Effondrement des Bourses : correction des marchés ou crise systémique ?
Depuis la fin 2011, il ne se passait pas un jour sans qu’on nous rabâche que la reprise est là, en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni, bref un peu partout. En France, François Hollande semblait si sûr de lui qu’il osa parier sur un retournement de la courbe du chômage. On sait ce qu’il en est.
En mars dernier, ce discours optimiste se fit plus précis. Janet Yellen, la patronne de la Réserve fédérale, annonçait la fin du Quantitative Easing (la planche à billets) pour le quatrième trimestre 2014, et même une remontée des taux d’intérêts – la première depuis 2006 – à l’horizon du premier trimestre 2015. Quelques semaines plus tard, son homologue de la Banque d’Angleterre Mark Carney lui emboîtait le pas. En juin, le CAC 40 atteignait son point le plus haut de l’année à 4.598, tout comme le baril de pétrole, légèrement au-dessus de 107 $. Quant à l’indice S&P 500 de la Bourse américaine, il culminait à 2.022 le 19 septembre dernier. Mais depuis… patatras !
Au risque de surprendre, rarement un tel retournement de marché n’aura été aussi prévisible.
La baisse rapide et continue du prix du pétrole depuis la mi-juin (de 107 à 80 $/baril), malgré la réapparition d’un foyer de tension en Irak, était déjà un signe avant-coureur que quelque chose clochait côté demande. Avec une consommation en berne en Italie et en France, ses deux principaux partenaires, le ralentissement de la croissance en Allemagne n’est pas surprenant. Ajoutez-y l’effet des sanctions contre la Russie et c’est l’hypothèse d’une nouvelle récession au premier trimestre 2015 qui revient sur le tapis. Au Japon, chaque mois vient confirmer l’échec du plan Abe : les prix ne décollent pas et les Japonais continuent de thésauriser. Quant aux États-Unis, qui semblaient pourtant bien partis, fin septembre, une série d’indicateurs (ventes au détail, stocks et prix à la production) sont ressortis en très fort décalage par rapport aux attentes. Bref, partout, hormis au Royaume-Uni, les perspectives de croissance sur l’année en cours et pour l’année 2015 ont été revues à la baisse et parfois très largement comme en Italie, où on table désormais sur une récession (-0.5 %) après avoir longtemps anticipé une croissance de 1 %. À ce niveau d’erreur, on peut tout de même se poser des questions sur la sincérité de nos grands argentiers.
Sommes-nous en présence d’une correction brutale mais passagère après une période record de hausse ininterrompue ou bien à l’aube d’une nouvelle crise financière ?
C’est la question que tout le monde se pose. Officiellement dans les médias, c’est la première réponse qui fait l’unanimité. Ce n’est pas une surprise, les Cassandre ne sont pas les bienvenues sur les plateaux de télévision, elles ont la fâcheuse tendance d’avoir raison du seul fait de la panique qu’elles pourraient provoquer. Toutefois, dans les salles des marchés, à l’écart des médias (et des clients), les avis sont partagés. Principaux sujets d’inquiétude, le caractère très artificiel de la hausse des ces dernières années qui plus est associée à un effet de levier 1 encore plus élevé qu’en 2008, le fardeau des dettes publiques lui aussi incomparablement plus élevé qu’en 2008, la fragilité de la croissance en Chine, et plus généralement l’idée que la crise pourrait être de nature systémique.
La répartition des fruits de la croissance n’a jamais été aussi inégale. Pendant que la paupérisation gagne les classes moyennes, une épargne pléthorique mais concentrée entre peu de mains s’accumule dans les paradis fiscaux avant d’être recyclée dans des investissements immobiliers et financiers. Un cocktail explosif avec à la clé la double peine : faibles rentrées fiscales et faible consommation.
1-Rapport entre les capitaux investis et les capitaux propres.
- Source : Christophe Servan