La femme la plus puissante du Mexique accusée d'avoir détourné 150 millions d'euros
La "maîtresse" du Mexique aurait détourné 150 millions d'euros
JUSTICE – La dirigeante de l'un des syndicats les plus puissants d'Amérique latine, le syndicat des enseignants mexicains, a été arrêtée mardi pour le détournement de 150 millions d'euros. Elba Esther Gordillo, 68 ans, dirige l'organisation depuis 1989.
Arrêtée lundi soir à sa descente d'avion, en provenance de San Diego aux Etats-Unis, elle a ensuite passé sa première nuit en prison, à l'établissement pénitentiaire pour femmes de Santa Martha, à Mexico. Un contraste sûrement brutal pour la femme le plus puissante du pays qui possède deux demeures en Californie, un jet privé, des sac Hermès à 4000 euros et un goût coûteux pour la chirurgie esthétique. Elle aurait même offert 59 Hummers flambant neufs aux leaders syndicaux locaux pour s'assurer leur loyauté, rapporte le New York Times.
Comptes en Suisse et au Liechtenstein
La somme que la Maestra est accusée d'avoir détournée, grâce à des prête-noms et à travers des comptes en Suisse et au Liechtenstein, pourrait n'être que la partie émergée de l'iceberg : le dossier d'accusation ne concerne que 2 des 81 comptes bancaires du SNTE. Jusqu'à présent, les autorités avaient complaisamment fermé les yeux sur les soupçons de malversation.
Le syndicat, le plus important du Mexique, semblait jusque là intouchable. Son influence est telle que le gouvernement ignore même le nombre d'enseignants et d'écoles dans le pays. L'organisation est seule à tenir les comptes, c'est encore elle qui s'occupe des embauches, avec des emplois qui se transmettent souvent de génération en génération, au même titre qu'un héritage.
Une figure du milieu politique
La nouvelle a été saluée par les partis politiques et la plupart des journaux, l'arrestation annonçant peut-être le début d'un vaste coup de balai dans les administrations corrompues du pays. C'était une promesse du nouveau président, Enrique Peña Nieto, et Elba Esther Gordillo est une prise de choix pour ce premier coup de filet. Haïe et crainte, elle est une figure incontournable de la vie politique du pays depuis les années 1980, avec laquelle les cinq derniers présidents mexicains ont eu maille à partir.
Elle a aussi dirigé le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, au pouvoir) entre 2002 et 2005, a été sénatrice et aussi chef de son groupe parlementaire à la Chambre des députés. Ce parti – dont est issu l'actuel président – a tenu le pays d'une main de fer pendant 71 ans, jusqu'en 2000. Après sa rupture avec le PRI, elle a fondé sa propre organisation politique, Nouvelle Alliance. On lui a même attribué les votes décisifs dans la victoire du conservateur Felipe Calderon, en 2006, aux élections présidentielles.
Reste à savoir si ce "coup de maître", comme le titrait mardi le quotidien Reforma, est le signal d'une action durable contre la corruption ou une entreprise d'intimidation contre un syndicat opposé à la réforme éducative promulguée lundi. Cela pourrait bien être les deux.
- Source : Tweet