en place d’un gouvernement vassal des États-Unis qui menace la sécurité russe.

Dans le passé, de telles provocations auraient conduit, sinon à la guerre, au moins à des contre-provocations. Cependant, Vladimir Poutine est un personnage calme et réfléchi, heureusement pour l’espèce humaine. Il se plaint poliment des provocations, mais continue de se référer à Washington et aux pseudo-gouvernements des états vassaux de Washington comme à des partenaires, même si il sait qu’ils ont décidé la perte de la Russie.

Poutine répond aux menaces, aux sanctions illégales et à l’incessante propagande par des déclarations rappelant que les gouvernements doivent respecter les intérêts nationaux des uns et des autres et travailler ensemble pour leur bénéfice commun. Aucun homme politique en Occident ne parle plus de cette façon. Les politiciens occidentaux, y compris des non-entités telles que le caniche de Washington, le ministre britannique Cameron, profèrent des menaces et des insultes violentes qui rendent les menaces d’Adolf Hitler douces en comparaison. La Russie pourrait détruire le Royaume-Uni en quelques minutes, et nous avons le spectacle adressé par le crétin Cameron, Premier ministre britannique, à la Russie malgré le fait que le Royaume-Uni ne soit même pas capable d’apporter une force significative où que ce soit, afin d’affronter la Russie. Le caniche Cameron se repose sur Washington, tout comme le gouvernement débile polonais se repose sur la garantie britannique.

Les idiots de Washington pensent qu’ils isolent la Russie, mais ce que font ces imbéciles est de couper Washington et ses vassaux du reste du monde. Les grands pays importants de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique du Sud sont alliés avec la Russie, pas avec Washington. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont créé leur propre banque de développement et commercent entre eux dans leurs propres devises sans utiliser le dollar américain en faillite, la monnaie de réserve du monde .

Enregistrez bien l’adresse Web de la Commission américaine pour l’entente Est Ouest, suivez et soutenez leur travail. Ne comptez pas sur les médias de la presse prostituée. Robert Parry a récemment décrit, de façon précise, le New York Times comme étant la version washingtonienne du Big Brother de l’émission Deux Minutes de Haine décrite par Georges Orwell dans son livre 1984.

Le visage de Poutine est l’image que le vaisseau amiral de la presse prostituée, le New York Times, fait clignoter sur l’écran pour inculquer la haine de l’ennemi. La haine de l’ennemi entretient la poursuite des guerres de Washington et conditionne les Américains à accepter la perte de leurs libertés élémentaires telles que l’habeas corpus. Les procédure judiciaires légales et le droit inaliénable de vivre s’effritent sous leurs yeux vides, aveuglés par la propagande.

À Saint-Pétersbourg  vient de se terminer le Forum économique international auquel j’étais invité, mais n’ai pas pu me rendre, ce que je regrette, j’aurais pu être présenté à Poutine. Ce dernier a donné une assurance crédible, à un large éventail d’entreprises étrangères présentes, que la Russie était concernée par la primauté du droit et que leurs activités en Russie sont en sécurité. Si vous croyez un tant soi peu à la propagande alimentée par les médias prostitués occidentaux, y compris Bloomberg, au sujet de l’effondrement de l’économie russe, vous pouvez vous libérer des mensonges en lisant le compte rendu de Poutine sur l’économie russe.

L’entrevue qu’il a accordée au champion de la presse prostituée américaine, Charlie Rose, est du plus grand intérêt. Pour votre information, voici l’entretien :

Entretien du président de la Russie et d’autres parties au Forum économique international de Saint-Pétersbourg

Charlie Rose : Monsieur le Président, je voudrais commencer par dire que je suis heureux d’être ici dans votre ville de résidence, l’endroit où vous avez commencé votre carrière politique. Ceci est aussi une ville historiquement importante – la Russie est née ici comme un empire. 

