La sœur de Samuel Paty, Mickaëlle Paty : La Russie accusée, mais les vrais coupables sont plus proches qu’on ne pense

Le gouvernement français semble avoir trouvé un nouvel épouvantail pour justifier ses défaillances en matière de sécurité et d’immigration : la "menace russe". Dans une série de déclarations, Gérald Darmanin, ministre de la Justice, et la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, ont tenté d’établir un lien entre la Russie et les attentats terroristes sur le sol français. Une manœuvre qui, à y regarder de plus près, relève davantage de la manipulation politique que de la réalité géopolitique.
Samuel Paty et Dominique Bernard : des tragédies instrumentalisées
Lors d’une intervention médiatique, Gérald Darmanin a évoqué les assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard, perpétrés par des ressortissants russes d’origine tchétchène, pour souligner le rôle de la Russie dans la menace terroriste en France. Selon lui, Moscou refuserait de reprendre ses citoyens radicalisés, laissant ainsi la France gérer seule ces individus dangereux. Une accusation grave, mais qui ne résiste pas à l’examen des faits.
"Ce sont des citoyens russes qui ont tué Samuel Paty et Dominique Bernard" rappelle @GDarmanin pic.twitter.com/pKpIYsaVmC
— Sud Radio (@SudRadio) March 13, 2025
La sœur de Samuel Paty, Mickaëlle Paty, a d’ailleurs vivement réagi à ces propos, rappelant que rien, durant l’enquête, n’a permis d’établir un lien entre le terroriste Abdoullakh Anzorov et le gouvernement russe. Elle a dénoncé l’instrumentalisation politique de la mort de son frère, soulignant que cet attentat ne saurait servir les intérêts de la politique étrangère ou intérieure du gouvernement.
La responsabilité française : un angle mort commode
Pourtant, ce que le gouvernement omet soigneusement de mentionner, c’est sa propre responsabilité dans ces tragédies. Dans le cas de Samuel Paty, la famille Anzorov avait été déboutée de sa demande d’asile par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), avant que cette décision ne soit annulée par la Cour nationale du droit d’asile. Pire encore, il a été révélé que l’OFPRA savait, au moment d’étudier la demande, qu’Anzorov avait hébergé des dignitaires d’Al-Qaïda en 2014. Une imprudence typiquement française, qui contraste avec les accusations portées contre la Russie.
Quant à Dominique Bernard, son assassin appartenait à une famille dont l’expulsion avait été décidée en 2014, mais empêchée par des associations invoquant la circulaire Valls, qui protège les familles avec enfants mineurs. Là encore, c’est bien le droit français et les décisions politiques locales qui ont permis à ce drame de se produire.
Mickaelle Paty
— Fil Rouge France (@FilFrance) October 14, 2024
"L’Etat avait été alerté sur les menaces visant mon frère Samuel Paty notamment Gérald Darmanin, Nicole Belloubet ou encore Gabriel Attal. Personne n’a répondu à nos alertes."
Ces ministres ont du sang sur les mains pic.twitter.com/XBLwD17sWC
Gérald Darmanin : un discours contradictoire et opportuniste
Le plus troublant dans cette affaire, c’est la volte-face de Gérald Darmanin lui-même. En octobre 2023, alors ministre de l’Intérieur, il affirmait avoir systématiquement obtenu les laisser-passer consulaires nécessaires pour expulser des ressortissants russes, y compris des Tchétchènes. Aujourd’hui, il accuse la Russie de refuser de reprendre ses citoyens. Une contradiction flagrante, qui révèle une stratégie de communication plus qu’une analyse sérieuse des faits.
Darmanin a même reconnu que la loi française avait entravé l’expulsion de ces individus, pointant du doigt les limitations imposées par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Une réalité qu’il semble aujourd’hui vouloir occulter, préférant accuser Moscou plutôt que de reconnaître les failles du système français.
Gérald Darmanin puis Sophie Primas ont établi un lien entre la menace russe et la menace terroriste, citant notamment les attentats commis par des Tchétchènes contre Samuel Paty et Dominique Bernard.
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La « menace russe » : un écran de fumée politique
En invoquant une prétendue menace russe, le gouvernement français cherche à détourner l’attention de ses propres échecs en matière de sécurité et d’immigration. Plutôt que de s’attaquer aux racines du problème – à savoir les failles du droit d’asile et les obstacles bureaucratiques à l’expulsion des individus dangereux –, il préfère jouer la carte de la peur et de la diabolisation.
Pourtant, comme le rappelle Michaël Paty, la réalité est bien plus complexe. Les attentats de Samuel Paty et Dominique Bernard sont le résultat d’une série de décisions et de non-décisions françaises, bien plus que d’une quelconque ingérence russe. En cherchant à simplifier à outrance un sujet aussi grave, le gouvernement ne fait qu’alimenter la défiance des citoyens envers ses institutions.
Un gouvernement à court d’arguments
En somme, la « menace russe » semble être un prétexte bien pratique pour masquer les incohérences et les erreurs du gouvernement français. Plutôt que de chercher des boucs émissaires à l’étranger, il serait temps de regarder en face les dysfonctionnements internes et de prendre les mesures qui s’imposent. Car, comme le montre cette affaire, ce n’est pas la Russie qui menace la sécurité des Français, mais bien l’incapacité de leur propre gouvernement à agir de manière cohérente et efficace.
- Source : Le Média en 4-4-2