Fleur Pellerin veut encore plus subventionner la presse avec l’argent du contribuable français
Une des retombées inattendues de l’attentat subi par la rédaction de Charlie Hebdo aura été d’avoir largement multiplié le tirage de l’hebdomadaire, au moins pour le numéro du 14 janvier. Avec plus de sept millions d’exemplaires écoulés, il s’est même brièvement classé dans le top 10 mondial, lui assurant ainsi des rentrées financières de plusieurs millions d’euros.
Certes, Charlie Hebdo se faisait fort, au moins jusqu’à récemment, de refuser toute aide publique pour pouvoir conserver son indépendance comme un Canard Enchaîné qui, lui, continue de n’en réclamer aucune et arrive, bizarrement, à bien tenir le cap financièrement tout en se passant, au contraire d’autres confrères, de publicité, de subventions et de dépêches AFP repompées à la va-vite et recopiées avec une ou deux typos créatives.
Moyennant quoi, on comprend bien la situation : il devenait indispensable que l’État intervienne.
Et devant le désarroi financier évident de Charlie Hebdo, Fleur Pellerin, celle qui apparemment officie comme ministre de la Culture ces jours derniers, promet d’élargir le système des aides à la presse afin d’en faire bénéficier les hebdomadaires et les mensuels.
Il est vrai qu’actuellement, ce système est particulièrement restrictif et ne distribue ainsi qu’une paire de milliards d’euros des contribuables vers une presse quotidienne à la qualité toujours plus grande, que le public — qui la paie donc quoi qu’il fasse — semble pourtant bouder. Or, à l’instar du Monde Diplodocus dont le lectorat payant ne parvient pas à assurer le moindre début de rentabilité économique, Charlie Hebdo n’est pas un quotidien mais un hebdomadaire et ni l’un ni l’autre ne disposent donc des aides spécifiques pour les journaux à tirages quotidiens, « ce qui n’a pas beaucoup de sens » d’après Fleur, parce que, parce que bon.
Alors qu’aider un journal qui vient de tirer 7 millions d’exemplaires, en revanche, c’est logique au nom du « soutien au pluralisme de la presse ». Pour cela, il faudra bien sûr en passer par une réforme des lois gouvernant les aides à la presse, mais ce n’est pas le genre de chantiers qui effraie la ministre : il y a de l’argent dans la poche des contribuables pour aider plus et aider mieux les journaux minutieusement sélectionnés par le pouvoir une administration impartiale et soucieuse du pluralisme.
Maintenant, avec ce qu’on sait déjà des montants de subventions destinés à la presse française, on est en droit de se demander si, en face, on parvient réellement à cette fameuse pluralité qui semble l’alpha et l’oméga de ces aides financières, ou si, au moins, la liberté de la presse est pleinement assurée au Pays des Drouadlhom et dans la République du Vivrensemble Triomphant.
Ça tombe bien, l’édition 2014 du « Classement mondial de la liberté de la presse » de Reporters Sans Frontières permet d’avoir une idée assez précise de ce que valent la liberté de la presse et la qualité de celle-ci en France, en comparaison des autres pays.
Surprise ! La France, le pays des droits de l’homme, du vivre-ensemble, de la liberté d’expression et du « Je Suis Charlie » dans toutes les bouches ne se classe péniblement qu’en 39ème position, après l’Estonie, la Jamaïque, le Costa-Rica, la Namibie, l’Uruguay ou le Salvador par exemple, ou, plus symptomatique, après la Finlande, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, l’Irlande ou la Pologne.
C’est tout de même intéressant de constater qu’un pays dont les dirigeants se gargarisent à longueur d’année de ses principes de liberté se retrouve à une position aussi médiocre, et ce, alors même que la presse est chouchoutée à hauteur de près de deux milliards d’euros tous les ans, et que son lectorat s’amenuise malgré tout d’années en années.
C’est tout de même intéressant de voir qu’en plus, la France perd des places. Alors que, d’un côté, des ministres tentent de faire passer l’idée que l’État s’emploie à rendre la vie de la presse et des journalistes plus facile en les subventionnant de plus en plus, de l’autre, on constate surtout l’avalanche de lois qui restreignent tous les jours un peu plus la liberté d’expression, refusent de protéger les sources ou condamnent la divulgation d’informations pourtant publiques.
Quelque part, on peut se demander si, avant de distribuer de telles quantités d’argent, au vu des résultats médiocres obtenus, le gouvernement ne devrait pas passer un peu plus de temps à libérer la parole et mieux protéger le travail d’investigation des journalistes. Tout se déroule comme si, justement, les subventions étaient d’autant plus abondantes que la parole se devait d’être policée, châtiée, circonscrite à des domaines et des habitudes bien définies. Tout se passe en pratique comme si les subventions jouaient un rôle très efficace pour déterminer quel journal peut vivre, à l’abri des contraintes de marché, et quel journal devra se retrouver le plus exposé à celles-ci, quels journalistes pourront trouver du travail, et lesquels n’auront pas cette chance. En définitive, le gouvernement stipendie les organes de presse, en compensation de son rognage permanent et de plus en plus ferme des libertés et des droits fondamentaux…
Mais baste : Fleur est donc décidée, sur les ondes, à tripoter la réglementation concernant les aides à la presse. S’agira-t-il d’un simple bidouillage à la marge comme l’exécutif hollandesque nous y a habitué depuis deux ans (avec l’option « marche arrière » toujours embrayable à la moindre anicroche), ou tentera-t-elle de véritablement remettre à plat un système que la Cour des comptes juge aussi opaque que décevant en matière de résultats et dont l’attribution est, selon les termes de la Cour elle-même, un véritable maquis ? On peut franchement douter de la seconde option tant la première est plus simple et moins risquée.
Et quoi qu’il arrive, le contribuable devra donc continuer à payer les folliculaires dont il ne lit plus la prose, et des journaux dont il ne partage ni l’orientation politique, ni le style, ni même ne goûte les connivences capitalistiques si ancrées dans ce pays. Si le contribuable libéral pourra toujours se consoler de payer pour ces torchons journalistes français en sachant que ses dons à Contrepoints sont défiscalisables à 66%, en revanche, un contribuable UMP devra supporter de continuer à financer de sa poche une épave journaliste comme l’Humanité, pendant que des dinosaures communistes seront obligés de financer Le Figaro et son actionnaire milliardaire.
Y’a pas à dire : le socialisme, c’est magique.
- Source : h16