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La banque Rothschild condamnée pour manquement dans la lutte contre le financement du terrorisme

Auteur : Pierre Sorlut | Editeur : Walt | Mercredi, 28 Juin 2017 - 09h29

Le gendarme financier luxembourgeois a annoncé jeudi avoir frappé au portefeuille l'une des plus emblématiques banques privées de la place. La Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) a infligé une amende record à la filiale luxembourgeoise du groupe Edmond de Rothschild. Edmond de Rothschild (Europe), c'est son intitulé officiel, doit payer 8.985.000 euros pour avoir manqué à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

Les communiqués diffusés jeudi par les établissements concernés ne mentionnent pas le scandale 1MDB, du nom du fonds souverain malaisien, qui avait fait sortir la banque privée de la discrétion dans laquelle elle se complaisait. On retrouve cependant trace de l'affaire dans son rapport annuel publié en juin. «Au cours de l'exercice 2016, le nom d'Edmond de Rothschild (Europe) a été cité en relation avec une possible fraude au sein du fonds 1MDB», est-il noté dans la documentation officielle où les «autres charges d'exploitation» liées au «litige» s'avèrent extrêmement élevées. 21,177 millions d'euros en 2016 contre 10,639 millions en 2015.

En avril de l'année dernière, le grand public découvrait la banque luxembourgeoise dans le cadre d'une enquête menée par les journalistes français de Cash Investigation. Son ancien directeur général, Marc Ambroisien, était ciblé par les journalistes pour avoir prétendument sciemment accueilli de l'argent à l'origine douteuse, supposément détourné du fonds 1MDB. 

Entre 2012 et 2013, 473 millions de dollars ont atterri sur un compte ouvert au bénéfice de l'ancien directeur du fonds souverain d'Abou Dhabi IPIC, Khadem Al Qubaisi. Le haut fonctionnaire émirati est soupçonné dans plusieurs pays (Suisse, Etats-Unis, Singapour et Luxembourg) d'avoir participé au détournement de 1,4 milliard de dollars au détriment du fonds souverain malaisien 1MDB (pour 1Malaysia Development Berhad) et de celui dont il était responsable, IPIC. Dans une plainte déposée en juillet 2016, le ministère américain de la justice (DoJ) a identifié et saisi plusieurs prestigieux biens immobiliers dont l'acquisition est passée par Luxembourg.

90 enquêteurs pour une perquisition hors normes

La justice luxembourgeoise avait lancé son enquête contre X le 1er avril suite à des «révélations sur des détournements allégués au préjudice de  «Malaysia Development Berhad». Une procédure pénale avait été ouverte pour «blanchiment de fonds susceptibles d'émaner du détournement de deniers publics». Celle-ci est toujours en cours, communiquait sobrement le parquet ce jeudi. L'instruction a notamment mené le 29 juin pas moins de 90 enquêteurs dans les locaux de la banque Edmond de Rothschild à Luxembourg. Une perquisition hors normes pour un détournement évalué à 4 milliards de dollars auquel le Premier ministre malaisien, Najib Razak, aurait lui-même participé, selon la justice américaine. La sanction prononcée cette semaine par la CSSF se cantonne au seul volet administratif. Elle punit la banque pour ne pas avoir mis en place «un solide dispositif de gouvernance interne couvrant la politique de conformité», indique le régulateur.

Rencontré par le «Luxemburger Wort» en septembre dernier, l'ancien directeur de la banque avait refusé d'endosser seul la responsabilité. Pour le banquier thionvillois, la banque avait failli à détecter l'illégalité soupçonnée des fonds lors des nombreux contrôles consécutifs à la mise en relation avec «KAQ» opérée en 2010. Or les prestigieux clients, désignés par l'acronyme «PEP» (pour politically exposed persons) bénéficient normalement d'un «marquage au corps» dans les différents comités spécialisés des banques. Une absence que la CSSF reproche aujourd'hui à la banque. 

Clémence contre bonne volonté

Celle-ci dit avoir pris le taureau par les cornes et fait table rase de ses anciennes pratiques. Le régulateur en prend acte. «La banque a procédé dès juin 2016 à un renforcement et à un changement substantiel de ses équipes dirigeantes (...). Ces initiatives positives ont été prises en compte par la CSSF au niveau de la détermination du montant de l'amende», fait savoir l'institution de contrôle. François Pauly, ancien président de la BIL à la respectabilité affirmée sur la place, était notamment apparu à la vice-présidence de la banque suite à un conseil d'administration organisé le 20 juillet.

Marc Ambroisien avait quitté la banque depuis 2015, sous un concert de louanges de la patronne du groupe bancaire suisse, Ariane de Rothschild. Ses remplaçants à la tête de l'entité luxembourgeoise ainsi que sa responsable conformité ont sauté au cours de l'été 2016. La CSSF ne mentionne toutefois pas de sanction à leur encontre. Pas plus qu'elle n'en prononce à l'égard de la baronne de Rothschild, présidente du conseil d'administration de la filiale luxembourgeoise en 2015 et 2016.

De manière prémonitoire, elle avait été jugée «intouchable» par un de ses proches dans le reportage de Cash investigation. Pour s'en assurer, elle avait quand même quitté l'instance au coeur de l'été. La CSSF rappelle pourtant qu'il revient à la direction d'établir la politique de conformité et au conseil d'administration de régulièrement superviser la mise en oeuvre de la gestion du risque de conformité. 

Une amende record

L'amende prononcée contre Edmond de Rothschild (Europe) s'avère la plus importante jamais prononcée par la CSSF à l'encontre de l'une de ses ouailles. Jusqu'à cette année et la sanction de presque 4 millions d'euros adressée en mars à la banque chinoise ICBC, les pénalités s'échelonnaient entre 1.500 et 100.000 euros. Doté d'une nouvelle loi prenant pour base le chiffre d'affaires afin d'établir le montant de la sanction, le Luxembourg frappe de la même manière que les autres juridictions. En novembre 2015, la justice américaine avait respectivement réclamé 19 et 10 millions de dollars à KBL et la BIL. En décembre dernier, BCEE a dû verser 14 millions d'euros aux autorités allemandes.


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