La nouvelle théorie de la « menace chinoise » promue par les élites occidentales
En se retirant dès le début de son mandat de l’Accord de partenariat transpacifique, le président Trump a mis fin à la guerre économique avec la Chine. En retour celle-ci a diminué ses droits de douane, non seulement pour les produits US, mais pour toutes ses importations. Ce rapprochement entre Washington et Pékin est sans conteste l’événement économique le plus important de l’année de 2017. Il reste malheureusement incompris en Occident.
Cela fait quarante ans que le monde observe de près l’évolution de la Chine d’un œil teinté à la fois d’idolâtrie et d’appréhension. Le mois dernier, les principaux journaux occidentaux, notamment le Time états-unien, Le Monde français et le magazine allemand Der Spiegel, ont imprimé leurs gros titres en caractères chinois ou en pinyin, annonçant au monde entier : « La Chine : grand vainqueur » ; « La montée en puissance de la Chine » ; et « La Chine : l’éveil d’un géant ».
Der Spiegel a choisi « xing lai » (éveil en français) comme gros titre faisant écho à son article « la Chine : l’éveil d’un géant ». D’une part, il constate l’éveil du géant chinois et assimile la visite du président US Donald Trump à un acte d’allégeance, voire même à un passage de témoin pour le statut de première puissance mondiale.
D’autre part, Der Spiegel exhorte l’Occident au réveil immédiat et à faire bloc face à l’ascension chinoise. Le magazine allemand reconnaît à la Chine des avancées conséquentes dans plusieurs domaines. Cependant, ces avancées sont perçues comme une menace pour le monde occidental, faisant écho à la tristement célèbre théorie du « péril jaune » ou de la « menace chinoise ».
À l’époque où les médias occidentaux avaient utilisé cette « théorie » comme outil de propagande, ils ne pensaient pas que l’ascension chinoise serait aussi fulgurante. Ils sont aujourd’hui face à une Chine d’une puissance inégalée qui surpasse le monde occidental sur de nombreux points, notamment sur les plans économique, politique, technologique et culturel. Pour Der Spiegel, la Chine et l’Occident sont voués à un éternel conflit.
Lorsqu’elles essaient d’anticiper l’évolution de la Chine, certaines élites occidentales oscillent entre la théorie de « l’effondrement chinois » et celle de la « menace chinoise » ; ce qui amène Lester Brown, président du Earth Policy Institute, à poser, en 1995, la question suivante : « Qui va nourrir la Chine ? » , affirmant que la hausse de la demande chinoise ne fera qu’aggraver la pénurie alimentaire à l’échelle mondiale. La réalité est que la Chine nourrit, non seulement son immense population, mais le monde entier avec une contribution de plus de 30 % à la croissance économique actuelle.
Il fut un temps où ces élites se demandaient ce qui pourrait bien sauver la Chine et son économie « bancale ». Elles n’hésitaient pas à affirmer que la Chine ne pourrait devenir une grande puissance qu’à condition qu’elle prenne exemple sur le système politique occidental. Il s’est avéré depuis que quasiment aucun des pays qui ont entrepris les réformes insufflées par les élites occidentales n’ont pu se développer correctement. Ces derniers ont parfois même régressé, voire sont au bord de l‘effondrement. Même l’Occident a fini par réaliser que non seulement son système est incapable de sauver la Chine, mais qu’il était lui-même sujet à caution.
L’Occident ne voit pas d’un bon œil la Chine poursuivre son ascension à ce rythme. Ainsi, la voix de « qui va s’opposer à la Chine ? » se fait de plus en plus entendre au sein des médias occidentaux. Tous les espoirs se tournent vers les États-Unis et son président.
Cependant, Trump et son slogan « L’Amérique d’abord » ne semblent pas porter d’intérêt à l’idéologie des élites occidentales. Ainsi, ces dernières, frustrées, font de lui le président qui va se prosterner devant la Chine pour obtenir ses faveurs.
Dans le but de rallier Trump à leurs causes, ces élites affirment que le développement et la puissance de la Chine représentent un danger pour les États-Unis à travers la promotion d’une mouture toujours plus alarmiste de la théorie de la « menace chinoise ».
Il n’est pas étonnant que l’Occident ait tant de mal à comprendre la Chine dans la mesure où ces deux mondes ne partagent pas du tout les mêmes valeurs, les élites occidentales qui méprisent la culture chinoise feraient mieux d’aller chercher chez leurs aïeux un soupçon de sagesse.
L’empereur Napoléon Bonaparte aurait un jour prédit l’éveil de la Chine et sommé les émissaires Anglais de ne pas envahir ce pays mais plutôt de rechercher un accord bénéfique pour les deux parties. L’ancien chancelier allemand, Helmut Schmidt, a aussi rappelé que l’Occident n’avait pas à reprocher à la Chine d’avoir un fonctionnement différent. Il devrait plutôt faire preuve de respect envers cette civilisation millénaire et ses réformes et son développement récents ; et cesser de se méprendre sur son compte.
Cette erreur de jugement sur la Chine conduit l’Occident à une impasse idéologique. Au lieu de tirer des leçons du programme de développement et des réformes chinois, les élites occidentales ont un état d’esprit belliqueux, cherchant à entraver le développement de la Chine. Cela peut la freiner momentanément, mais ne peut affecter à long terme la direction générale de son développement.
La nouvelle version de la « théorie de la menace chinoise » vise à semer le trouble et à provoquer une escalade des tensions entre la Chine et les États-Unis. Si ce complot arrive à ses fins, le monde sera plongé dans le chaos. La Chine ne doit pas prêter l’oreille à toutes ces « théories ». Son développement est d’une importance primordiale.
L'auteur, Jiang Feng, est Président du Conseil de l’Université des études internationales de Shanghai.
Traduction: Jean-Marc Chicot
- Source : Global Times (Chine)