Il y a quelques problèmes très graves qui ne peuvent être résolus que si la Russie prend des mesures, si vous y prenez part. Nous parlons de la politique économique, de la politique étrangère, de l’Ukraine, des pays baltes, de l’Europe, de la Syrie, de l’Iran, de la Chine et de la Russie. Il y a beaucoup de questions, il y a des problèmes, et il y a des conflits. La Russie doit jouer son rôle dans la recherche de solutions à de nombreux problèmes. Il y a la question des frontières, la question de la Russie et de l’Ukraine. Pourriez-vous nous aider à comprendre comment vous le voyez? Où en sommes-nous? Comment y sommes-nous y arrivés et où allons-nous?

Vladimir Poutine : D’abord, je tiens à vous remercier d’avoir accepté de travailler avec nous aujourd’hui et modérer cette réunion. Ce forum est appelé Forum économique international de Saint-Pétersbourg. Je voudrais me concentrer sur les questions économiques. Cependant, je suis d’accord avec vous que, sans résoudre un certain nombre de situations critiques aiguës, il est difficile de se faire un chemin dans le domaine économique.

Nous avons discuté des développements en Ukraine à de nombreuses reprises, et je comprends que cela est inévitable. Cependant, vous le savez, nous parlons de l’Ukraine tout le temps, il y a quelques années, nous parlions de la crise en Irak, par exemple et dans d’autres pays. Nous parlons sans cesse de choses qui sont déjà arrivées, mais nous ne discutons jamais des raisons pour lesquelles elles se sont produites. Et si vous voulez parler de ce sujet, et il semble en effet important, je préférerais commencer précisément par cela, les raisons.

Pourquoi avons-nous une crise en Ukraine? Je suis convaincu que, après la disparition du prétendu système bipolaire, en 1991, lorsque l’Union Soviétique a disparu de la carte politique du monde, certains de nos partenaires dans l’Ouest, y compris et surtout les États-Unis bien sûr, étaient dans une sorte d’état euphorique. Au lieu de développer de bonnes relations de voisinage et des partenariats, ils ont commencé à développer le nouvel espace géopolitique dont ils pensaient qu’il était inoccupé. Ceci, par exemple, a causé la poussée vers l’Est du bloc de l’Atlantique Nord, l’Otan, avec de nombreux autres développements.

J’ai beaucoup réfléchi sur les raisons de ce qui se passe et j’en suis finalement venu à la conclusion que certains de nos partenaires ont eu l’illusion que l’ordre du monde créé après la Seconde Guerre Mondiale, incluant une puissance mondiale telle que l’Union Soviétique, n’existait plus, qu’une espèce de vide s’était créé, qui devait être comblé rapidement. Je pense qu’une telle approche est une erreur. C’est comme ça que nous nous sommes retrouvés avec le problème irakien, et nous savons que, même aujourd’hui, il y a beaucoup de gens aux États-Unis qui pensent que des erreurs ont été commises en Irak. Et pourtant ils les répètent toutes en Libye. Maintenant, ils sont arrivés en Ukraine.

Nous n’avons pas provoqué la crise en Ukraine. Il n’y avait aucune nécessité de soutenir le coup d’État anti-constitutionnel, comme je l’ai dit à maintes reprises, qui a finalement conduit à une vive résistance sur le territoire de l’Ukraine, à une guerre civile, en fait.

Où allons-nous maintenant? Je ne voudrais pas entrer trop profondément dans le sujet ici. Aujourd’hui, nous devons d’abord nous conformer à tous les accords conclus à Minsk, la capitale de la Biélorussie. Je voudrais répéter que nous n’aurions jamais signé ce document s’il avait contenu quelque chose qui ne nous satisfaisait pas. Maintenant que nous avons signé, nous allons travailler pour atteindre sa pleine application.

Dans le même temps, je voudrais attirer votre attention et celle de tous nos partenaires sur le fait que nous ne pouvons pas le faire unilatéralement. Nous ne cessons d’entendre la même chose, répétée comme un mantra – que la Russie devrait influencer le sud-est de l’Ukraine. Nous le faisons. Toutefois, il est impossible de résoudre le problème par le moyen de notre seule influence dans le sud-est. Il doit aussi y avoir une influence sur les autorités officielles actuelles à Kiev, ce que nous ne pouvons pas faire. Ceci est la part de travail de nos partenaires occidentaux – celle de l’Europe et de l’Amérique. Travaillons ensemble.

