Nous ne sommes pas à l'abri de l'éclatement d'une nouvelle bulle sur les marchés financiers
La crise n’a pas encore commencé et pourtant ses effets sont déjà là…
Ce mercredi 14 mai, la commission des finances du Sénat, présidée par Philippe Marini organisait une audition conjointe sur le thème « Stabilité financière : a-t-on progressé depuis 2008 ? ». A cette occasion était notamment présent autour de la table, Gérard Rameix, président de l’Autorité des marchés financiers.
Pour ce dernier, des progrès ont incontestablement été accomplis depuis plus de six ans pour diminuer le risque systémique.
Ces progrès sont tous d’abord d’ordre organisationnel. Trois institutions de régulation au niveau européen se sont développées dans le domaine bancaire, celui des assurances et celui des marchés financiers. « Avant la survenance de la crise, une entité comme l’ESMA (European Securities and Markets Authority n’existait que dans un état embryonnaire » commente Gérard Rameix.
Intra muros, des interconnexions ont également été envisagées entre les autorités de régulation nationales, comme l’ACPR et l’AMF.
Des efforts notables ont, par ailleurs, été effectués dans deux importants champs du système financier. Tout d’abord, sur le front de la régulation prudentielle bancaire. « La situation des banques européennes est profondément différente de celle qu’elle était en 2007-2008. Même si des inconvénients demeurent, ces dernières sont incontestablement plus solides. Elles devraient l’être encore plus en novembre de cette année, après la réalisation de l’audit des actifs dans les bilans et des stress tests, avec la prise en main par la Banque centrale européenne de la supervision bancaire » indique Gérard Rameix.
Un grand cheminement a aussi été parcouru s’agissant des produits dérivés avec la directive EMIR. 60 trillions de dollars de contrats dérivés sont concernés par cette réglementation. « Depuis quelques semaines toutes les banques en Europe doivent reporter les contrats noués dans une banque de données. Début de 2015, une grande partie des contrats devront passer par une compensation centrale, ce qui sera un facteur de sécurité majeur » souligne Gérard Rameix.
Malgré ces évolutions positives, nous ne pouvons pas affirmer que nous ne pourrons pas connaitre d’autres accidents à l’avenir, soutient cependant le président de l’AMF.
Deux raisons principales à cela.
En premier lieu, des incertitudes demeurent et des lacunes persistent.
« Nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin dans la régulation des banques et des produits dérivés. Nous connaissons un processus inédit de revue de tous les actifs bancaires en Europe qui suppose qu’il va encore falloir du temps avant de voir plus clair.
Pour ce qui de la directive EMIR, des divergences d’opinion criantes sont relevables au sujet des retombées économiques de l’obligation de compensation centrale ».
Cette obligation implique l’exigence de la part des acteurs qui ont recours à la chambre de compensation la constitution d’une provision pour couvrir le risque d’exécution et des appels de marge avec les contreparties. « Les écarts d’évaluation des économistes sur le coût découlant de ces deux contraintes financières sont de 1 à 5. Ainsi, alors que certains experts anticipent une catastrophe liée au renchérissement des produits et à la moindre capacité des entreprises non financières à se couvrir contre les risques auxquels elles doivent faire face ; d’autres portent une vision beaucoup plus modérée considérant que l’obligation de compensation pourrait au maximum diviser de moitié un volume de produits dérivés négociés qui s’est fortement amplifié depuis 2008 » explique Gérard Rameix.
Le président de l’AMF indique ne pas savoir qui a raison. « Une appréciation est d’autant plus difficile que nous n’avons pas de précédent et que les avis des uns et des autres ne résultent pas d’expérimentations mais sont simplement de postures de principe. Par conséquent, si nous n’avons pas de doute sur le sens de la trajectoire, plusieurs années supplémentaires seront vraisemblablement requises pour parvenir au bon calibrage ».
A ces éléments d’incertitude, s’ajoute le fait que bien que plusieurs mesures aient été prises, les autorités compétentes sont encore loin d’être arrivées au bout des agendas des réformes définis lors des sommets du G20 de 2009 et 2010.
La seconde raison qui amène Gérard Rameix à afficher une méfiance sur l’état du système financier réside dans le fait que les réformes s’inscrivent dans un environnement très particulier, caractérisé par des taux extrêmement bas et une très abondante liquidité injectée par les grandes banques centrales. « Tant que nous n’aurons pas entrepris une résorption de ce surplus de liquidité, la menace est considérable de voir la création et l’éclatement d’une bulle sur un segment spécifique des marchés qui pourrait accentuer le risque systémique ».
- Source : Imen Hazgui