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Mercredi, 15 Mai 2024

Quand Netanyahou appelle à bloquer la CPI, les responsables américains s’empressent d’obtempérer

Auteur : Al Mayadeen (Liban) | Editeur : Walt | Mercredi, 01 Mai 2024 - 15h07

Des législateurs américains des deux partis menacent la Cour pénale internationale de mesures de rétorsion si elle s’acquitte de sa mission à l’encontre de responsables israéliens.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a demandé au président des États-Unis Joe Biden de veiller à ce que la Cour pénale internationale (CPI) n’émette pas de mandats d’arrêt à l’encontre de hauts fonctionnaires israéliens responsables de crimes de guerre dans la bande de Gaza, a déclaré Axios en citant deux responsables israéliens.

Les noms de Netanyahou, du ministre de la Sécurité Yoav Gallant et du chef d’état-major des forces d’occupation israéliennes Herzi Halevi auraient été cités comme étant suspectés de crimes de guerre que la CPI chercherait à poursuivre.

Selon Axios, Netanyahou a fait part de son inquiétude concernant les informations de plus en plus insistantes selon lesquelles des mandats d’arrêt pourraient être délivrés, lors d’un appel téléphonique avec Biden concernant les développements régionaux et l’accord d’échange de prisonniers avec la Résistance palestinienne.

La CPI s’est penchée sur les crimes de guerre commis en 2014 dans la bande de Gaza, mais elle n’a pris aucune décision punitive à l’encontre d’individus.

Un porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche a refusé de commenter le contenu de l’appel de Netanyahou avec Biden, mais a déclaré à Axios :

«Comme nous l’avons dit publiquement à plusieurs reprises, la CPI n’est pas compétente dans cette situation et nous ne soutenons pas son enquête».

Néanmoins, le mandat d’arrêt émis par la CPI à l’encontre du président russe Vladimir Poutine dans le cadre du conflit en Ukraine a obtenu le soutien des États-Unis et d’autres pays occidentaux.

Plus tôt, le porte-parole adjoint du département d’État américain, Vedant Patel, a déclaré aux journalistes que les actions militaires israéliennes à Gaza n’étaient pas comparables aux opérations russes en Ukraine. Interrogé sur la raison pour laquelle les États-Unis s’opposent à une éventuelle action en justice de la CPI contre des responsables israéliens, mais soutenaient une action de la CPI contre la Russie, Patel a déclaré :

«Il n’y a pas d’équivalence morale entre ce que nous voyons entreprendre [par le président russe Vladimir Poutine] et le gouvernement israélien».

Il a ajouté que les États-Unis estiment que la CPI n’est pas compétente pour juger la situation palestinienne. Patel a souligné que les États-Unis ne sont pas signataires du traité qui a institué la CPI.

Des membres du Congrès des partis démocrate et républicain mettent en garde la CPI contre l’émission de mandats d’arrêt à l’encontre de hauts responsables israéliens, a rapporté Axios ultérieurement.

Alors que la situation continue de se dégrader, les législateurs américains auraient menacé la CPI de représailles si elle engageait des poursuites judiciaires contre des responsables israéliens.

La position israélienne sur la question a été adoptée par de nombreux législateurs, dont le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, qui a qualifié les mandats signalés de «scandaleux» et «contraires à la loi».

Johnson a demandé à l’administration Biden «d’exiger immédiatement et sans équivoque que la CPI cesse ses activités» et «d’utiliser tous les outils disponibles pour empêcher une telle abomination».

En outre, un membre républicain anonyme de la Chambre des représentants a déclaré qu’une proposition de loi était déjà en cours d’élaboration pour répondre à d’éventuels mandats. Le président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Michael McCaul, a déclaré à Axios qu’il s’attendait, de la Chambre des représentants, à une version du projet de loi du sénateur Tom Cotton visant à sanctionner les fonctionnaires de la CPI impliqués dans les enquêtes sur les États-Unis et leurs alliés.

Les États-Unis sont une fois de plus prompts à se mobiliser pour défendre le régime israélien et ses membres criminels, tout en affirmant que leurs pratiques en matière de relations extérieures et leurs déclarations publiques relèvent d’une haute exigence éthique.

Traduction: Spirit of Free Speech

***

Que se passera-t-il si la CPI accuse Netanyahou de crimes de guerre ?

par Kenneth Roth

La CPI n’a pas encore dévoilé ses intentions, mais le Premier ministre israélien a de bonnes raisons de s’inquiéter, et la défense qu’il a présentée jusqu’à présent ne sera pas de nature à l’aider.

Le gouvernement israélien pense que la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye est sur le point de déposer des accusations de crimes de guerre contre Benjamin Netanyahou et d’autres hauts responsables israéliens. Nous ne pouvons pas en être sûrs – la CPI n’a pas dévoilé ses intentions – mais le Premier ministre israélien a de bonnes raisons de s’inquiéter, et les défenses qu’il a présentées jusqu’à présent ne sont pas de nature à l’aider.

