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Vendredi, 22 Nov. 2024

Caramba, encore raté ! Nouvelles de la tentative de putsch au Venezuela

Auteur : Guy Mettan | Editeur : Walt | Samedi, 31 Août 2024 - 13h28

Avez-vous remarqué comment, après un mois de pilonnage médiatique, le Venezuela a subitement disparu de la une des médias pour ressurgir après une semaine d’accalmie ? Aucun mystère à cela. Le 22 août dernier, conformément à la Constitution, la Cour suprême de Justice du Venezuela a validé les résultats des élections et la victoire de Maduro, et il s’agissait d’escamoter cette nouvelle gênante.

Désormais, le matraquage peut reprendre en toute quiétude et l’on peut parier que l’on va continuer à nous seriner sur tous les tons que l’opposition a gagné les présidentielles, que la rue soutient unanimement son candidat Urrutia, que Maduro a trafiqué le scrutin puisque les sondages l’avaient donné perdant à 70% et qu’il persisterait à refuser de publier les résultats détaillés du vote pour camoufler ses méfaits.

Si l’on se donne la peine de soulever le tapis et d’interroger le beau narratif du combat héroïque de la pure et valeureuse opposition démocratique contre le corrompu et méchant dictateur Maduro affameur de son peuple, la réalité apparait pourtant beaucoup plus nuancée.

Il semble plutôt qu’on ait affaire, aujourd’hui, à la répétition du même scénario qu’en 2021, lorsqu’on avait tenté de nous vendre le gentil président autoproclamé Juan Guaido, un opportuniste sorti de nulle part mais aussitôt reconnu par Washington, Londres et les autres capitales occidentales comme le président légitime du Venezuela. Après des mois de contestation, sa tentative de prise du pouvoir illégitime ayant échoué, ce dernier finit abandonné par ses patrons et rejeté dans les poubelles de l’histoire, Londres continuant à bloquer au passage les réserves d’or du Venezuela au nom de la démocratie.

Je vous rassure : il ne s’agit pas ici de défendre Maduro ni d’en faire une blanche colombe tombée du nid – il n’en est pas une – mais de mettre en évidence un canevas parfaitement rôdé et appliqué avec un remarquable esprit de système aux pays hostiles à la domination occidentale, dont il s’agit de faire dérailler le processus électoral ordinaire pour y installer un gouvernement complaisant, sur le modèle de ce qui s’est passé à Belgrade à la fin des années 1990, en Ukraine en février 2014, en Bolivie en 2019, à Minsk en 2020 ou, de façon un peu différente, au Pérou en 2022 avec l’emprisonnement du président démocratiquement élu Pedro Castillo.

Les élections vénézuéliennes ont-elles été truquées ? Le millier d’observateurs étrangers présents lors du scrutin ne le pense pas. (Voir Alan Mc Leod, Venezuela: As US Leaders Call Fraud, US Observers Endorse Results, Consortium News, July 30, 2024). D’après Natalie Benelli, sociologue suisse qui les a suivies, la procédure électorale et les machines de vote ont été validées et surveillées par tous les partis, y compris ceux d’opposition, avant, pendant et après le scrutin. Chaque vote est enregistré et contrôlé à la fois par voie électronique et sur papier, les deux résultats étant ensuite confrontés. Aucun parti n’a accès aux codes qui permettraient de manipuler l’élection, chacun d’eux disposant d’une partie du code inaccessible aux autres. Elle mentionne aussi que les manifestations de soutien au régime ont été plus fournies que celles de l’opposition bien que nos médias les aient sciemment ignorées.

Mais on rappellera surtout que, malgré des défauts évidents, le régime chaviste a dû faire face à une destruction sans précédent de son économie après qu’en 2015 Obama eut proclamé le Venezuela “menace pour la sécurité nationale américaine”. 90% des recettes de l’Etat vénézuélien ont été perdues à la suite des 930 sanctions, d’une ampleur inédite, entrainant la chute des exportations de pétrole et de la monnaie, l’effondrement des programmes sociaux, de l’instruction publique et de l’accès à la nourriture, largement importée de l’étranger, et l’impossibilité de se procurer des pièces de rechange pour les transports, l’infrastructure électrique, les usines. Cerise sur le gâteau, le droit de vote du Venezuela aux Nations Unies a été suspendu faute d’avoir pu régler la cotisation en dollars.

Des journalistes d’investigation américains ont également fait observer que le candidat officiel de l’opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia, résidait en Floride et non à Caracas et que ses activités diplomatiques, notamment lors de son passage au Salvador dans les années 1980, avaient été largement mises au service des Etats-Unis et de la dictature militaire lors de la guerre civile qui les a opposés au Front Farabundo Marti.

De même, les richissimes familles qui sponsorisent l’opposition sont fortement soupçonnées d’avoir financé l’emploi d’escadrons de la mort colombiens pour semer le chaos dans le pays. Les liens de l’opposition avec les Etats-Unis sont avérés, comme le révélaient les médias suisses qui saluaient le fait que sa candidate officieuse, Maria Corina Machado, avait ses entrées à la Maison-Blanche. On rappellera que celle-ci a été déclarée inéligible en 2015 pour avoir, malgré sa qualité de parlementaire vénézuélienne, accepté de devenir la représentante officielle du Panama à l’Organisation des Etats Américains et d’y avoir réclamé des sanctions économiques contre son propre pays ! (Cf. Carlos Ron on the democratic tradition of Venezuela’s Bolivarian Revolution, Peoples Dispatch, August 16, 2024).

Enfin, il est amusant de noter que le programme de l’opposition réunie au sein de la Plataforma unitaria democratica, a été rédigé en anglais. Sans surprise, il met l’accent sur la privatisation complète des grandes entreprises, et notamment du pétrole, en les cédant aux multinationales américaines sous prétexte de modernisation et d’adaptation à la concurrence.

Malgré les difficultés et les poches de misère qui ont fait précipité des millions de gens sur les routes de l’exil, le régime a pu rétablir la production agricole au point de devenir quasiment autonome sur le plan alimentaire, ce qui n’était jamais arrivé depuis des décennies, et construire des millions de logements au profit des classes les moins favorisées, ce qui explique sans doute la fidélité au chavisme de ceux qui sont restés.

Force est donc de constater que, après les tentatives de renversement et d’assassinat de Chavez en 2002, de déstabilisation économique dès 2015, de coup d’Etat légal en 2021 et d’abolition des résultats électoraux en 2024, le chantage “soit vous changez de régime, soit on vous affame” n’a, une fois de plus, pas marché comme espéré.

L'auteur, Guy Mettan, est journaliste indépendant

Photo d'illustration: Le président vénézuélien Nicolas Maduro en 2017. (Jeso Carneiro, Flickr, CC BY-NC 2.0)


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