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La loi anti-quenelle, jamais votée mais déjà appliquée !

Auteur : Nicolas Bourgoin | Editeur : Walt | Lundi, 16 Mars 2015 - 09h51

Plus que jamais dans le viseur des associations communautaires, Alain Soral comparaissait ce jeudi 12 mars devant le tribunal correctionnel de Paris. L'objet du délit ? Une photo le représentant faisant la quenelle devant le mémorial de l'Holocauste à Berlin, postée sur sa page Facebook puis reprise par le site de JSSNews. Ce geste, pourtant polysémique et ambigu lui vaut une poursuite pour injure publique à caractère raciste. On peut évidemment s’étonner de cette interprétation univoque, en l’espèce difficilement démontrable, alors que la photo n’était accompagnée d’aucun commentaire et que ce bras d’honneur inversé ne fait l’objet d’aucun consensus quant à sa signification : geste antisystème ou antisémite ? provocation potache ou salut nazi maquillé ? Une proposition de loi pour pénaliser la quenelle en l’assimilant à un geste antisémite avait bien vu le jour mais elle n’a jamais été votée en raison d’obstacles juridiques. Ce procès pourrait bien être un moyen de les contourner pour forcer la justice à assimiler ce geste à une injure à caractère raciste, ce qui reviendrait ni plus ni moins à criminaliser une expression publique de l’opposition radicale. Affaiblir la contestation politique vaut bien un coup de force juridique… Retour sur quelques épisodes de la guerre menée par le pouvoir socialiste contre ce geste d’insoumission.

La quenelle fait tache d’huile

A l’origine du psychodrame médiatique de la « quenelle », une lettre de dénonciation : celle qu’Alain Jakubowicz, président de la LICRA, adresse au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian début septembre 2013 pour réagir à une photographie représentant deux militaires français faisant le geste de la quenelle devant une synagogue. Ce terme à l’origine réservé aux « initiés » adeptes de Dieudonné – une marque « quenelle » est même déposée à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle par Noémie Montagne, la compagne de l’humoriste – est rapidement popularisé à la faveur de ce feuilleton médiatico-juridique.

Pour Alain Jakubowicz, le sens du geste est clairement antisémite : il constitue à la fois « un signe de ralliement à Dieudonné » et « un salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah ». Pour les avocats de Dieudonné, il s’agit au contraire d’un « geste humoristique inventé par Dieudonné et qui correspond tout simplement à un bras d’honneur détendu signifiant je vous ai bien eu ou vous m’avez bien eu, dans un esprit farce » (Interdit de rire).

De quoi la quenelle est-elle le nom ?

Le débat pour définir le sens de la quenelle, geste antisystème ou antisémite – voire les deux à la fois –, reste donc ouvert et il divisera les adeptes et les contempteurs de Dieudonné pendant toute la durée de l’affaire. Les premiers, familiers de ses spectacles et vidéos, arguant d’une bonne connaissance de ses codes gestuels et partageant sa lutte contre le système, les seconds assimilant ce geste à un signe extérieur d’antisémitisme de plus. Beaucoup de quenelliers, comme Dieudonné lui-même, ne considèrent pas leur geste comme antisémite mais comme un signe d’insoumission, un bras d’honneur en direction des héritiers politiques des esclavagistes et, plus généralement, des dominants. La position médiane est tenue notamment par le président du CRIF, Roger Cukierman, qui estime qu’il n’est pas forcément antisémite : c’est un geste de révolte anarchique contre l’establishment quand il est fait sur un lieu qui n’a pas de spécificité juive ; ou par certains experts juristes, dont Maître Eolas, pour lesquels le geste tire sa signification du contexte dans lequel il est réalisé. Celui-ci indique l’intention de son auteur, le sens qu’il entend lui donner.

Pénaliser la quenelle

Geste équivoque et polysémique – ce qui interdit d’en conférer un sens a priori –, la quenelle fait l’objet d’interprétations divergentes qui renvoient grosso modo aux intérêts des différentes parties concernées. Et l’enjeu est crucial : s’il est établi que le geste exprime de manière certaine une forme de discrimination et de haine à l’égard d’une communauté, il devient pénalement sanctionnable. Le cas échéant, c’est une arme de plus dans l’arsenal juridique contre Dieudonné et ses adeptes. Manuel Valls, en guerre contre l’humoriste, s’en tient à l’interprétation du président de la LICRA, et pour cause : il s’agit d’un « geste de haine, geste antisémite, geste nazi inversé » quelque soit le contexte. Si le ministre de l’Intérieur ne fait pas la loi, séparation des pouvoirs oblige, son avis (ainsi que celui des membres du gouvernement socialiste, à l’unisson) semble lourdement peser dans la balance : deux mois après cette déclaration, Nicolas Anelka a été condamné pour avoir fait ce geste publiquement à 100.000 euros d’amende et à un stage éducatif (assorti d’une suspension de 5 matchs infligée par la Fédération anglaise de football et d’une démission forcée de son club). La commission de discipline avait donc tranché : ce geste est antisémite indépendamment de la signification que son auteur lui prête. Autres temps, autres mœurs : en janvier 2013, un footballeur montpelliérain avait fait ce geste après avoir marqué un but, sans s’attirer les foudres des autorités…

L’assimilation de la quenelle à un geste antisémite a ouvert la chasse aux « quenelliers ». Le 13 décembre 2013, un hacker franco-israélien pirate le site Internet de la maison de production de Dieudonné et jette en pâture aux internautes les coordonnées personnelles des fans de l’humoriste qui avaient envoyé une photo d’eux faisant le geste de la quenelle. La chasse à l’homme menée par le webzine JSSNews fut sanglante : menaces, injures, exclusions d’établissement scolaire ou licenciements et parfois même gardes à vue.

Mais l’arme fatale est juridique. A l’origine du projet de loi anti-quenelle, le député (UDI) Meyer Habib qui veut légiférer pour faire interdire le geste de la quenelle qualifié par lui « d’antisémite, nazi et négationniste ». En janvier 2014, il dépose une proposition de loi anti-quenelle destinée à grossir l’arsenal de la lutte contre l’incitation à la haine raciale, et dont l’objectif est de « pénaliser les gestes et comportements portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Mais celle-ci ne verra jamais le jour, en partie à cause de son flou juridique : quelles caractéristiques objectives doit avoir ce geste pour devenir un éventuel délit ? Comment les déterminer précisément ? L’un des principes constitutionnels est justement la lisibilité de la loi, qui doit être suffisamment claire pour n’être ignorée de personne. Mais si cette initiative a surtout été un coup d’éclat politique, elle n’est pas restée sans lendemain…

La loi anti-quenelle, Acte II.

Les ennemis de ce geste d’insoumission ne renoncent jamais. Alain Soral est poursuivi par l’UEJF et l’association J’accuse pour avoir posté sur sa page facebook une photo où il apparaît faisant la quenelle. La symbolique du lieu où elle a été prise peut donner à penser que son geste est dirigé contre la communauté juive mais Alain Soral s’en est expliqué (son message ne visaient pas les morts de la Shoah mais les manipulateurs sionistes de la Shoah) et de toute façon l’ambiguïté du geste reste à ce jour entière. Mais c’est justement celle-ci que les associations communautaires veulent remettre en cause en faisant de la quenelle un délit par jurisprudence, tout en ruinant au passage l’un des chefs de file de la dissidence (les demandes des parties civiles atteignent près de 250.000 euros !). Instrumentaliser le droit à des fins politiques : toute ressemblance avec le coup de force de la circulaire Valls du 6 janvier 2014 serait évidemment fortuite…


- Source : Nicolas Bourgoin

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