La cible la plus probable du procureur général de la CPI, Karim Khan, est la stratégie de famine de Netanyahou à l’égard des civils palestiniens de Gaza. Le gouvernement israélien ayant refusé de laisser le personnel de la CPI entrer dans Gaza, il faudra du temps à Khan pour mener à bien l’enquête détaillée nécessaire pour démontrer l’existence d’autres crimes de guerre israéliens possibles, tels que le bombardement aveugle de zones civiles et les tirs sur des cibles militaires avec des conséquences prévisibles et disproportionnées pour les civils. Mais les faits entourant l’obstruction d’Israël à l’aide humanitaire sont facilement identifiables.

Lors de ses deux récentes visites dans la région, Khan a souligné que, comme l’exige le droit humanitaire international, les civils palestiniens de Gaza

«Doivent avoir accès aux denrées alimentaires de base, à l’eau et aux fournitures médicales dont ils ont désespérément besoin, sans plus attendre, au rythme et à l’échelle voulus».

Il a mis en garde le gouvernement israélien : «Si vous n’obtempérez pas, ne vous plaignez pas lorsque mon Bureau sera tenu d’agir».

La norme qu’il a citée est approuvée par pratiquement tous les gouvernements du monde, y compris Israël, la Grande-Bretagne, les États-Unis et, en tant qu’État observateur des Nations unies, la Palestine.

Pendant la majeure partie de la guerre, Israël a laissé entrer à Gaza juste assez de vivres pour éviter les morts en masse, mais pas assez pour empêcher la faim généralisée et, dans certaines parties de Gaza, la «famine», selon l’administratrice de l’USAID, Samantha Power. L’Oxfam a établi que des centaines de milliers de personnes dans le nord de la bande de Gaza ne recevaient en moyenne que 245 calories par jour, soit environ un dixième des besoins nécessaires. Au moins 28 enfants de moins de 12 ans seraient morts de malnutrition au 17 avril.

Les autorités israéliennes ont rejeté la responsabilité de ces privations sur tout sauf sur Israël, mais les preuves pointent principalement vers le gouvernement de Netanyahou. Israël veut, bien entendu, mettre un terme à l’acheminement d’armes vers le Hamas, mais ses procédures d’inspection des camions d’aide, qui manquent de personnel et se révèlent très complexes, peuvent durer trois semaines, les camions étant souvent refoulés pour avoir transporté un seul article inoffensif qu’Israël a jugé avoir une valeur militaire, les contraignant ainsi à reprendre la procédure à zéro.

Les articles interdits comprennent des anesthésiants, des cathéters cardiaques, des kits d’analyse chimique de la qualité de l’eau, des béquilles, des kits de maternité, des bouteilles d’oxygène, des outils chirurgicaux, du matériel d’échographie, des fauteuils roulants et des appareils à rayons X. Lorsque le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, s’est rendu du côté égyptien de la frontière de Gaza en mars, il a vu «de longues files de camions de secours bloqués qui attendent l’autorisation d’entrer dans Gaza». Israël a autorisé des largages aériens et des livraisons maritimes de nourriture qui ont fait couler beaucoup d’encre, mais ils ne représentent qu’une infime partie de ce que l’acheminement terrestre pourrait fournir.

Il ne serait donc pas surprenant que Khan inculpe dans un premier temps Netanyahou, ainsi que le ministre de la défense, Yoav Gallant, et le chef d’état-major des forces de défense israéliennes, le général de corps d’armée Herzi Halevi, d’avoir «délibérément affamé les Palestiniens de Gaza». Tout comme Khan a d’abord accusé Vladmir Poutine et son commissaire aux droits de l’enfant d’avoir enlevé des enfants ukrainiens, et n’a commencé que plus tard à aborder la campagne de bombardement russe, factuellement plus complexe, en commençant par les attaques contre les infrastructures électriques, il est probable que Khan commence par des accusations simples à Gaza avant de passer à des accusations plus complexes.

Il ne fait aucun doute que Khan inculpera également les hauts responsables du Hamas dans la chaîne de commandement militaire, comme il se doit. L’assassinat et l’enlèvement de civils israéliens le 7 octobre sont clairement des crimes de guerre. Mais l’un des principes fondamentaux du droit humanitaire international est que les crimes de guerre commis par une partie ne justifient jamais les crimes de guerre commis par l’autre partie. L’obligation de se conformer est absolue et non réciproque.

Netanyahou a déjà commencé à se défendre. Dans un message publié sur Twitter/X, il a déclaré : «Israël n’acceptera jamais que la CPI tente de porter atteinte à son droit inhérent à l’autodéfense». Mais cela n’a aucun sens. Les accusations de la CPI n’ont rien à voir avec le droit d’Israël à l’autodéfense. Elles porteront plutôt sur la manière dont le gouvernement Netanyahou a choisi de mettre en œuvre cette défense – en ciblant non seulement le Hamas, mais aussi en commettant des crimes de guerre contre des civils.