Charlie Rose : Que voulez-vous du gouvernement de Kiev, que doivent-ils faire?

Vladimir Poutine : Nous ne voulons rien. Les habitants de l’Ukraine devraient vouloir que le gouvernement ukrainien fasse quelque chose, ou pas.

Nous croyons que, pour régler la situation, nous devons mettre en œuvre les accords de Minsk, comme je le disais. Les éléments d’un règlement politique sont la clé ici. Il y en a plusieurs.

Le premier est la réforme constitutionnelle; les accords de Minsk disent clairement : donner l’autonomie ou, comme ils disent, décentraliser le pouvoir, alors soit, appelons ça la décentralisation. Ceci est tout à fait clair, nos partenaires européens, la France et l’Allemagne, l’ont dit, et nous sommes tout à fait satisfaits avec cela, tout comme les représentants du Donbass le sont. Ceci est une composante.

La deuxième chose qui doit être faite: la loi adoptée plus tôt sur le statut spécial de ces territoires, Lougansk et de Donetsk, les républiques non reconnues, devrait être promulguée. Elle a été adoptée, mais toujours pas appliquée. Cela nécessite une résolution de la Rada suprême – le Parlement ukrainien – qui est également prévue par les accords de Minsk.

Nos amis à Kiev ont formellement respecté cette décision, mais en même temps que l’adoption de la résolution sur la promulgation de la loi, ils ont modifié la loi elle-même, l’article 10, je crois, ce qui rend pratiquement l’action nulle et non avenue. Ceci est une simple manipulation, et ils doivent arrêter les manipulations et agir sérieusement.

La troisième chose est une loi d’amnistie. Il est impossible d’avoir un dialogue politique avec des gens qui sont menacés de poursuites criminelle. Et enfin, ils ont besoin d’adopter une loi sur les élections municipales dans ces territoires et y organiser des élections. Tout cela est énoncé dans les accords de Minsk, et je voudrais attirer votre attention là-dessus, tout cela doit être fait avec l’accord de Donetsk et Lugansk.

Malheureusement, nous ne voyons toujours pas de dialogue direct, seulement quelques signes, mais trop de temps est passé après la signature des accords de Minsk. Je le répète, il est important aujourd’hui d’avoir un dialogue direct entre Lugansk, Donetsk et Kiev – cela manque. Enfin, ils doivent commencer la reconstruction économique de ces territoires, bien sûr.

Je voudrais répéter quelque chose que j’ai déjà dit à maintes reprises : l’excuse «nous n’avons pas d’argent» ne fonctionne pas ici. Si les autorités actuelles à Kiev estiment que le Donbass est un territoire ukrainien habité par des citoyens ukrainiens, ceux-ci ont le droit de recevoir, par exemple, les prestations d’invalidité ou les pensions qu’ils gagnaient en vertu de la loi ukrainienne existante; les autorités de Kiev ne peuvent pas refuser de payer, ils n’ont tout simplement pas le droit de le faire. Ils violent leur propre Constitution. Tout cela doit être fait, non pas en paroles, mais dans la pratique.

Charlie Rose : Comme vous le savez, les États-Unis d’Amérique croient que vous armez les séparatistes, que vous les encouragez, que vous engagez les forces armées russes pour alimenter le conflit. Il existe une forte préoccupation que cela pourrait conduire à une nouvelle guerre froide.

Vladimir Poutine : Vous savez, ce ne sont pas les conflits locaux qui provoquent une guerre froide, mais les décisions mondiales – comme le retrait des États-Unis du traité de défense antimissile. C’est une étape qui nous pousse vers une nouvelle spirale de la course aux armements, car il change le système de la sécurité mondiale.

Comme pour les conflits régionaux, les parties en conflit – et je souligne – trouvent toujours des armes. Cela est vrai dans l’est de l’Ukraine aussi.

Je tiens à dire que si cette situation est résolue par des moyens politiques, les armes ne seront pas nécessaires; mais elle exige de la bonne volonté et un désir d’entrer en dialogue direct, et nous aiderons à cela. Ce que nous ne pouvons pas faire et ne pourrions jamais accepter est que quelqu’un, quelque part, n’importe où, procède à partir d’une position de force: d’abord l’utilisation de la police (ils appellent ça la milice là-bas), puis des services spéciaux, enfin des forces armées.

