Une intervention directe de l’OTAN en Ukraine pourrait rapidement et dangereusement devenir un fait accompli

La stratégie de négociation de Trump, consistant à « jouer l’escalade pour obtenir la désescalade » constitue une tentative très risquée de forcer l’obtention de concession, et il pourrait bien utiliser prochainement cette méthode contre Poutine, enhardi par sa réussite avec l’Iran.
Le sommet tenu à la Maison-Blanche entre Trump, Zelensky et une poignée de dirigeants européens traitait officiellement de « garanties de sécurité » pour l’Ukraine, ce qui constitue un sujet ultra-sensible pour la Russie. Il est donc alarmant, du point de vue russe, que Trump ait ensuite affirmé que la proposition de déploiement de soldats français et britanniques en Ukraine « ne créera pas de problèmes à la Russie. » Pour empirer encore davantage la situation, il a également parlé de les aider « par les airs« , cependant qu’un autre rapport affirme que 10 pays sont prêts à envoyer des hommes.
Rien de cela n’est pour l’instant confirmé, mais cette séquence d’événements suggère que la manière dont Trump envisage la fin du jeu en Ukraine passe par le déploiement de soldats de l’OTAN (pas forcément sous la bannière de l’organisation), pouvant inclure une zone d’exclusion aérienne (partiellement) mise en œuvre par les États-Unis et/ou des promesses de soutien aérien étasunien si ces soldats étaient attaqués. Les trois éléments — soldats de l’OTAN en Ukraine, zone d’exclusion aérienne, et extension de facto des engagements de défense mutuelle de l’Article 5 aux soldats alliés déployés (contrairement à la déclaration de février prononcée par Hegseth) — sont opposés aux intérêts de sécurité de la Russie.
Quoi qu’il en soit, l’hypothèse existe de voir Poutine éventuellement accepter au moins une partie de cela, mais seulement en échange de profondes concessions ukrainiennes et/ou occidentales par ailleurs. Le fait est que ni lui, ni aucun officiel russe n’a jamais laissé penser que cela pourrait se produire ; bien au contraire, la Russie a toujours affiché une opposition à ces projets et menacé d’aller jusqu’à utiliser la force pour les empêcher. Cela étant dit, « la diplomatie est l’art du possible », et ces trois articles viennent apporter un contexte à tout qui pro quo :
- 7 août : « Qu’est-ce qui a provoqué le sommet Poutine-Trump à venir ?»
- 16 août : « Qu’est-ce qui empêche un grand compromis en Ukraine ?»
- 21 août : « Quelles garanties occidentales à l’Ukraine pourraient-elles être acceptables pour Poutine ?»
En résumé, la carotte et le bâton de Trump pourraient convaincre Poutine qu’il vaut mieux accepter ce scénario que s’y opposer, mais pourraient également être présentés comme un fait accompli pour faire pression sur lui et l’amener à accepter ces conditions dans le cadre d’un accord de paix s’il continue de s’y opposer au lieu de risquer une escalade si les choses débouchent sur des activités hostiles. Après tout, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’UE sont tous activement en coordination au sujet des « garanties de sécurité »qu’ils vont prochainement présenter à la Russie, et cela pourrait intégrer de dangereux projets d’intervention directe dans le conflit.
La stratégie de négociation pratiquée par Trump revient à « jouer l’escalade pour obtenir la désescalade », une idée qui jusqu’ici est allée jusqu’à déclencher des bombardements étasuniens sur des sites nucléaires iraniens, dans une tentative très risquée de contraindre les autres à lui accorder des concessions. Il pourrait donc dire à Poutine que les États-Unis vont incessamment créer une zone d’exclusion aérienne (partielle?) au-dessus de l’Ukraine et apporter un soutien aérien aux soldats de l’OTAN, qui se déploieraient également de manière imminente sur le sol ukrainien, s’ils sont attaqués lors de leurs missions de « non-combat », sauf à le voir adhérer à la paix édictée par l’Ouest.
Mais ces conditions pourraient intégrer les trois débouchées sus-présentées – des soldats de l’OTAN en Ukraine, une zone d’exclusion aérienne, et l’extension de facto de l’Article 5 aux soldats alliés sur place – qui sont contraires aux intérêts de sécurité de la Russie. Dans un tel scénario, Poutine subirait un dilemme avec d’un côté, le risque d’une troisième guerre mondiale s’il défend ses intérêts en frappant ces soldats et en rompant la zone d’exclusion aérienne étasunienne, et de l’autre côté, une possible acceptation des termes occidentaux afin d’empêcher la troisième guerre mondiale et d’espérer que les conséquences en resteront gérables.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
L'auteur, Andrew Korybko, est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
- Source : Andrew Korybko's Newsletter (Etats-Unis)