En supposant que la famine soit au centre des préoccupations de la CPI, Netanyahou pourrait noter que, ces dernières semaines, le gouvernement israélien a autorisé l’entrée de davantage de vivres dans la bande de Gaza. En effet, après l’assassinat, le 1er avril, de sept membres du personnel de la World Central Kitchen, lorsque Joe Biden a implicitement menacé, le 4 avril, de conditionner l’aide militaire et les ventes d’armes futures des États-Unis à un assouplissement de l’obstruction d’Israël à l’aide humanitaire, Netanyahou a promis d’ouvrir un poste frontière supplémentaire et d’autoriser un peu plus d’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Depuis, la distribution de l’aide humanitaire a augmenté, mais reste insuffisante. Et qu’Israël agisse sous la pression américaine ne fait que souligner le caractère délibéré de la stratégie de famine. Et le fait d’assouplir cette stratégie aujourd’hui n’est pas une défense contre une stratégie poursuivie pendant de nombreux mois.

Le gouvernement israélien peut faire valoir qu’Israël dispose d’un système juridique performant et qu’il peut poursuivre ses propres criminels de guerre. En vertu du principe de complémentarité, la Cour pénale internationale est censée s’en remettre aux efforts des tribunaux nationaux. Mais Israël n’a jamais poursuivi de hauts fonctionnaires pour crimes de guerre, et aucun procès n’a été intenté pour la stratégie de famine de Netanyahou à Gaza.

Le gouvernement israélien soutiendra sans aucun doute qu’étant donné qu’il n’a jamais adhéré à la CPI, les fonctionnaires israéliens ne sauraient être poursuivis par cette dernière. Or, les Statuts de Rome qui fonde cette instance lui donne compétence non seulement sur les ressortissants des gouvernements qui l’ont rejointe, mais aussi sur les crimes commis sur le territoire de ses membres. C’est logique, car le traitement des crimes commis sur le territoire d’un pays est un aspect essentiel de la souveraineté. La Palestine a adhéré à la Cour et lui a accordé sa compétence pour les crimes commis sur son territoire occupé – la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza.

Lors des négociations sur la création de la CPI, le gouvernement américain s’est opposé à la compétence territoriale, mais les autres gouvernements présents l’ont emporté. L’opposition des États-Unis à la compétence territoriale est à l’origine des sanctions scandaleusement imposées par Donald Trump à la précédente procureure de la CPI, Fatou Bensouda, lorsqu’elle a ouvert des enquêtes en Afghanistan qui auraient pu impliquer des tortionnaires de l’ère George W. Bush et que des responsables israéliens pourraient être inquiétés pour des faits commis en Palestine.

Mais Biden a levé les sanctions imposées par Trump. Lorsque la CPI a inculpé Poutine sur la base de la compétence territoriale, Biden a déclaré que les accusations étaient justifiées. Washington manquerait singulièrement à ses principes en acceptant la compétence territoriale pour les crimes de guerre russes en Ukraine, mais pas pour les crimes de guerre israéliens dans la bande de Gaza.

En outre, toute tentative d’interférer avec les poursuites, par exemple en invoquant la très décriée loi sur la protection des membres des services américains [American Service members Protection Act], qui autorise même une action militaire pour protéger les alliés des États-Unis contre les poursuites de la CPI – et qui a donc été nommée le Hague Invasion Act – susciterait probablement d’énormes protestations aux États-Unis et mettrait en péril les perspectives de réélection de Biden.

Les accusations de crimes de guerre pourront-elles faire bouger les choses ? Le gouvernement israélien n’est pas prêt à livrer Netanyahou ou ses collaborateurs pour qu’ils soient jugés. Mais leurs déplacements seraient soudainement limités. Bien que les États-Unis n’aient jamais rejoint le tribunal, les gouvernements européens l’ont fait, ce qui signifie que l’Europe et une grande partie du reste du monde seraient soudainement interdites aux personnes inculpées sous peine d’être arrêtées. Il serait également plus difficile pour Washington et Londres de prétendre que l’armement constant de l’armée israélienne ne contribue pas aux crimes de guerre.

En outre, une première série d’inculpations constituerait une menace implicite d’autres inculpations. Alors que Netanyahou envisage une invasion potentielle de Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, malgré les 1,4 million de Palestiniens qui y sont réfugiés, le Premier ministre doit se demander si la mort d’autres civils n’inciterait pas Khan à intensifier les enquêtes sur les attaques apparemment aveugles et disproportionnées d’Israël contre les civils. La CPI pourrait ainsi se montrer à la hauteur de son potentiel, non seulement pour rendre une justice rétrospective, mais aussi pour dissuader de futurs crimes de guerre.

source : The Guardian via Spirit of Free Speech


- Source : Al Mayadeen (Liban)

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