Médias russes: propagande ou réinformation?
L’automne 2015 devrait voir l’apparition d’un nouveau projet stratégique initié par l’intelligentsia de Bruxelles visant à lutter contre « le succès des médias russes et notamment celui de Russia Today ».
Le projet, qui portera le nom de EastStartComTeam devrait être opérationnel dès septembre 2015, disposant d’antennes dans sept pays du bloc postsoviétique (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Moldavie, Ukraine, Biélorussie et Russie) et commençant son travail de propa… Pardon, de réinformation pour sauver les cœurs, les âmes et les esprits des citoyens du paradis occidental, visiblement menacés par une propagande russe hostile.
Je dis sauver les cœurs, les âmes et les esprits car le plus étonnant dans l’objectif de ce projet n’est pas que l’information, mais aussi la promotion de « valeurs » de l’Union Européenne, le soutien des acteurs du monde journalistique dans l’ex-espace soviétique, la formation de journalistes et enfin le soutien affirmé aux médias indépendants en Russie, qui du coup ne le seront plus.Ce nouveau projet mirifique devrait permettre en outre la coordination de différents projets tel que par exemple la promotion en anglais de médias allemands existants, le développement d’une information en langue russe avec le soutien des très europhiles et objectifs pays baltes et de la Pologne, la lutte contre les euroscepticismes, ou encore l’augmentation de la surveillance et de la pression sur les médias russes par les régulateurs médiatiques opérant en Occident.Se dirige-t-on tout simplement vers une censure des ressources d’informations russes en Occident?
Cette surprenante réaction d’une Union Européenne en pleine crise politique, économique, financière et en relative panne de modèle est à mettre en parallèle avec les récentes éructations de l’inexorable sénateur McCain qui a appelé à « augmenter la propagande pour lutter contre l’expansion impériale russe », ou encore les réflexions de John Kerry sur la nécessité pour l’Amérique de développer un grand média en langue russe.
Ces évolutions traduisent le grand mouvement en cours: l’Occident prépare visiblement une forte offensive médiatique destinée à contrer la vision RT du monde qui se veut clairement alternative.C’est en effet sans doute le cœur du sujet.
Le scénario narratif promu de façon linéaire et autoritaire par l’Occident ne peut plus faire face au travail de fond et de réinformation des médias alternatifs ni à l’extension d’une pensée et vision divergentes promues par des Etats émergents qui ont clairement une autre vision du passé, une autre interprétation des évènements internationaux et une conception très différente de l’avenir.
En outre, le nombre de ressortissants des pays occidentaux se méfiant clairement de la vision Mainstream délivrée par les relais d’informations dominants ne cesse d’augmenter, trouvant un refuge informatif adéquat dans les supports russes en langues européennes de type RT ou Sputnik.
Cette guerre médiatique et de communication des grands ensembles devrait s’accentuer alors qu’au sein de l’Organisation de Shanghai, les principaux médias dominants (russes, chinois, indiens, centrasiatiques, iraniens…) vont coordonner leur activité pour lutter contre le déséquilibre informationnel régnant et l’hyper-dominance des médias occidentaux.La fin de la CNNisation du monde de l’information et son remplacement par une RTisation ne devrait pas se faire sans heurts. Le département de la Défense des États-Unis a publié récemment une nouvelle instruction de conduite des opérations militaires qui explique que les journalistes peuvent être assimilés à des combattants sur lesquels il est désormais autorisé d’ouvrir le feu puisque ces derniers peuvent être des membres des forces armées, des personnes autorisées à accompagner les forces armées ou encore des belligérants non privilégiés.
Dans cette guerre entre deux blocs, sous commandement américain, d’une part et russo-chinois de l’autre, une question se pose: quel scénario narratif la France a-t-elle à offrir pour promouvoir sa vision du monde?
- Source : Alexandre Latsa