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Pourquoi Israël est-il si vital pour l’Occident ?

Auteur : Ghada Karmi | Editeur : Walt | Mercredi, 24 Mai 2023 - 18h53

Il y a 75 ans cette semaine, un État anormal était imposé au Moyen-Orient arabe. La nouvelle création était étrangère dans tous les sens du terme à la culture et à la lutte anticoloniale de la région, qu’elle allait faire reculer – et elle n’avait aucun antécédent historique dans le monde arabe, malgré la promotion incessante de la mythologie biblique pour prétendre le contraire.

Dès le début, Israël est une création occidentale : un État colonial de peuplement mis en place dans le but d’absorber les juifs du monde, ou autant d’entre eux que possible venant de préférence des États-Unis ou d’Europe, où la plupart voulaient vivre.

Le nouvel État a violé le droit international à maintes reprises, a attaqué ses voisins, a persécuté la population palestinienne d’origine et lui a imposé un système d’apartheid. Étonnamment, il est devenu le bénéficiaire du soutien indéfectible des puissants États occidentaux, qu’aucun de ses excès n’a apparemment ébranlés.

Les crimes de la Russie contre l’Ukraine ont été rapidement punis par l’imposition de sanctions occidentales féroces, tandis qu’Israël a été pardonné pour des crimes similaires contre les Palestiniens – et son statut privilégié dans l’estime occidentale n’a pas changé.

Jusqu’à présent cette année, Israël a tué plus de 130 Palestiniens, a maintenu son siège de Gaza, actuellement victime d’encore plus de bombardements israéliens, et a continué à poursuivre davantage de vols de terres et d’expulsions de Palestiniens de souche. Comme si rien de tout cela ne se produisait, les relations Israël-Occident continuent d’être au beau fixe.

Après 75 ans de parti-pris occidental pro-israélien flagrant, qui va à l’encontre de la justice naturelle et de la décence commune, c’est le moment de réfléchir aux origines de ce parti-pris. Son effet a été de protéger Israël des représailles, lui permettant d’agir en toute impunité.

Si au lieu de cela, Israël avait été livré à lui-même, la lutte palestinienne pour la liberté aurait été courte, et la communauté des colons en Palestine aurait été progressivement et pacifiquement absorbée dans la région. 

Exploiter la Palestine

Mais cela n’a jamais pu advenir. Pour les États occidentaux, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de ses effets dévastateurs sur leurs populations juives, la Palestine était une aubaine à exploiter.

La longue persécution des juifs en Europe, culminant avec l’Holocauste et l’exode des réfugiés juifs, avait besoin d’une solution urgente – mais pas en Europe ou aux États-Unis, car ils avaient déjà refusé d’admettre des juifs fuyant la persécution nazie en 1938. Où mieux les envoyer que la Palestine, alors sous domination coloniale britannique et incapable d’organiser une résistance efficace à un afflux étranger de juifs ?

La commission d’enquête anglo-américaine de 1946 a été créée précisément pour évaluer la capacité du pays à absorber cet afflux et à offrir un refuge à un peuple que les États occidentaux avaient rejeté.

Les Palestiniens furent très tôt conscients du danger que représentait le sionisme pour leur pays et ils se sont indignés qu’il soit utilisé comme solution à la persécution des juifs en Europe. L’impulsion occidentale pour la récompense, particulièrement forte au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a dominé la décision d’admettre Israël en tant qu’État membre de l’ONU en 1949, malgré plusieurs réserves.

Rien d’autre n’explique l’admission par l’ONU d’un État qui bafouait la Charte des Nations unies, n’avait pas fixé de frontières, avait été créé par la violence et le nettoyage ethnique, n’avait démontré aucune capacité à vivre en paix et n’avait pas été en mesure de donner l’assurance qu’il respecterait les résolutions de l’ONU sur la statut de Jérusalem ou le retour des réfugiés palestiniens.

Le don de la Palestine en compensation aux juifs pour leurs souffrances, notamment l’antisémitisme occidental qui était derrière, a été fondamental pour le soutien occidental à Israël, bien qu’il soit peu probable que quiconque en soit conscient aujourd’hui. L’héritage résiduel de la culpabilité sur la souffrance des juifs et l’idée que les Juifs doivent avoir un État sont encore profondément ancrés dans la psychologie occidentale – le plus évidemment en Allemagne, mais aussi ailleurs en Europe et parmi les Américains d’origine européenne.

Statut particulier

La persistance de l’antisémitisme a doté Israël d’un statut spécial, à préserver en tant qu’État juif. Son utilité en tant qu’agent de l’impérialisme occidental au Moyen-Orient et au-delà, – et source de technologie de surveillance et d’armes testées sur le terrain (sur les Palestiniens) -, ajoute à son attrait. Mais ces ressources ne peuvent à elles seules expliquer la position intouchable, voire sacrée, que l’Occident accorde à Israël.

Et c’est pourquoi l’Occident adhère si désespérément à la solution à deux États, bien que tout prouve que cela n’arrivera jamais.

C’est aussi la principale raison pour laquelle la solution à un État, malgré ses avantages évidents – sans parler de son caractère inévitable – n’a jamais été retenue au niveau officiel, et il est peu probable qu’elle le soit tant que l’état d’esprit actuel persiste dans les pays occidentaux.

Un coup d’œil sur la carte montre l’impossibilité de quoi que ce soit d’autre qu’une solution à un seul État au « conflit palestino-israélien ». Depuis la guerre arabo-israélienne de 1967, le territoire entre le Jourdain et la mer Méditerranée est de facto un seul État, entièrement gouverné par Israël. La population de cet État est à peu près moitié arabe palestinienne et moitié juive israélienne.

En raison du système d’apartheid d’Israël, la moitié arabe ne bénéficie pas de l’égalité des droits avec les juifs, et la majorité des Arabes n’ont aucun droit. Comme je l’argumente dans mon nouveau livre, « One State : The only democratic future for Palestine-Israel » [Un seul État : le seul avenir démocratique pour la Palestine et Israël], la voie à suivre évidente dans une situation comme celle-ci est de restaurer les droits de chacun, de mettre fin à l’apartheid et au régime répressif d’Israël, et de convertir l’État inéquitable existant en une seule démocratie pour que les deux peuples partagent dans l’équité et le partenariat.

Aucun État démocratique de ce type n’est possible, cependant, sans la dissolution de l’État actuel d’Israël, ce que l’Occident redoute tant. Mais si cela se produit, cela sonnera la fin du sionisme, ainsi que de la suprématie et de l’injustice juives dans le pays.

L'auteur, Ghada Karmi, est née à Jérusalem et a été forcée de quitter sa maison avec sa famille à la suite de la création d'Israël en 1948. La famille a déménagé en Angleterre, où Karmi a grandi et fait ses études. Elle a exercé la profession de médecin pendant de nombreuses années, comme spécialiste de la santé des migrants et des réfugiés. De 1999 à 2001, Karmi a été membre associée de l'Institut royal des affaires internationales, où elle a dirigé un projet majeur sur la réconciliation israélo-palestinienne. Elle a également travaillé comme chercheuse à l'Institut d'études arabes et islamiques de l'Université d'Exeter.

Traduction: MR – ISM-France


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