L’Agence brésilienne de protection de l’environnement a formellement refusé à Total la licence que l’entreprise sollicitait pour prospecter du pétrole au large de l’Amazonie. Ce n’est pas une surprise dans la mesure où elle avait signifié plusieurs fois au groupe français que ses plans de gestion des risques environnementaux étaient insuffisants. Dans la zone que veut forer Total se trouve en effet un récif de corail nouvellement découvert, qui abrite une précieuse biodiversité. Autre risque mis en en avant par les régulateurs brésiliens : celui d’une marée noire qui atteindrait les côtes de l’Amazonie. Pour Greenpeace, qui mène campagne depuis deux ans contre ces projets de Total, c’est une « victoire historique ».
La décision du Brésil intervient quelques semaines avant l’investiture officielle de Jair Bolsonaro. Le nouveau président d’extrême-droite n’a pas caché son souhait de faire table rase de toutes les réglementations protégeant l’environnement et les peuples indigènes, pour laisser la voie grande ouverte à l’industrie et à l’agrobusiness en Amazonie.
Entre le Brésil et la France, qui ose dire non aux multinationales ?
Le refus du Brésil à Total contraste aussi fortement avec l’attitude des autorités françaises, qui ont accordé il y a quelques semaines au groupe pétrolier une licence pour procéder à des forages offshore un tout petit peu plus au Nord, au large de la Guyane. Et ce bien que la France ait officiellement voté la fin de l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire (y compris d’outre-mer) d’ici 2040… L’autorisation a été accordée par le préfet de Guyane aux termes d’une enquête publique marquée par une très large majorité d’avis négatifs sur le projet, et sans organisation d’un débat public formel alors que toutes les conditions légales étaient remplies. Les commissaires-enquêteurs avaient même signalé leur manque d’expertise pour évaluer les réponses apportées par Total sur les risques environnementaux. Peut-être auraient-ils dû s’adresser aux experts brésiliens…
Le gouvernement français avait justifié cette autorisation en affirmant qu’il était « légalement impossible » de refuser la demande de Total. En réalité, il aurait été tout à fait possible de refuser son permis à Total au vu des risques environnementaux, avec à la clé un possible recours judiciaire, sans grand risque, de la part du groupe pétrolier. Le gouvernement français s’est déclaré perdant avant même d’avoir mené cette bataille. Tout comme il l’avait fait lors de l’examen de la loi Hulot sur la fin des hydrocarbures (lire nos enquêtes ici et là), et tout comme il l’avait fait en 2012 en forçant à la démission la toute nouvelle ministre de l’Environnement Nicole Bricq parce qu’elle avait osé remettre en cause les permis de forage pétrolier au large de la Guyane.