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Macron et les Gilets Jaunes : la ligne de démarcation s’est installée (Vidéo)

Auteur : Karine Bechet-Golovko | Editeur : Walt | Mercredi, 19 Déc. 2018 - 22h36


La crise des Gilets Jaunes montre la rupture idéologique profonde qui traverse la France, ou plutôt cette ligne de démarcation qui s’installe entre les élites néolibérales et la société. Celles-ci estiment que le « jeu » a assez duré, le Gouvernement et le Président ont fait tout ce qui devait être fait, on doit tourner la page et chacun rentrer chez soi. Différents pièges politiques commencent à être tendus au mouvement. De leur côté, les Gilets Jaunes font des émules et la crise, profonde, s’étend aux institutions républicaines, la police et l’armée reprenant les interrogations soulevées, sans encore joindre le mouvement. Une France globalisée sans les Gilets Jaunes ou une France républicaine retournant vers sa souveraineté sans Macron, l’enjeu est bien ici. D’où l’urgence pour le pouvoir d’y mettre fin, de décrédibiliser, de dénigrer.

Dénigrer et déstabiliser ce qu’il n’est pas possible de résoudre

Dès le départ, l’on a eu l’impression que le Gouvernement faisait monter la pression, que des casseurs envahissaient au bon moment les manifestations, qu’ils développaient une violence inouïe et que les forces de l’ordre réagissaient de manière étonnante.

L’intervention anonyme d’un CRS confirme les ordres donnés, l’envoi de casseurs et la volonté de focaliser l’attention sur la violence. Aux frais des forces de l’ordre elles-mêmes. Et des Gilets Jaunes. Afin de décrédibiliser le mouvement.

L’usage déséquilibré de la force a sauté aux yeux, même lors de la dernière manifestation, qui n’était pourtant pas particulièrement violente.

Même la très politiquement correcte Amnesty International trouve que les autorités françaises vont trop loin dans l’utilisation de la force et vient de sortir un rapport accablant.

Dans le même temps, tout est fait pour donner l’impression que le mouvement est en perte de vitesse. Des gens sortis des trains allant vers Paris, ayant pourtant leur titre de transport, des bus bloqués et fouillés (voire renvoyés), des voitures aussi. L’on a vu tourner le chiffre de 40 000 personnes ainsi empêchées d’arriver dans le centre de Paris. Sans compter ceux obligés d’enlever leur gilet jaune.

Presque autant de policiers que de manifestants officiels, si l’on frise depuis longtemps le ridicule, maintenant l’on se rapproche de la Corée du Nord.

Pas de remise en cause du cap idéologique

Il faut écraser, car il est impossible de céder. Question de principe. Le pouvoir a clairement expliqué qu’il a déjà fait tout ce qu’il pouvait et basta. Pas de remise en cause de la politique migratoire, pas de remise en cause de la politique fiscale en général, pas de restauration de l’Etat et de ses services publics.

Pour le président de l’Assemblée nationale, « le combat est fini ». Il faut discuter, pendant que les CRS doivent vider par la force les ronds-points. Pour Castaner, « Ca suffit! ». Tous appellent à la sacrosainte liberté de circulation. Mot d’ordre d’une société post-moderne, dont le mouvement perpétuel est la règle, tout autant que le commerce. Là étant la substantifique moelle de la démocratie néolibérale, que les Gilets Jaunes ne comprennent pas, n’étant pas suffisamment intelligents ni subtiles.

Eux, ont une autre vision de la démocratie, manifestement trop éloignée du néolibéralisme, qui comprend l’implication du peuple dans la prise de décision, de l’intérêt national dans les choix de société. Ils demandent ainsi l’introduction dans la Constitution d’un référendum d’initiative populaire afin de pouvoir proposer des réformes législatives, ils bloquent le Marché de Rungis, ou plutôt les camions étrangers pour laisser passer les français, ils demandent à Macron de revenir sur le Pacte de Marrakech.

Mais sur ces aspects, rien. Aucune réponse. Par ailleurs, de sérieuses questions se posent sur le financement des « cadeaux » fiscaux gracieusement envisagés, notamment la hausse du SMIC par la hausse de la prime d’activité ne pourra pas être financée avant mai-juin. Le Gouvernement espère donc que les entreprises s’y mettront d’elles-mêmes dès janvier …

N’oublions pas non plus les discussions qui commencent au Parlement sur une modification de la loi sur la liberté de manifestation …

Pendant ce temps, le Gouvernement entraîne les Gilets Jaunes vers des pièges politiques. La mise en place de consultations, qui permettent surtout de gagner du temps et d’essouffler le mouvement (les gens peuvent objectivement fatiguer), alors qu’il est décidé et annoncé de ne rien changer sur le fond. De la même manière, Ferrand incite les Gilets Jaunes à aller se perdre dans une participation aux élections européennes. Tout d’abord, une participation électorale demande un minimum de structure et de financement, les résultats seront donc mauvais, ce qui permettra de discréditer le mouvement. Ensuite, participer, c’est légitimer. Le mouvement des Gilets Jaunes est fondamentalement souverainiste, il ne peut donc être européaniste. L’inscrire dans le cadre de l’UE, c’est le dévoyer.

Cristallisation de la rupture

Cette manière de réagir provoque une rupture dans la société, qui passe du plan social au plan idéologique. Et contamine les organes garants de l’Etat, car c’est bien l’Etat qui est en crise.

Plusieurs syndicats de police appellent mercredi à une opération Commissariat fermé, c’est-à-dire à ne sortir que sur appel, jeudi à manifester sur les Champs-Elysées. Ils ont un arriéré de plus de 20 millions d’euros d’heures supplémentaires non payées à ce jour, leurs conditions de travail se détériorent continuellement, ils sont systématiquement critiqués par les différents ministres de l’Intérieur ou Présidents (se souvenir de Hollande dans l’affaire Théo) dès qu’ils interviennent dans des banlieues, ils ne sont pas couverts lors de leurs interventions dans les banlieues, ils ne peuvent garantir la sécurité nationale sans une réaction adéquate de la justice en aval ni des politiques en amont.

Dans l’armée aussi, la grogne gagne. Certains hauts gradés militaires critiquent les choix faits par le pouvoir, notamment en ce qui concerne la politique migratoire, parlant même de trahison. Evidemment, ils sont immédiatement accusés d’extrémisme et peuvent faire l’objet de sanctions.

Si Macron estime qu’il est temps de tourner la page, les Gilets Jaunes estiment eux aussi qu’il est temps de tourner la page … de la présidence Macron. Le départ du Président et l’organisation de nouvelles élections parlementaires, propres, reste la revendication centrale. Qui ne pourra certainement pas être satisfaite. Une guerre des nerfs se met en place, la police tente de vider le territoire des Gilets Jaunes, mais ils ne sont pas attachés à un endroit particulier.

D’une manière générale, les Gilets Jaunes ont déjà remporté une victoire: Jupiter est violemment retombé sur terre, il n’y aura pas de second mandat et les réformes à venir ne pourront plus être aussi radicales qu’envisagées.

A suivre …


- Source : Russie politics

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