Les médias russes ciblés par la France et l’Union Européenne
Dans le nouveau monde multipolaire, tous les grands monopoles de l’ancien monde disparaissent un à un. L’or et les finances, qui permettent d’acheter qui l’on veut, n’est plus la propriété exclusive des anglo-saxons. L’économie, grâce à laquelle il était possible de briser toute résistance par des blocus et des embargos, est mieux répartie. La force militaire, l’outil de rétorsion et d’intimidation par excellence, doit maintenant compter avec, en face d’elle, la force militaire russe. Et maintenant, les médias, qui permettent de forger l’opinion des peuples du monde entier, font face à une contre-offensive des médias russes qui, bien que plus modestes, sont plus crédibles. On peut alors comprendre le désarroi du bloc hégémonique, qui n’a plus qu’à baisser le masque. (RI)
Malgré des budgets très modestes par rapport à ceux développés par les Américains ou les Européens pour subventionner différents médias dans les langues nationales ou dans d’autres langues, la presse russe est montrée du doigt et inquiète de plus en plus les gouvernements occidentaux. De longue date, la Russie possédait avec La Voix de la Russie, ou Ria Novosti des médias orientés vers le monde entier. Avec le commencement de la Seconde Guerre froide entre le bloc des pays occidentaux et la Russie, la cadence de cette guerre informationnelle a pris de l’ampleur. Les Russes ont ainsi lancé la chaîne de télévision Russia Today à la fin de l’année 2005 en langue anglaise, puis en arabe, en espagnol, en allemand et récemment en français. Dans le courant de l’année 2011, après l’ouverture d’autres services internet, La Voix de la Russie avait ouvert un service internet en français, jusqu’à l’unification voulue par le gouvernement russe (2014) de ces différents médias dans une seule structure mieux organisée rassemblant Sputnik (ex Voix de la Russie), RT et Ria Novosti. Ceux-ci ont connu immédiatement un franc succès en Europe et en France. En janvier 2012, le service internet en français de La Voix de la Russie comprenait 500 abonnés sur le réseau social Facebook atteignant bientôt 70 000 abonnés dans l’été 2013. Ce succès inquiète les « démocrates » européens et français qui depuis quelques temps ont annoncé des répliques et une série de mesures.
Les annonces ont été de plus en plus virulentes jusqu’à la décision par l’Union Européenne de créer fin mars 2015 une grande structure médiatique en langue russe pour contrebattre les effets des médias russes et répondre « à la propagande » russe en contrebattant point par point l’essentiel des prises de positions de la Russie. Cette annonce choc n’a pas été réellement suivie d’un passage à l’acte mais l’Union Européenne avait promis de présenter un plan d’action stratégique pour pourfendre les médias russes. Certains pays sont passés à l’acte isolément comme en Lituanie où la chaîne de télévision RTR Planeta a été interdite de diffusion. L’OTAN est aussi passé à l’attaque depuis longtemps, alors que l’argent distillé par milliards à l’Ukraine de Porochenko a été partiellement investi comme l’annonçait le site du ministère de l’Intérieur d’Ukraine pour la création d’une armée d’internautes, salariés et bénévoles pour troller l’information russe ou pro-russe partout où cela serait possible. Sur les réseaux sociaux les activistes ont vu se développer des groupes, comptes réels ou imaginaires, robots, pour venir commenter systématiquement dans la russophobie la plus débridée, les moindres articles. L’Union Européenne elle-même avait annoncé la formation et l’engagement de quelques centaines de fonctionnaires pour tenter de redorer son blason sur la toile.
La chasse aux russophiles a donc commencé activement avec les événements dramatiques dans le Donbass. Toujours en mars et avril dernier, des listes pilotées par des activistes et des journalistes étaient apparues, classifiant tous les lieux de liberté russophiles sur internet et amoncelant des noms de personnalités à dénoncer, avec le maximum d’informations. En parallèle en Ukraine, le ministère de l’Intérieur encourageait le développement de sites référençant tous les combattants parmi les insurgés du Donbass, avec photos et informations personnelles dans le but avéré d’une chasse à l’homme. En France, quelques activistes ukrainiens ou français pro-Ukraine brune appelait à dénoncer à la police ou sur les réseaux sociaux tous les russophiles militants en utilisant par exemple le site de dénonciation de l’Etat français, la plateforme Pharos lancée en 2009 au départ pour lutter contre la cybercriminalité mais étant une arme à double tranchant qui pourrait devenir dans la foulée de la loi « Je suis écoute » un outil pratique de répression. Personnellement j’ai constaté avoir été dénoncé très récemment, dénonciation provoquant le 15 juin 2015 une inspection par Google de mon blog Les tribulations d’un Français à Moscou avec une injonction de supprimer des clichés du Donbass qui dérangeaient sur mon article « J’accuse le journal Libération ». Dans l’ombre les « démocrates » français et européens sont donc à la manœuvre en passant à l’attaque de manière plus massive contre les médias russes via une décision de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye décidant de geler les avoir russes… de ces médias. L’attaque qui au départ avait été annoncée comme démocratique par la formation de médias à destination de la Russie aura donc été à l’image de l’Union Européenne : vile et basse.
