Les vignobles tentent de prendre racine dans les collines birmanes
Des vignes qui dégringolent les flancs d'une colline verdoyante, image classique des campagnes françaises. Sauf que ces raisins poussent dans les montagnes du nord-est birman, où une production de vin compte sur le tourisme pour s'épanouir.
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Sur les bords du lac Inle, dans l'Etat Shan, le domaine de Red Mountain, qui produit quelque 120.000 bouteilles par an vendues à environ 10.000 kyats pièce (8,5 euros), est devenu une attraction pour des étrangers intrigués de trouver du vin dans la région.
"Tout le monde est surpris de voir un vignoble ici au milieu de la Birmanie, avec de l'équipement moderne", s'amuse François Raynal, viticulteur qui travaille au domaine depuis dix ans, ravi d'accueillir ces visiteurs dont beaucoup sont des Européens avec "une forte culture du vin".
Le pionnier du vin birman est un Allemand, Bert Morsbach, qui a participé à la création du premier vignoble du pays, Aythaya. Arrivé en Birmanie en 1989 pour exporter du riz, il s'est tourné vers les vignes après la confiscation de son affaire par un ministre. En 1998, il a planté 4.000 ceps importés de France dans l'Etat Karenni, mais le gouvernement l'a empêché de s'occuper de son exploitation en raison d'un conflit entre armée et rebelles karennis.
Climat tropical, mais froid
"Ca a été ma première expérience du vin (...). Je me plaisais tellement que j'ai tenté ma chance une nouvelle fois", dans l'Etat Shan, explique-t-il. Mais le défi de la viticulture birmane est aussi géographique. Malgré une terre très fertile, le climat tropical et des jours relativement courts pendant la période de bourgeonnement, en juin-juillet, limitent le nombre de cépages cultivables.
Et "les champignons sont notre principal ennemi (...). Ils poussent souvent mieux que le raisin", souligne Hans Leiendecker, directeur des opérations au domaine Aythaya, qui espère vendre 200.000 bouteilles en 2013. Sur les collines brumeuses de l'Etat Shan, le vignoble bénéficie en revanche de températures clémentes grâce à une altitude de 1.100 mètres. "Il fait froid, ce qui donne les arômes dont le vin a besoin, surtout pour le blanc", insiste l'Allemand.
Mais les consommateurs semblent préférer les rouges, notamment le shiraz qui pousse bien à Aythaya, où sont également testés Dornfelder, Tempranillo et Chianti. Les viticulteurs de Birmanie se doivent d'"expérimenter" pour espérer se développer dans les pas de la Chine, de la Thaïlande et de l'Inde, qui eux aussi se sont lancés dans l'aventure, estime Denis Gastin, spécialiste du vin asiatique.
"Un vin fantastique"
Le succès des pionniers a encouragé l'éclosion de plus petites exploitations, poursuit-il. Une option de plus pour les restaurateurs du cru. "Nous sommes heureux de proposer un produit de notre terroir. Et un produit de qualité. C'est un vin fantastique", confirme Yin Myo Su, qui dirige l'hôtel Inle Princess.
Et l'industrie sait qu'elle peut s'appuyer sur l'image d'un pays qui a le vent en poupe. L'image de la Birmanie s'est améliorée de façon spectaculaire grâce aux réformes entreprises par le gouvernement, au pouvoir depuis le départ de la junte en mars 2011. Les touristes étrangers sont de retour, faisant littéralement exploser les capacités limités du secteur hôtelier. Red Mountain, propriété d'un homme d'affaires birman, vend d'ailleurs ses bouteilles principalement dans les escales imposées des tours-opérateurs: Rangoun, Mandalay, Bagan.
La clientèle de son concurrent Aythaya, proche de la bouillonnante capitale de l'Etat Shan, Taunggyi, est pour sa part essentiellement locale. Reste la seule vraie question: le vin est-il bon? Gastin a été "assez impressionné" par la gamme Red Mountain, surtout son Pinot Noir et son Sauvignon blanc. Même approbation chez Serge Heymoz, viticulteur suisse en visite au domaine, qui l'a trouvé "très intéressant". "Mais intéressant dans le bon sens, qu'on soit bien clair".