Avant que les unités de l’armée et les soi-disant bataillons – unités armées nationalistes – ne soient apparus sur ces territoires, il n’y avait pas d’armes là-bas; et il n’y en aurait toujours pas s’ils avaient essayé de résoudre la situation par des moyens pacifiques dès le début. Les armes ne sont apparues qu’après qu’ils aient commencé à tuer des gens à l’aide de chars, d’artillerie, de systèmes de lance-roquettes multiples et d’aviation. Cela a donné naissance à une résistance. Une fois qu’une tentative sera faite pour résoudre le problème par des moyens politiques, les armes partiront.

Charlie Rose : Quelles sont les frontières acceptables pour l’Ukraine, pour la Russie? Quelles frontières trouvez-vous acceptables?

Vladimir Poutine : Que voulez-vous dire quand vous parlez des frontières: les frontières géographiques, les frontières politiques?

Charlie Rose : Les frontières politiques.

Vladimir Poutine : En ce qui concerne la coopération, nous avons toujours dit et continuons à dire – il n’y a rien de nouveau ici – qu’avec toutes les difficultés actuelles, j’ai toujours pensé que les Russes et les Ukrainiens sont un peuple, un groupe ethnique, à tout le moins; chacun avec ses propres particularités et caractéristiques culturelles, mais avec une histoire commune, une culture commune et des racines spirituelles communes. Quoi qu’il arrive, dans le long terme la Russie et l’Ukraine sont vouées à un avenir commun.

Nous avons procédé dès le début de l’idée que l’Ukraine a le droit de faire son choix – civilisationnel, politique, économique ou autre. Ce n’est pas un secret : nous savons tous que la Russie a effectivement été à l’origine de la désintégration de l’Union Soviétique et a rendu leur souveraineté à tous ces pays. Rien n’a changé depuis lors. Cependant, en dehors des liens que j’ai mentionnés auparavant, ceux qui ont pris forme au fil des décennies, des choses très spécifiques dans le présent tiennent la Russie et l’Ukraine ensemble : nous avons une infrastructure commune d’ingénierie, d’énergie, de transports en commun, des règles communes, et ainsi de suite… Nous sommes tenus ensemble par la même langue. Maintenant, tout cela concerne la Russie et ses intérêts.

Nous sommes toujours partis de l’idée que nous allons résoudre tout, même les différends, par la voie des négociations – et il est naturel que des voisins aient des différends. Toutefois, si certaines tierces parties s’impliquent dans ces négociations, nous attendons d’elles qu’elles prennent en compte nos intérêts aussi, plutôt que de nous proposer tout simplement leur solution. Si vous demandez ce que nous attendons dans le sens politique, nous nous attendons à un dialogue global, égalitaire et fondé sur la confiance.

Charlie Rose : Je voudrais revenir plus tard à l’Ukraine, parlons des relations de la Russie avec un certain nombre d’autres pays, dont les États-Unis et la Chine. Pouvez-vous caractériser la relation avec les États-Unis : ce qui va, ce qui ne va pas, avec eux. Qu’est-ce-qui manque?

Vladimir Poutine : En d’autres termes, où nous avons des développements positifs et où nous avons des problèmes.

Je vais commencer par les problèmes. Le problème est que nous sommes obligés d’accepter les normes et les solutions des autres sans tenir compte de notre compréhension de nos propres intérêts. On nous raconte qu’en fait, les États-Unis savent mieux que nous ce qu’il nous faut. Qu’on nous laisse décider nous-mêmes où sont nos intérêts et nos besoins, à partir de notre propre histoire et de notre culture.

Charlie Rose : Comment, exactement, est-ce que les États-Unis décident de ce dont vous avez besoin?

Vladimir Poutine : En interférant dans nos processus politiques internes, y compris en finançant le secteur non public [les ONG pro-américaines, NdT], et en imposant des décisions de sécurité internationales.