A la mi-juin, c’est le compte de l’agence de presse Rossiya Sevodnia qui a été bloqué en France avec la saisie des locaux (loués par l’agence), action par ailleurs menée contre les médias russes dans d’autres pays européens, comme en Belgique et en Autriche. Les biens des médias RT, Ria Novosti et TASS sont aussi dans le collimateur bien que seule la dernière agence possédait réellement des biens immobiliers dans différents pays européens. Cette attaque était menée sous le couvert de la saisie de tous les actifs russes sur le territoire européen pour l’obtention du remboursement d’une importante dette de 50 milliards d’euros réclamée au défunt géant pétrolier russe Ioukos nationalisé par l’Etat russe après un imbroglio digne d’un roman ayant conduit à un bras de fer entre la Russie et l’Union Européenne. Cette excuse a été une bonne aubaine pour les Européens de s’attaquer à la liberté d’expression sur un terrain où la France s’est engagée depuis quelques mois à la suite du mouvement charliste de janvier 2015. La France et la Belgique sont allées plus loin en gelant également les comptes bancaires des ambassades russes dans leurs pays respectifs. Toutes ses mesures offensantes pour la Russie, stériles, minent les relations avec un pays qui est en réalité un allié naturel et discrédite la France un peu plus après la désastreuse affaire des navires de la classe Mistral. Ces actions ne doivent pas faire oublier également d’autres manœuvres plus cyniques consistant à saper les efforts des associations humanitaires voulant aider le Donbass.
Il y a quelques jours, un généreux donateur suisse ayant envoyé par virement bancaire la belle somme de 5 000 euros à l’association Novopole a été bloquée. Cette somme d’argent importante pour une structure aussi modeste que Novopole était destinée à l’ouverture d’un refuge pour les gens ayant perdu leur habitation, maison ou appartement par le fait des bombardements des Ukrainiens. Nathalie Pasternak regrettait il y a quelques semaines l’aide humanitaire envoyée par la Russie aux populations civiles du Donbass directement à la télévision sur la chaîne TF1. Désormais, c’est aussi par des actions pernicieuses et insidieuses, dans le système bancaire, d’ailleurs largement derrière les gouvernements européens et l’Union Européenne, que la lutte se déplace et pénalise des civils qui manquent de tout, nourriture et soins médicaux au premier chef. Rappelons que dans le même temps, l’aide humanitaire à destination du Donbass est paralysée et interdite par le régime de Porochenko et que des associations pro-ukrainiennes font du racolage pour venir en aide aux populations « ukrainiennes », en réalité russophones et du Donbass occupées ou bombardées, aide qui n’arrive en réalité jamais à destination, soit détournée par Kiev, soit pillée et revendue par les militaires ukrainiens sur place pour arrondir les fins de mois. Cette situation est aggravée par la paralysie du système bancaire dans le Donbass organisée par l’Ukraine soutenue par l’Union Européenne et les Etats-Unis. Aucun distributeur de billets ne fonctionne dans le Donbass et les banques sont fermées. Ceci empêche les Russes ou les réfugiés du Donbass en Russie ou dans d’autres pays d’envoyer de l’argent directement sur place aggravant notoirement la situation des populations fragilisées par la situation économique, la guerre et les pressions ukrainiennes (suppression des retraites aux personnes âgées, aux handicapés etc). Avec un cynisme totalement contraire aux Droits de l’Homme, la France et l’Union Européenne démontrent là encore le caractère nocif, injuste et machiavélique des régimes politiques qui pourtant se cachent derrière ces derniers et les grands idéaux démocratiques décidément foulés au pied chaque jour qui passe.
- Source : Laurent Brayard