Le deuxième échec cinglant de Naval Group à un an d’intervalle pose la question de l’adaptation des dirigeants français à la compétition mondiale
Le deuxième échec de Naval Group à conserver un marché majeur, en moins d'un an, signifie non seulement que les leçons du premier échec - les sous-marins australiens - n'ont pas été tirés; mais, surtout, que le monde dirigeant français est, à l'immage d'Emmanuel Macron, de plus en plus perdu dans la compétition mondiale.
Le groupe espagnol Navantia vient d’obtenir un contrat pour la construction de cinq navires de combat pour la marine saoudienne.
Selon La Tribune:
“C’est une défaite commerciale majeure pour la France et Naval Group. En quatre ans, le chantier naval espagnol Navantia a réussi à sortir d’Arabie Saoudite le groupe naval français, qui était pourtant bien installé (trop ?) depuis les contrats Sawari 1 et 2. En quatre ans, Navantia va effacer 40 ans de présence française dans la marine saoudienne. Et le pire, c’est que personne ne semble avoir rien vu venir en France, selon nos informations : ni l’industriel, qui a nommé à Ryad un nouveau délégué local ne maîtrisant pas l’anglais, ni l’ambassade française, ni les services de renseignements. C’est une rengaine déjà entendue mais c’est surtout un échec sur toute la ligne des Français“.
Une sérieuse question d’adaptation de nos dirigeants – économiques mais aussi politiques et militaires à la compétition mondiale
On aurait pu penser qu’après l’affront de la perte du contrat des sous-marins australiens, la France aurait à coeur de laver l’affront; et le constructeur naval tiendrait à prouver qu’il avait été évincé malgré ses qualités.
A l’époque, le Courrier des Stratèges avait posé la question de la préparation de nos fleurons industriels aux nouvelles pratiques de la compétition mondiale. Nous nous étions posé la question, aussi, de l’absence de task force appropriée, auprès du Ministre de la Défense ou, même, du Premier ministre, pour préparer stratégiquement l’obtention des contrats et leur mise en oeuvre.
Cela veut dire que rien n’a changé; mais d’abord et surtout que rien n’a été fait pour tirer les leçons de l’échec.
Les informations données par La Tribune sont trop vagues pour prêter à un développement sérieux. En revanche, il est frappant de voir que l’auteur de l’article lui-même ne comprend pas ce qui est en jeu, quand il écrit:
“L’arrivée ce jeudi de Marie-Laure Bourgeois à la tête des équipes commerciales (France et export) doit redynamiser toute la politique commerciale de Naval Group au regard de sa longue expérience à l’international chez Thales”.
Une personne seule ne peut pas faire des miracles. La France n’a pas besoin d’individualités brillantes. Surtout quand un simple coup d’oeil sur la page LinkedIn de Madame Bourgeois fait apparaître à la rubrique “Centres d’Intérêts” une seule et unique réponse: “Emmanuel Macron” – le concentré du dirigeant français surestiment ses capacités indivividuelles et incapable de travailler en équipe.
Je veux bien croire La Tribune, jusqu’à vérification, sur le fait que le représentant de Naval Group à Ryiad ne parlait pas anglais. Cependant dépendre d’une telle nomination signifie que la Franc e ne dispose pas d’un maillage tel que les informations manquées par l’un sont rattrapées par d’autres.
Pour le coup, La Tribune a raison d’écrire: “Cet accord est le fruit de l’enracinement espagnol en Arabie Saoudite. Après le contrat signé en 2018, Navantia a infiltré intelligemment l’écosystème institutionnel saoudien, notamment l’ancien directeur général du groupe espagnol Esteban Garcia Vilasánchez, qui dirige Sami Sea, la direction navale de la SAMI. C’est également le cas de l’ancien directeur commercial de Navantia, Gonzalo Mateo-Guerrero, qui dirige maintenant les opérations du groupe SAMI. Navantia a également créé une société commune avec la Sami pour développer le système de combat Hazem, dérivé du Catiz espagnol). Ce qui n’est pas le cas de Naval Group”.
Cependant, pour mettre la France au niveau, il faudra aller beaucoup plus loin, disposer d’un gouvernement qui soutienne et coordonne les efforts de ses industriels. Comme le font les Etats-Unis, l’Allemagne ou, visiblement, l’Espagne.
- Source : Le Courrier des Stratèges