Par exemple, je l’ai déjà mentionné précédemment en Irak, et cela avait immédiatement refroidi nos relations. Vous souvenez-vous de la déclaration «Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous»? Vous appelez cela un dialogue? C’est un ultimatum. Vous ne devriez pas utiliser des ultimatums en nous parlant.

Maintenant sur les choses qui nous unissent – et il y en a. Nous sommes unis par la volonté de lutter contre les menaces communes à terme, y compris le terrorisme, l’expansion de la drogue et une tendance très dangereuse à la prolifération des armes de destruction massive. Il y a aussi des problèmes d’interaction humanitaire, comme la lutte contre les infections sévères qui ont frappé des régions entières du monde. Il y a des questions relatives à l’économie mondiale, ce qui a à voir avec le secteur sur lequel nous avons une influence significative directe, l’énergie. Il y a aussi d’autres domaines où nous coopérons avec beaucoup de succès et j’espère que cela servira de base et rendra possible pour nous de rétablir nos relations antérieures et de progresser.

Quant à la République populaire de Chine, le niveau, la nature et la confiance de nos relations ont probablement atteint un niveau sans précédent dans toute leur histoire. Depuis 40 ans – je voudrais que chacun entende cela – pendant 40 ans, nous avons négocié les questions frontalières. Nous avons trouvé des compromis et des solutions ; nous avons rencontré l’autre à mi-chemin et réglé la question. Quarante ans! Nous n’avons pas réussi à résoudre ces questions avec tous les pays. Par ailleurs, nous développons des liens économiques, nous coopérons activement au sein des organisations internationales et de l’Organisation des Nations Unies.

Nous créons de nouvelles organisations qui se développent très activement et sont de plus en plus attrayantes pour de nombreux autres pays : il s’agit de l’Organisation de coopération de Shanghai, par exemple. Elle a été initialement créée pour résoudre les problèmes frontaliers après la désintégration de l’Union Soviétique, mais elle s’est ensuite développée et maintenant c’est une organisation que d’autres pays souhaitent rejoindre. Très probablement lors du prochain sommet à Oufa (notre prochain sommet est en Bachkirie), nous allons décider d’accepter l’Inde et le Pakistan. Nous développons également d’autres formes de coopération, avec les BRICS, par exemple.

Dans mon discours, je parlais de l’intégration de nos efforts au sein de l’Union économique eurasienne, de la ceinture économique et de la Route de la soie. En d’autres termes, nous développons nos relations dans ce domaine aussi. La Chine est notre partenaire économique et commercial majeur. Nos relations se développent de manière très efficace.

Charlie Rose : Certains disent que c’est une relation naturelle parce que la Chine a de l’argent et que la Russie dispose de ressources naturelles, il y a donc là une affinité naturelle .

Vladimir Poutine : Vous devriez lire ce que les analystes américains écrivent. Je suis sûr que vous le faites tout en prétendant que non. Les analystes américains, politologues et économistes, disent que les États-Unis se tournent également vers la Chine. La Chine est une économie en croissance. Si quelqu’un a des inquiétudes sur une baisse de leurs taux de croissance, le Premier Vice-Président du Conseil d’État de Chine a dit que 7% est la plus forte croissance économique dans le monde cette année, dans tous les cas.

Il n’y a pas que la Russie qui s’intéresse à l’Asie. Pourquoi? Le monde entier regarde vers l’Asie, et l’Europe est également à la recherche des moyens de développer ses relations, alors que pour nous cela vient naturellement – nous sommes des voisins et c’est une affinité naturelle. En outre, il y a certaines valeurs que nous défendons en commun sur la scène internationale avec un certain succès, comme l’égalité d’accès à la résolution des grands problèmes internationaux.

Charlie Rose : Est-ce une affinité plus naturelle que l’Europe et les États-Unis? La Chine est-elle à l’avenir un pays avec lequel la Russie se sent plus à l’aise qu’avec l’Europe ou les États-Unis? Et cela pourrait-il conduire à une alliance anti-occidentale?

Vladimir Poutine : Anti-occidentale?

Charlie Rose : Anti-occidentale, anti-américaine.

