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« Les graines de la destruction » : enquête sur le monde diabolique des manipulations génétiques

Auteur : William Engdahl | Editeur : Walt | Dimanche, 07 Févr. 2016 - 20h34

Ce n’est pas un livre ordinaire sur les dangers des OGM. Engdahl emmène le lecteur dans les coulisses du pouvoir, dans les arrière-salles des laboratoires de recherche, derrière les portes closes des salles de conférences des multinationales. L’auteur nous révèle pertinemment un monde diabolique d’intrigues politiques menées pour l’argent, de coercition et de corruption gouvernementale, où la manipulation génétique et le dépôt de brevets sur le vivant sont utilisés pour augmenter le contrôle mondial sur la production de nourriture. Si ce livre se lit souvent comme un polar, ce ne sera pas une surprise. Car c’est vraiment cela.

Les arguments étayés d’Engdahl vont beaucoup plus loin que les controverses habituelles sur la pratique scientifique des manipulations génétiques. Ce livre est un lanceur d’alertes, il doit être lu par tous ceux qui se sentent concernés par la justice sociale et la paix mondiale.

Ce que vous allez lire maintenant est la préface de ce livre.

«Nous avons environ 50% de la richesse mondiale, mais nous ne sommes que 6,3% de la population mondiale. Cet écart est particulièrement large entre nous et les peuples d’Asie. Dans cette situation, nous ne pouvons éviter d’être l’objet d’envie et de ressentiment. Notre vrai travail dans les années à venir est de concevoir un modèle de relations qui nous permette de maintenir cet écart sans porter atteinte à notre sécurité nationale. Ce faisant, nous devrons nous dispenser de toute sentimentalité et de tout idéalisme ; et notre attention devra se concentrer partout sur nos objectifs nationaux immédiats. Il ne faut pas que nous imaginions que nous pouvons nous offrir le luxe de l’altruisme et du rôle de bienfaiteur de l’humanité». George Kennan, haut responsable à la planification du Département d’État, en 1948

Ce livre traite du projet entrepris par une petite élite socio-politique, réunie, après la Seconde Guerre mondiale, non pas à Londres, mais à Washington. C’est l’histoire jamais racontée de la façon dont une élite auto-proclamée se lance, selon les mots de Kennan, pour «maintenir cet écart». C’est l’histoire d’une toute petite minorité qui dominait les ressources et les leviers du pouvoir dans le monde de l’après-guerre.

Et c’est surtout l’histoire de l’évolution du pouvoir d’un petit cercle de gens cooptés, dans lequel même la science a été mise au service de cette minorité. Comme Kennan le recommandait dans son mémorandum interne de 1948, ils ont poursuivi leur action sans cesse, et sans le «luxe de l’altruisme et du rôle de bienfaiteur de l’humanité».

Déjà, et contrairement à leurs prédécesseurs au sein des cercles dirigeants de l’Empire britannique, cette élite américaine émergente, qui proclamait fièrement à la fin de la guerre l’avènement du Siècle américain, a été experte dans la rhétorique de l’altruisme et dans son rôle de bienfaitrice de l’humanité pour faire avancer ses projets. Le Siècle américain paradait comme un Empire plus doux, un empire plus gentil, plus civilisé, sous la bannière de la libération coloniale, de la liberté, de la démocratie et du développement économique, et ces élites ont créé un réseau de pouvoir tel que le monde n’en avait pas connu depuis Alexandre le Grand quelques trois siècles avant Jésus-Christ : un empire mondial unifié sous le contrôle militaire d’une superpuissance solitaire, capable de décider du sort de nations entière, sur un coup de tête.

Ce livre est la suite du premier volume, A Century of War : Anglo-American Oil Politics and the New World Order. Il décrit une seconde ligne rouge du pouvoir. Celle-ci concerne le contrôle de ce qui est à la base même de notre survie, notre pain quotidien. L’homme qui a servi les intérêts de l’élite de l’après-guerre basée à Washington durant les années 1970, et qui en est venu à symboliser sa realpolitik brutale, était le Secrétaire d’État Henry Kissinger. Plusieurs fois vers l’année 1975, Kissinger, praticien toute sa vie de la géopolitique de l’Équilibre des forces, un homme qui a plus conspiré qu’aucun autre, a soi-disant donné sa ligne directrice pour la domination mondiale en ces termes : «Contrôlez le pétrole et vous contrôlez les nations. Contrôlez la nourriture et vous contrôlez les gens.»

