Une voie ferrée pour un cheval de Troie
La France s’apprête à piloter la mise aux normes européennes du réseau ferroviaire ukrainien, mais quel type de wagon se cache derrière cette locomotive apparemment commerciale et inoffensive ?
Apparu au début du XIXIème siècle le train va révolutionner les transports humains pour de longues décennies et reste toujours aujourd’hui un vecteur logistique majeur pour les activités de déplacement humain, le transit économique mais aussi la logistique militaire.
Dans ce dernier domaine militaire, la voie ferrée lorsque son utilisation est maîtrisée, apparaît vitale car elle est un moyen sûr, contrôlable et peu coûteux permettant de déplacer rapidement des ravitaillements de combat mais aussi des unités d’assaut blindées sur de longues distances (et sans les user). Cette considération opérationnelle a d’ailleurs pesé dans le choix des écartements des voies ferrées qu’il fallait adapter aux matériels militaires à transporter.
A l’issue de la guerre de 1870, constat avait été fait en France que la défaite avait été due en partie à cause de la désorganisation du système ferroviaire qui n’avait pas permis de réaliser les déplacements stratégiques et logistiques nécessaires et vitaux pour mener une guerre moderne. Depuis la loi du 28 décembre 1888 sur le transport ferroviaire, la définition et l’organisation du réseau ferroviaire sont réalisées à l’aune des besoins militaires .
Les Etats et les empires vont alors moderniser leurs réseaux ferroviaires respectifs en les adaptant à leurs visions stratégiques territoriales, ce qui donnent des nuances entre les voies ferrées dont la principale est l’écartement des rails qui diffère entre l’Est et l’Ouest.
Les différents écartements de rails dans le monde
Ainsi nous avons donc aujourd’hui 2 principaux écartements de rails existant en Europe :
- un écartement de 1435 mm dans la plupart des pays de l’Union Européenne
- un écartement de 1520 mm pour la Russie, les pays baltes, Finlande, Belarus…
Lorsque les conflits mondiaux européens éclatent et provoquent des mouvements transeuropéens, l’incompatibilité des réseaux Est et Ouest apparaît alors cruciale aux états majors militaires qui recherchent, afin de garantir l’effet de surprise conditionnant toute stratégie offensive à contourner le ralentissement des convois freinés par la rupture de charge qu’impose ce changement de rails. Ainsi par exemple les forces allemandes, lorsqu’elles avancent vers l’Est en 1941, réajustent immédiatement l’écartement des voies ferrées des pays envahis.
Aujourd’hui dans le cadre de l’extension militaire de l’OTAN et d’une nouvelle période de tensions vives avec la Russie, cette question de la normalisation des réseaux ferroviaires des anciennes républiques socialistes soviétiques redevient importante. Même en s’approchant au maximum des frontières russes les unités d’assaut de l’OTAN doivent toujours rechercher l’effet de surprise qui est conditionné par la capacité à déployer discrètement et rapidement de grosses concentrations de forces et de logistique.
Lors des exercices de l’OTAN réalisés dans l’Ouest ukrainien les déploiements des unités d’assaut et de leur logistique ont été considérablement ralentis par cette problématique ferroviaire créant des ralentissements repérables et des concentrations vulnérables de matériels… Si demain ou après demain le pion ukrainien est joué sur l’échiquier d’une guerre contre Moscou, il faudra que les déploiements des forces et leurs cordons ombilicals logistiques soient fluides.
Bien sûr, cet objectif logistique comme tous les autres objectifs de l’OTAN ne sera jamais explicitement avoué mais il apparaîtra à la remorque de considérations d’échanges économiques et commerciaux anodins, tout comme la militarisation de l’Ukraine s’est embarquée il y a 3 ans dans le cheval de Troie de l’Union Européenne…
Voilà pourquoi une stratégie de développement des chemins de fer ukrainiens a été mise en oeuvre avec un budget prévisionnel de 150 milliards d’euros d’investissement européen que les experts français appelés doivent mobiliser auprès des fonds d’investissement de l’Union Européenne.
Excusez-moi mais dans le cadre du redressement économique de l’Ukraine qui est certes une priorité absolue, la normalisation des voies ferrées ne me parait pas une urgence, les échanges commerciaux s’arrangeant depuis plus d’un siècle de ces ruptures de charges ferroviaires, SAUF si on la met en perspective d’une militarisation atlantiste du pays organisé pour devenir prochainement un bélier lancé contre la Russie !
Renouant avec une mentalité de collaboration à l’hégémonie militaro-industrielle du moment la France des Sarkozy Hollande ou Macron, sous couvert de développement économique civil, s’apprête donc demain à participer directement à l’organisation logistique d’une militarisation de l’Ukraine, car je parie qu’il y aura plus de convois militaires Ouest-Est que de trains de marchandises Est-Ouest qui inaugureront les nouvelles voies ferrées Berlin-Dnepropetrovsk ou Paris-Kharkov…
Source de l’article :
– Ykrinform : La France aidera l’Ukraine à changer la largeur des voies ferrées
– Wikipédia : Les écartements des rails
Sur la logistique ferroviaire militaire :
– Strates
- Source : Novorossiya Today (Russie)