Vladimir Poutine : Il n’y a aucun pays, y compris la Chine, contre lequel nous ou la Chine, pour autant que je comprends la politique de la Chine, allons construire notre politique. Nous ne formons pas d’alliance contre, nous construisons des alliances pour des réalisations – en faveur de la mise en œuvre de nos intérêts nationaux.

Je tiens à souligner : vous étendez le bloc de l’Atlantique Nord, l’Otan. L’Union Soviétique a disparu, le bloc avait été mis en place pour la contrebalancer. L’Union soviétique a disparu, le Traité de Varsovie a disparu, tandis que l’Otan non seulement existe encore, mais est en pleine expansion. Vous le faites, alors que la Chine et nous ne créons pas des blocs, nous ne disposons pas d’une mentalité de bloc, nous essayons, avec succès semble-t-il, de penser globalement, non seulement le partage des responsabilités, mais aussi de trouver des solutions et des compromis mutuellement acceptables. Nous ne procédons pas à partir d’une position de force. Nous recherchons toujours des solutions, des solutions dans le processus de négociations.

Charlie Rose : Nous avons lu beaucoup sur vous et votre pays ; il y a trois choses que je vois constamment. L’une est le sentiment de vouloir être respecté, une autre est d’avoir une conversation sur un pied d’égalité, une troisième est un sentiment, peut-être lié à votre histoire, une grande préoccupation au sujet des frontières nécessitant une zone tampon pour la Russie. Est-ce bien cela ?

Vladimir Poutine : Vous savez, je l’entends tout le temps : la Russie veut être respectée. N’est-ce pas? Qui ne le veut pas? Qui veut être humilié? C’est une question vraiment étrange. Comme si c’était un droit exclusif – la Russie exige le respect. Est-ce que quelqu’un aime à être négligé? En fait, il ne s’agit pas d’une question de respect ou d’absence de celui-ci – nous voulons assurer nos intérêts sans pour autant nuire à nos partenaires. Cependant, nous comptons sur un dialogue constructif, direct et important. Quand on constate une absence de dialogue, ou une absence de désir de nous parler, cela provoque naturellement une réponse appropriée.

Je vais vous raconter une histoire intéressante, qui a à voir avec le partenariat dit oriental dont nos collègues en Europe occidentale font la promotion. Cette idée, d’ailleurs, est aussi activement soutenue aux États-Unis. Notre première réaction à l’idée d’un partenariat oriental a été très positive. Pourquoi? Parce que nous sommes partis de la notion que la Russie et les pays de l’Est sont maintenues ensemble par mille liens, notamment économiques. Ce sont des règlements techniques communs, comme je le disais, des infrastructures communes, et ainsi de suite. Par conséquent, nous avons raisonné à partir de l’idée que si l’Europe a commencé à travailler avec eux, en les développant en quelque sorte, cela conduirait inévitablement à une interaction constructive avec la Russie. Et nous allions travailler ensemble. Nous discuterions, en opposition sur certaines choses, en accord sur d’autres, mais nous serions arrivés à des solutions communes qui nous permettraient de construire un nouvel espace économique et, finalement, humanitaire et politique.

Malheureusement, rien de tout cela n’est jamais arrivé. Comment la crise en Ukraine, que vous avez lancée, s’est-elle produite? L’Ukraine s’est vue proposer un accord d’association. Magnifique. Cependant, tout le monde sait que l’Ukraine est un membre de la zone de libre-échange au sein de la Communauté des États indépendants, la CEI (que l’Ukraine, en fait, avait promue). Cette zone offre beaucoup de préférences et d’avantages.

Il nous a fallu 17 ans pour négocier les termes de notre adhésion à l’OMC. Maintenant, en un seul mouvement, l’UE a décidé d’entrer sur le territoire douanier de la Fédération de Russie via l’Ukraine. Est-ce la façon dont les choses doivent être faites? Et quand nous avons suggéré la tenue de consultations, on nous a dit que ce n’était pas notre affaire. Est-ce la façon dont les problèmes devraient être résolus, en particulier là où la Russie est concernée?

Qu’est-ce que la confiance a à voir là-dedans? Ce n’est pas une question de confiance – il s’agit de prendre nos intérêts en considération.