Ce but stratégique pour contrôler la sécurité alimentaire mondiale remonte à quelques décennies plus tôt, bien avant le déclenchement de la guerre à la fin des années 1930. Il a été financé, de manière très discrète, par des fondations privées sélectionnées, créées pour préserver la richesse et le pouvoir d’une poignée de familles américaines.

Au départ, ces familles avaient regroupé leurs richesses et leur pouvoir à New York et le long de la Côte Est, de Boston à New York, Philadelphie et Washington DC. C’est pour cela que les journalistes des grands médias en parlent souvent, parfois avec dérision mais le plus souvent avec respect, sous le nom de l’Establishment de la côte Est.

Le centre de gravité du pouvoir américain a changé dans les décennies suivant la guerre. L’Establishment de la côte Est a été éclipsé par de nouveaux centres de pouvoir qui ont émergé de Seattle à la Californie du Sud sur la Côte Pacifique, aussi bien qu’à Houston, Las Vegas, Atlanta et Miami, un peu comme les tentacules du pouvoir américain étendus jusqu’en Asie et au Japon, et vers le sud, sur les pays d’Amérique Latine.

Au cours des décennies qui ont directement précédé et suivi la Seconde Guerre mondiale, une famille en est venue à symboliser plus que toute autre la démesure et l’arrogance de ce Siècle américain émergent. Et cette famille s’est construit une immense fortune sur le sang de nombreuses guerres et sur leur contrôle du nouvel or noir, le pétrole.

Ce qui est inhabituel, à propos de cette famille, est que dès le début de leur fortune, les patriarches et les conseillers qu’ils avaient engagés pour asseoir solidement leur fortune ont décidé d’étendre leur influence à différents domaines. Ils n’ont pas seulement pris le contrôle du pétrole, l’énergie nouvelle pour le monde économiquement avancé. Ils ont aussi étendu leur influence sur l’éducation de la jeunesse, la médecine et la psychologie, la politique étrangère des États-Unis, et sur ce qui nous intéresse ici, la science de la vie, la biologie et ses applications dans le monde agro-alimentaire et agricole.

Pour l’essentiel, leurs actions sont passées inaperçues aux yeux de la majorité de la population, notamment aux États-Unis. Peu d’Américains ont compris combien leurs vies étaient, subtilement, et parfois pas du tout subtilement, influencées par l’un des projets financés par l’immense richesse de cette famille.

Lorsque je faisais mes recherches pour ce livre, un travail officiellement centré sur les OGM, il est devenu clair que cette histoire d’OGM était inséparable de l’histoire politique de cette famille sur-puissante, les Rockefeller, et des quatre frères – David, Nelson, Laurance et John D. III – qui, au cours des trois décennies qui ont suivi la victoire américaine dans la Seconde Guerre Mondiale, le décollage de ce siècle essentiellement marqué par l’Amérique, ont donné forme à ce pouvoir dont parlait George Kennan en 1948.

Dans les faits, l’histoire des OGM est celle du passage de pouvoir dans les mains d’une élite, déterminée à soumettre l’ensemble du monde à son emprise, à n’importe quel coût.

Il y a 30 ans, le pouvoir reposait sur la famille Rockefeller et ses proches. Aujourd’hui, trois des quatre frères sont décédés depuis longtemps, plusieurs dans des circonstances suspectes. Néanmoins, comme ils le voulaient, leur projet de domination du monde – la domination sur la totalité du spectre comme le Pentagone l’appellera plus tard – s’est répandu, souvent derrière une rhétorique de démocratie, et a été aidé régulièrement par la force militaire brute de l’Empire quand cela était nécessaire. Leur projet a atteint le point où un petit groupe de gens de pouvoir, installé officiellement à Washington dans les premières années du nouveau siècle, s’est montré déterminé à contrôler le vivant d’aujourd’hui et de demain sur cette planète, à un niveau dont jamais personne n’avait rêvé auparavant.

L’histoire des manipulations génétiques et du dépôt de brevets sur le vivant – plantes et autres organismes – ne peut être comprise sans jeter un œil sur l’extension tous azimuts du pouvoir américain dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. George Kennan, Henry Luce, Averell Harriman et, avant tout, les quatre frères Rockefeller, ont créé ce concept d’agrobusiness multinational. Ils ont financé la Révolution verte dans le secteur agricole des pays développés pour, entre autres choses, créer de nouveaux marchés pour les fertilisants pétrochimiques et les produits pétroliers, ainsi que pour augmenter la dépendance à l’énergie. Ce qu’ils ont fait est une partie indissociable de l’histoire des végétaux génétiquement modifiés.

