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Mardi, 26 Nov. 2024

Que faire des deux Mistral russes ?

Auteur : Jean-Dominique Merchet | Editeur : Walt | Lundi, 04 Mai 2015 - 13h40

En cas de non livraison à la Russie, la Marine nationale craint de devoir les récupérer.

Les faits - La France et la Russie sont proches d’un accord sur l’annulation du contrat de deux navires de guerre de type Mistral construits par l’entreprise française DCNS, même si « aucune décision n’est prise » comme l’a dit le président Hollande, vendredi, à l’issue de sa rencontre avec Vladimir Poutine, à Erevan, capitale de l’Arménie.

Si, comme cela est probable, un accord est prochainement conclu entre Paris et Moscou pour annuler le contrat des Mistral – la France ne souhaitant plus les livrer, en raison des tensions liées au conflit en Ukraine – la France va se retrouver avec deux gros bateaux sur les bras sans trop savoir qu’en faire. Le Vladivostok est complètement achevé alors que son frère jumeau, le Sébastospol, a entamé sa période d’essai à la mer en mars. Tous les deux sont dans le port de Saint-Nazaire (44).

Pour la France, c’est un peu la double peine. Non seulement, elle va devoir rembourser la Russie des sommes que celle-ci lui a déjà versées (890 millions d’euros), mais également trouver une solution pour ces deux bateaux. Financièrement, Vladimir Poutine a promis qu’il ne réclamerait pas de « pénalités excessives ». Le chèque final devrait dépasser le milliard d’euros, que le Kremlin aimerait toucher vite, pour financer ses autres dépenses militaires… Juridiquement les deux parties ont jusqu’au 16 mai pour dénoncer le contrat et un mois de plus pour trouver un accord, sans quoi une cour d’arbitrage sera saisie à Genève. Paris et Moscou semblent soucieux de ne pas en arriver là.

Mais que faire, ensuite, des deux bateaux ? Rien que la maintenance et le gardiennage à Saint-Nazaire coûtent une fortune à l’entreprise DCNS – on évoque la somme de 5 millions par mois. Il s’agit de très gros bâtiments, d’une dimension proche de celle du porte-avions Charles-de-Gaulle, bien qu’avec un déplacement (poids) deux fois moindre : 20.000 tonnes quand même.

Lorsque l’on évoque l’avenir du Vladivostok et du Sébastopol dans les coursives de l’état-major de la Marine, on entend une mouche voler. D’expérience, les marins redoutent la solution qui risque de s’imposer à l’esprit des décideurs politiques : les confier à la Marine nationale. Or, celle-ci se cache à peine de ne point en vouloir. Elle possède déjà trois de ces BPC (Bâtiment de projection et de commandement), le Mistral, le Tonnerre et le Dixmude, entrés en service entre 2006 et 2012. La Marine en est très satisfaite, mais n’en a pas besoin d’autres.

Lors de la préparation du Livre blanc de la défense, en 2012/13, la Marine a pesé de tout son poids pour préserver le cœur de sa flotte : les 15 frégates de premier rang et les 6 sous-marins nucléaires d’attaque. Or, à budget et effectifs constants, si l’on a un gros bateau en plus, cela veut dire d’autres bateaux en moins. Donc, supprimer des frégates. C’est le cauchemar des amiraux, qui craignent une marine déséquilibrée, bâtie autour d’une poignée de bâtiments prestigieux.

Les marins ont des raisons de s’inquiéter. A deux reprises déjà, en 2014 et 2015, le ministère de la Défense a débarqué l’équipage de frégates françaises pour les vendre au Maroc et à l’Egypte. L’hiver dernier, le président égyptien Sissi voulait d’ailleurs deux frégates tout de suite et il a fallu une bonne dose de persuasion pour ne pas désorganiser complètement la Marine avec une telle exigence. La flotte sert ainsi de variable d’ajustement à la diplomatie française sur le thème : on vous prend les frégates que veulent nos amis arabes et, en échange, on vous redonne les bateaux qu’on ne souhaite plus vendre aux Russes...

A moins que la France ne trouve une autre marine à qui vendre les Mistral russes, après quelques travaux de « dérussification » à bord. Peu de pays expriment un tel besoin et, après un échec en Australie, la Russie était le seul succès à l’export pour le Mistral. On évoque l’Inde, le Canada, l’Algérie, mais pour l’heure rien de sérieux.


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