Charlie Rose : Permettez-moi de parler de quelques endroits où il y a un besoin dramatique de coopération entre les États-Unis et la Russie. L’un est l’Iran et les négociations nucléaires et la P5 + 1. Pensez-vous qu’il y aura un accord? Et quel type d’accord voulez-vous voir?

Vladimir Poutine : D’abord, je tiens à souligner ce que je considère comme le point essentiel ici, à savoir que nous avons une compréhension commune, avec tous les participants à ce processus, y compris les États-Unis et les pays européens, et l’Iran lui-même je l’espère, sur le fait que nous nous opposons tous catégoriquement à la prolifération des armes de destruction massive. Telle est notre position de principe et c’est ce qui nous permet de travailler de façon constructive avec les États-Unis dans ce domaine.

Nous sommes très heureux de voir que les Iraniens ont également considérablement changé leur position, ce qui a permis d’atteindre les accords que nous avons aujourd’hui. Nous soutenons très certainement ces accords. La seule chose dont je pense qu’elle serait contre-productive serait de nuire délibérément aux accords en exigeant de l’Iran des conditions qu’il ne peut pas remplir et qui ne sont pas pertinentes par rapport à la question principale – la question de la non-prolifération. J’espère, cependant, que les choses n’arriveront pas à ce point et nous allons signer l’accord bientôt. Je pense que le[ministre des Affaires étrangères] Sergueï Lavrov sait mieux que moi quand il sera signé.

Sergei Lavrov : Quand il sera prêt.

Vladimir Poutine : Je demande : «Quand pouvons-nous signer?», Et il répond : «Quand il sera prêt.»

Nos diplomates parlent toujours de cette façon. (Rires)

Je pense que la signature aura lieu bientôt. J’ai rencontré hier le directeur général de l’AIEA, et ce qui est le plus important de tout ici est qu’après la signature, le processus de l’exécution de ces accords doit commencer, et cela va prendre environ six mois.

Tout aussi important cependant pour votre pays, les États-Unis, est d’adopter une attitude positive à l’égard de ces accords et de leur donner votre appui, pour obtenir le soutien du Congrès. Nous connaissons les discussions qui se déroulent actuellement aux États-Unis, et nous savons que le président a le pouvoir de signer ces accords lui-même, ce qui signifie qu’ils n’est pas obligatoire de les ratifier. Cela n’est pas notre affaire et nous ne pouvons le décider. Il y a des questions que nous ne pouvons pas décider pour les autorités de Kiev, et il y a des questions que nous ne pouvons pas décider pour les autorités de Washington. La balle est donc dans votre camp. Mais nous espérons que le président américain va atteindre un résultat qui sera très certainement dans les annales comme l’une des plus grandes réalisations de politique étrangère de sa présidence.

Charlie Rose : Mais croyez-vous que cet accord va aller de l’avant, étant donné ce que M. Lavrov vient de dire? 

Vladimir Poutine : Je le crois, et nous travaillons dans ce sens. Nous pensons qu’il est absolument essentiel pour désamorcer la situation. Il est tout aussi important cependant, pour toutes les puissances régionales, d’avoir l’assurance qu’elles ne se trouveront pas face à une aggravation de la situation et à des menaces dans la région. Telle est la situation que nous devons absolument éviter. Je tiens à souligner que la Russie cherche à développer des relations de bon voisinage et d’amitié avec l’Iran et avec tous les pays de cette région.

Charlie Rose : Une autre question de politique étrangère avant de passer à l’économie et aux questions soulevées par un certain nombre de conférenciers.

La Syrie est un autre sujet qui occupe nos esprits aujourd’hui. Voyez-vous une solution à la situation actuelle? La Russie soutient le gouvernement de Bachar al-Assad et l’a fait pendant de nombreuses années. L’Iran soutient également le gouvernement de Assad. Il semble que le balancier va ici et là. Quelle solution voyez-vous? Comment pouvons-nous mettre fin à cette terrible guerre civile qui a créé des millions de réfugiés? Quand pourrons-nous trouver une solution?

