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Des médias détenus par de riches propriétaires sont restés silencieux sur le scandale OpenLux

Auteur : Raphaël Pradeau | Editeur : Walt | Vendredi, 05 Mars 2021 - 14h18

L’enquête internationale OpenLux met une nouvelle fois en lumière l’évasion fiscale pratiquée de manière systématique par les ultra-riches et les multinationales. Elle apporte un éclairage nouveau sur le capitalisme français, dont les fleurons sont massivement présents au Luxembourg, pointe Raphaël Pradeau de l’association Attac.

Tout d’abord, ce scandale vient rappeler que le Luxembourg est un paradis fiscal de proximité, frontalier de la France et qu’il est nécessaire de se défaire du cliché représentant les paradis fiscaux comme de lointaines îles paradisiaques avec leurs plages et leurs palmiers. Le Luxembourg, mais aussi la City de Londres, Jersey, Monaco ou la Suisse, sont à nos portes.

Le silence des médias français détenus par des milliardaires épinglés dans le scandale OpenLux

OpenLux nous apprend également que 37 des 50 familles françaises les plus fortunées ont un compte offshore au Luxembourg. Cela reflète le caractère systématique de l’évasion fiscale pratiquée par les plus riches, le Luxembourg n’étant qu’un des nombreux paradis fiscaux existant.

Pourtant, alors que Le Monde a publié des articles toute la semaine sur ce nouveau scandale, la plupart des médias français sont restés silencieux sur cette affaire. Comment expliquer cet « oubli » ?

On comprend mieux pourquoi TF1, BFM, Le Parisien, Le Figaro ou Le Point n’ont pas couvert davantage le scandale OpenLux quand on sait que leurs riches propriétaires (respectivement Bouygues, Drahi, Arnault, Dassault et Pinault) y sont tous épinglés car ils détiennent des sociétés offshore au Luxembourg pour échapper à l’impôt [1].

Quel formidable paradoxe de voir des milliardaires utiliser leurs médias pour demander à réduire les dépenses publiques... tout en pratiquant l’évasion fiscale et en recevant des millions d’euros d’aides publiques de soutien à la presse ! On comprend dès lors pourquoi ces médias sont plus prompts à inviter Agnès Verdier-Molinié de l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) pour venir nous expliquer qu’il est urgent de réduire la dette publique, plutôt que des représentants d’Attac pour expliquer qu’il faut faire payer aux riches leur juste part d’impôt et lutter contre l’évasion fiscale !

Il est ainsi cocasse de voir l’inénarrable Alain Duhamel pérorer sur BFM TV que « la France n’aime pas les riches » en omettant de préciser qu’il s’exprime dans un média détenu par un milliardaire épinglé parce qu’il possède des comptes offshore au Luxembourg pour échapper à l’impôt.

En revanche on peut saluer le travail du Monde, qui n’a pas hésité à publier une enquête sur la présence au Luxembourg de son actionnaire Xavier Niel [2].

Les entreprises du CAC 40 biberonnées d’aides publiques présentes massivement au Luxembourg

Engie, Sanofi, Total, Dassault, Renault, Vivendi, Danone... Ces entreprises du CAC 40 ont reçu des aides publiques massives pendant la crise, comme l’a montré le rapport Allô Bercy [3]. Pourtant OpenLux montre qu’elles possèdent toutes des filiales au Luxembourg pour y pratiquer l’évasion fiscale ! [4]

Alors qu’Attac et de nombreuses organisations critiquaient des aides versées sans aucune contrepartie sociale, fiscale ou environnementale, on se souvient que Bruno Le Maire avait promis le 23 avril 2020 que les entreprises ayant leur siège ou des filiales dans les paradis fiscaux ne pourraient pas avoir droit à des aides publiques.

Dès ce jour, les organisations de la plateforme Paradis fiscaux et judiciaires dénonçaient un « effet d’annonce » et mettaient en garde : « Si le principe de refuser tout soutien public à des entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale est fondamental, le dispositif défendu par le ministre devrait rester symbolique puisqu’il s’appuie sur une liste de paradis fiscaux quasiment vide, dans laquelle ne figure aucun paradis fiscal européen ».

OpenLux vient confirmer cette analyse : Le Monde a calculé que 29 des 37 groupes du CAC 40 ayant leur siège en France étaient aussi présents au Luxembourg, par le biais d’au moins 166 filiales, la plupart ne correspondant à aucune activité commerciale. Mais cela n’a pas empêché ces entreprises de bénéficier du chômage partiel ou de plans de soutien sectoriels puisque, pour la France comme pour l’Union européenne, le Luxembourg n’est pas un paradis fiscal ! CQFD.

Résumons : les plus riches français, qui sont les grands gagnants de la politique fiscale menée depuis le début du quinquennat (suppression de l’ISF, flat tax...), sont les principaux actionnaires d’entreprises qui ont profité d’aides publiques massives (CICE, CIR, chômage partiel, plans de soutien) et de la baisse des impôts de production et de l’impôt sur les sociétés. Mais cela ne les empêche pas de multiplier les comptes au Luxembourg afin d’éviter l’impôt ! Il n’est donc pas étonnant que les médias français, détenus par les mêmes milliardaires, aient aussi peu évoqué le scandale OpenLux. Tâchons de nous en souvenir quand les mêmes médias viendront claironner qu’il est inéluctable de réformer les retraites pour faire des économies, qu’il est urgent de réduire les dépenses publiques afin de réduire la dette publique ou qu’il n’est pas possible de rétablir la justice fiscale en faisant payer aux riches et aux multinationales leur juste part d’impôt !

L'auteur, Raphaël Pradeau, est professeur de sciences économiques et sociales et membre du conseil d’administration d’Attac France.

Notes:

[1] Voir l’enquête du Monde.

[2] Voir l’article du Monde.

[3] Rapport réalisé par l’Observatoire des multinationales, partenaire de basta !.

[4] Voir l’article.


- Source : Attac France

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