Sanctions anti-Russes ? Et l’économie stupide andouille !
Le Département du commerce des États-Unis a imposé des restrictions à 12 sociétés russes « agissant à l’encontre de leurs intérêts de sécurité nationale ou de politique étrangère. » La notification a été publiée dans le Federal Register. Les sociétés étasuniennes n’ont plus le droit d’exporter leur production vers les entreprises sanctionnées.
En jetant un coup œil de près à la liste, on s’étonne. Les entreprises sanctionnées n’ont rien à voir avec la production de défense et aucun lien avec le ministère de la Défense de Russie. Aucune n’a signé de contrat avec l’armée. AeroComposite, filiale de l’entreprise russe United Aircraft Corporation, produit des ailes pour l’avion de ligne civil MC-21, Aviadvigatel, qui produit des moteurs pour l’aviation militaire, n’a ni technologie ni expérience pour s’impliquer dans des projets de défense, Divetechnoservice produit du matériel civil de plongée, Nilco Group travaille dans les secteurs céréalier, pétrolier, de l’acier, du bois, des services portuaires, du papier, des pièces électroniques et du ciment.
Ce ne sont pas les militaires que les États-Unis visent en ce moment. La véritable cible est l’aviation civile russe, qui est en plein essor. Il suffit de rappeler que, dès qu’Aeroflot Company a annoncé son intention d’acquérir 100 avions de ligne Superjet SSJ-100 au lieu de Boeings, le Trésor étasunien a dit envisager la possibilité d’introduire des sanctions contre la compagnie russe Sukhoi, parce que ses avions auraient prétendument servi dans des attaques chimiques syriennes.
L’examen en détail de la liste d’interdictions montre que les États-Unis sanctionnent ceux qui participent à la production de l’avion de ligne civils Irkut MC-21. Aviadvigatel fournira des moteurs PD-14 et PD-35, qui sont inadaptés pour les avions de l’armée. AeroComposite, producteur de matériaux composites, est responsable de la mise au point et de la création d’ailes composites pour cet avion. Le MC-21 sera le premier avion de ligne au monde avec une capacité de plus de 130 passagers, à avoir des ailes en matériaux composites. La part estimée des composites dans la conception globale est de 40%. Jusqu’à présent, la société a produit des pièces composites uniquement pour l’avion MC-21.
Certes, la part des composants produits en Russie augmente. La Russie appartient au club des élus. Il y a peu de moteurs d’aviation et d’ailes en matériaux composites dans le monde. Les États-Unis ne veulent pas de concurrents. Leur façon de résoudre le problème consiste à mener la guerre de sanctions en prétendant repousser des menaces imaginaires contre la sécurité nationale, au lieu de se comporter en concurrents loyaux.
Les États-Unis frappent sous la ceinture. La Russie achète certains composants de voilure noire du MC-21 à l’étranger. La voilure noire est un savoir-faire particulier révolutionnaire, qui vise à améliorer radicalement les performances des nouveaux avions et à les rendre attractifs pour la clientèle étrangère. La technique d’infusion sous vide utilisée pour la production en série, est une avancée majeure. L’Irkut est le seul avion au monde qui combine une voilure composite avec un habitacle étroit. De nos jours, seuls les gros porteurs ont des ailes composites.
Les matériaux composites fabriqués en Russie allègent les avions, et ils sont par conséquent meilleur marché. La fibre de carbone et les liants peuvent poser problème si des sanctions sont instaurées. Le Département du commerce étasunien sait où frapper.
Les moteurs sont aussi un problème. Jusqu’à présent, les MC-21 avaient des moteurs Pratt & Whitney. Le PD-14, premier nouveau moteur construit en Russie depuis la débâcle de l’Union soviétique, est prêt à les remplacer. Il est fabriqué à 100% en Russie. Les tests et la production de série du PD-14 devraient commencer cette année. Avec le PD-14 opérationnel, le MC-21 aura un avantage sur ses concurrents, l’A320 et le Boeing-737.
L’avionique est le secteur à la traîne en Russie. Les progrès sont là, mais c’est toujours un point faible. La production de l’avion dépend de Rockwell Collins. Honeywell, UTC Aerospace Systems, Goodrich Corporation, Hamilton Sundstrand, Eaton, French Thales, British Meggitt, Swedish CTT System et Israeli Elbit, toutes ces sociétés exportent des composants pour le nouvel avion de ligne russe.
Il est impossible de remplacer toutes les pièces importées d’un seul coup. La production de tout l’équipement nécessaire en Russie demandera du temps et du travail. Du même coup, cela pourrait fortement stimuler l’industrie aéronautique russe. Certains composants pourraient être achetés dans d’autres pays, comme la Chine, pour donner à l’industrie le temps de relever le défi. Le pire serait deux ans de retard dans la production de masse du MC-21. Ce serait triste, mais la Russie pourrait vivre avec.
Autre conséquence, les sanctions en vigueur peuvent effrayer les clients. C’est ce qui est principalement recherché par les États-Unis. Leur message est : « N’achetez pas du russe, même des produits civils, soyez du côté sûr. » Sans demande sur le marché mondial, le projet pourrait ne pas survivre. C’est leur façon d’étouffer dans l’œuf la concurrence russe.
Les sanctions impacteront aussi négativement la construction d’un avion de ligne gros porteur russo-chinois. Aviadvigatel développe un nouveau moteur spécifiquement pour cet avion. Son PD-35 n’aura aucun équivalent dans le monde. Ce projet est le premier et le seul défi au monopole de Boeing et Airbus. La Russie est le seul concurrent ayant sa propre expérience. L’Union soviétique avait construit l’Il-96, un avion de ligne long-courrier gros porteur à quatre moteurs conçu par Ilyushin. C’est pourquoi la Chine se joint à la Russie pour ce travail, elle a besoin de son expertise. La dernière chose que veulent les États-Unis, c’est de voir ce projet réussir. Ils font l’éloge du marché libre tant que leur monopole est préservé. Dès qu’apparaissent des concurrents, ils laissent tomber leurs principes et prennent des mesures protectionnistes. Les accords internationaux et les règles de l’OMC sont aussitôt oubliés. Le progrès technologique de la Russie se retrouve avec des mesures punitives.
Oubliez la Crimée, l’Ukraine, la Syrie, l’empoisonnement des Skripal et les autres trucs dont n’a pas parlé le président Trump dans son discours du 27 septembre au Conseil de sécurité. Les États-Unis font pression pour éliminer leurs concurrents et tout espoir de concurrence loyale. Washington protège Boeing en forçant la main de ses concurrents. Le 24 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Union européenne, la Russie, la Chine et l’Iran se sont rencontrés pour se mettre d’accord sur l’adoption d’une solution spéciale pour contourner les sanctions imposées à l’Iran. C’est la première très importante étape visant à se défendre contre les attaques étasuniennes. L’UE, la Russie, la Chine et d’autres pays sont confrontés à la même menace. Ils peuvent s’unir et respecter leurs propres règles tout en créant leurs propres marchés, à l’abri des pressions étasuniennes, avec pour principe élémentaire la loyauté concurrentielle. Si les États-Unis veulent s’isoler, laissons-les. S’ils sont libres de choisir leur destin, les autres le sont aussi. Il est temps que le truand autoritaire apprenne la leçon.
Traduction Petrus Lombard
- Source : Strategic Culture Foundation (Russie)