Vladimir Poutine : Le plus tôt sera le mieux. Permettez-moi de répéter que notre position sur cette question est basée sur la crainte que la Syrie pourrait se retrouver dans le même genre de situation que ce que nous voyons en Libye ou en Irak.

Vous savez, après tout, qu’avant la destruction des autorités de l’État et de Saddam Hussein lui-même, il n’y avait pas de terroristes en Irak. Il ne faut pas oublier cela. Les gens préfèrent ne pas en parler aujourd’hui, mais est-ce vraiment si difficile de voir qui a créé les conditions pour que le terrorisme flambe dans ces lieux? Après l’invasion de l’Irak, les anciennes autorités ont fui ou ont été détruites, et Saddam a été pendu. Et puis nous nous sommes retrouvés avec l’État islamique.

Regardez ce qui se passe en Libye. Elle a cessé d’exister en tant qu’État et se trouve dans un processus de désintégration totale. Même les diplomates américains y ont subi des pertes. Nous connaissons les événements tragiques qui ont eu lieu là-bas. Le principal problème, comme nous le voyons, est que nous ne voulons pas voir la Syrie prendre cette même route. Ceci est notre principale motivation pour soutenir le président Assad et son gouvernement. Nous pensons que c’est la bonne position. Il serait difficile de s’attendre à nous voir prendre toute autre ligne. En outre, je pense que beaucoup seront d’accord avec notre position sur cette question.

J’ai mentionné l’Irak à plusieurs reprises. Nous savons ce qui se passe là-bas. Les États-Unis soutiennent l’Irak, livrent des armes et forment l’armée irakienne. Dans deux ou trois attaques, l’État islamique a capturé beaucoup d’armes, probablement plus que l’armée irakienne en possède. Cela comprend des véhicules blindés et des missiles, bien que le grand public soit mal informé de tout cela. C’est récent. L’État islamique est maintenant mieux armé que l’armée irakienne. Et tout cela s’est produit avec le soutien des États-Unis.

Les États-Unis se sont prétendument retirés d’Irak, mais nos services spéciaux et les informations que nous recevons de l’Irak même indiquent que des milliers de militaires américains y sont encore. Les résultats sont déplorables et tragiques.

Nous ne voulons pas que tout cela se répète en Syrie. Nous demandons à nos partenaires aux États-Unis et en Europe, mais surtout aux États-Unis bien sûr, de faire davantage d’efforts pour combattre ce mal absolu que sont l’intégrisme, l’État islamique et les groupes similaires qui essentiellement ont tous leurs racines dans des organisations mondiales terroristes bien connues qui ont déjà lancé des attaques répétées contre les États-Unis eux-mêmes. Notre appel est pour un règlement politique, qui devrait bien sûr garantir la transformation du régime, et nous sommes prêts à discuter de cette question avec le président Assad.

L’ONU a déclaré récemment l’importance de travailler avec le président Assad pour combattre l’État islamique et d’autres groupes terroristes. Nous sommes prêts à travailler avec le président syrien et à assurer que le processus de transformation politique puisse aller de l’avant de sorte que toutes les personnes en Syrie participent au pouvoir, afin de mettre un terme à cet affrontement armé. Mais nous ne pouvons pas atteindre cet objectif de l’extérieur et par l’utilisation de la force. Ceci est la vraie question.

Charlie Rose : Très bien, mais êtes-vous prêt à appeler le président Assad à démissionner si cela rendait une solution politique alternative possible ou aidait à combattre État islamique ?

Vladimir Poutine : Notre modérateur est un véritable Américain. J’ai dit «sans intervention extérieure», et il me demande si nous sommes prêts à «appeler le président Assad à démissionner»? Seul le peuple syrien peut faire cela. Comment pouvons-nous ignorer des choses de base aussi élémentaires? Comme je viens de le dire, nous sommes prêts à engager un dialogue avec le président Assad à propos de la mise en œuvre des réformes politiques avec les forces de l’opposition en bonne santé.

Notes:

Paul Craig Roberts a été secrétaire adjoint au Trésor pour la politique économique et rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal. Il a été chroniqueur à Business Week, Scripps Howard News Service, et Creators Syndicate. Il a occupé de nombreux postes universitaires.


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