Durant les premières années du nouveau siècle, il était clair que seulement quatre multinationales de l’industrie chimique émergeraient comme acteurs mondiaux sur le marché des brevets pour contrôler les produits alimentaires de première nécessité dont les gens dépendent pour leur alimentation quotidienne dans le monde entier – le maïs, le soja, le riz, la farine, et même les légumes, les fruits et le coton – ainsi que les nouvelles variétés de volailles, résistantes à la maladie, modifiées génétiquement prétendument pour résister au virus mortel de la grippe aviaire H5N1, ou même les cochons et le bétail aux gènes modifiés. Sur ces quatre multinationales, trois sont liées, depuis des dizaines d’années, aux recherches sur la guerre chimique du Pentagone. La quatrième, officiellement suisse, est en réalité dominée par les Anglo-saxons. Comme pour le pétrole, le marché des OGM est avant tout un projet mondial anglo-américain.

En mai 2003, avant que la poussière des bombardements américains sans relâche sur Bagdad soit retombée, le président des États-Unis a décidé de faire des OGM une question stratégique, une priorité pour sa diplomatie d’après-guerre. La résistance acharnée du deuxième producteur agricole mondial, l’Union européenne, a constitué un obstacle formidable à la réussite mondiale du Projet OGM. Aussi longtemps que l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Grèce et les autres pays de l’Union européenne refuseraient obstinément d’autoriser la culture des OGM, pour des raisons de santé publique et de recherche scientifique, le reste des pays du monde resterait sceptique et hésitant. Au début de 2006, l’organisation Mondiale du commerce a forcé l’Union européenne à ouvrir la porte à la prolifération des OGM. Il semblait alors que le Projet OGM était tout proche du succès final.

Mais dans la foulée de l’occupation militaire anglo-américaine de l’Irak, Washington s’est occupé de faire passer l’agriculture irakienne dans le domaine des semences brevetées OGM, tout d’abord fournies grâce à la générosité du Département d’État et du Département de l’Agriculture.

La première expérimentation de masse avec des végétaux OGM, en fait, a eu lieu au début des années 1990 dans un pays dont les élites avaient été depuis longtemps corrompues par la famille Rockefeller et les banques new-yorkaises qui lui étaient associées : l’Argentine.

Les pages suivantes suivent la prolifération des OGM, souvent grâce à la coercition politique, les pressions gouvernementales, la fraude, les mensonges et même les meurtres. Si on les lit comme un polar, c’est qu’elles en sont un. Le crime perpétré ainsi au nom de l’efficacité agricole, du respect de l’environnement et de la solution au problème de la faim dans le monde amène des enjeux qui sont bien plus importants pour cette petite élite. Celle-ci n’agit pas seulement pour l’argent et le profit. Après tout, ces familles très puissantes décident qui dirige la Réserve fédérale, la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon et même la Banque centrale européenne. L’argent qu’elles possèdent leur sert à détruire ou à créer.

Leur but est plutôt le contrôle ultime de la vie future sur cette planète, une suprématie dont seuls les anciens dictateurs et despotes pouvaient rêver. Laissé sans frein, le groupe d’aujourd’hui qui se trouve derrière le projet OGM n’est plus qu’à 10 ou 20 ans de la domination totale des capacités nourricières de la planète. Cet aspect de l’histoire des OGM doit être raconté. J’invite donc le lecteur à une lecture attentive et à une vérification indépendante ou une réfutation argumentée de ce qui suit…

« Contrôlez le pétrole, et vous contrôlez les nations. Contrôlez la nourriture, et vous contrôlez les gens. » Henry Kissinger

 

Le livre dont vous avez lu l’introduction est disponible en français sous le titre OGM semences de destruction – L’arme de la faim.

Seeds of Destruction : The Hidden Agenda of Genetic Manipulation, le livre de F. William Engdahl, est remarquablement documenté et se concentre sur la façon dont une petite élite socio-politique américaine cherche à établir son contrôle sur le fondement de toute survie humaine : les ingrédients de notre pain quotidien.

 

Traduit par Ludovic, vérifié par Wayan, relu par Diane  pour le Saker Francophone.

 


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