« Immobilier : vers l’interdiction des ventes entre particuliers »
Le dernier jeu à la mode dans notre pays – tout en sachant que ce jeu vient du monde anglo-saxon et que là-bas, tout le monde y joue depuis des années –, c’est de mettre la loi et le travail des parlementaires au service non plus du bien commun et de l’intérêt général mais au service des professions et du business organisés en lobbies pas toujours franchement honnêtes.
Entre corruption massive, méconnaissance évidente des élus ou encore incompétence crasse, nous ne parlons plus du tout de l’intérêt collectif, de l’intérêt du peuple. Le pouvoir devient une chambre d’amélioration des profits de certains.
Les taxis sont embêtés par Uber ou autre société de VTC ? Qu’à cela ne tienne, montons au créneau en tant que profession et faisons interdire la concurrence… Peu importe que le service rendu soit minable ou très cher, il faut protéger la rente.
Les agents immobiliers vivent la crise immobilière actuelle. C’est une évidence. Les profits des agences chutent, moins de ventes, plus de concurrence, et ces particuliers toujours plus nombreux à refuser de passer par une agence immobilière et posant simplement une annonce sur des sites gratuits comme Le Bon Coin. Insupportable pour un lobby. Interdisons donc aux gens de se vendre leurs biens immobiliers entre eux. L’agent immobilier (et la commission allant avec) doit être obligatoire.
Le lobby de l’immobilier veut interdire les ventes de particulier à particulier
C’est le titre de cet article de Libération que je vous invite à lire.
« Deux députés socialistes suggèrent de limiter les ventes sans passer par les agences.
«Je ne sais pas d’où est parti le coup, mais c’est sûr qu’il y a quelqu’un derrière tout ça. En tout cas ce n’est pas nous.» Ainsi parle le directeur d’un réseau immobilier, interrogé par Libération au sujet de deux questions d’actualité très curieuses, posées par deux parlementaires socialistes. Tour à tour, les députés PS Sylviane Bulteau et Jacques Cresta ont posé, à une semaine d’intervalle et dans des termes absolument identiques, une question au gouvernement, stigmatisant les ventes de logements réalisées entre particuliers sans passer par les fourches caudines des agents immobiliers.
Les deux parlementaires prétextent de l’apparition de «certains sites d’annonces gratuites», pour déplorer «la concurrence» «tout à fait déloyale» faite aux professionnels de l’immobilier . «Un marché parallèle de l’immobilier» s’est installé, prétendent-ils. Comme si vendre par ses propres moyens un logement constituait un acte illégal. Leur argumentaire, favorable aux milieux de l’immobilier, est développé, sous couvert de non rentrées fiscales. »
Il s’agit évidemment d’arguments parfaitement stupides aussi bien économiquement, qu’intellectuellement ou socialement parlant, et il est difficile de ne pas penser que ces deux députés, au pire, sont récompensés pour services rendus et au mieux, parfaitement incompétents pour relayer de tels messages.
Comme le dit si bien Libération
«L’argument de pertes de recettes de TVA n’est absolument pas recevable», tranche David Rodrigues, juriste à CLCV (Consommation, Logement et Cadre de vie), une association de consommateurs. «Quand je change un joint chez moi sans recourir à un plombier, c’est une perte de TVA pour l’État», ironise-t-il. «Va-t-on m’imposer de passer par un garagiste pour vendre ma voiture ou de passer par un jardinier pour tondre ma pelouse», poursuit-il.
D’ailleurs, même dans les rangs socialistes le doute s’installe sur l’objectivité de la démarche, les fils semblent trop gros !
L’argumentaire développé dans les questions des deux députés – publiées au Journal officiel les 21 et 28 octobre – surprend jusque dans les rangs du groupe PS. «Le fait qu’elles soient rédigées dans des termes absolument identiques veut dire qu’elles n’ont pas été écrites par leurs auteurs», considère un député socialiste. »
On apprend même au détour de cet article que…
« Tout ceci n’est pas très surprenant, laisse-t-on entendre à la CLCV. «Depuis quelque temps, il y a un lobbying des professionnels de l’immobilier pour tenter d’imposer un recours obligatoire à leurs services», souligne David Rodrigues . Il ne croit pas si bien dire. Un communiqué publié mardi par Capi France, un réseau de 7 000 agents indépendants… »
Voilà, rendons obligatoire l’intervention du plombier en cas de fuite, de l’agent immobilier en cas de vente, rendons tout obligatoire, il y a dans ce pays encore beaucoup trop de libertés que nos députés, dans leur immense sagesse législative, sauront combler, le stylo tenu par des lobbies nous voulant forcément du bien.
Mais comment peut-on, en tant qu’élu du peuple, faire preuve a minima d’une aussi grande naïveté et s’avérer au mieux aussi manipulable ?
Le choc de simplification ne peut pas fonctionner avec des députés voulant légiférer sur tout !
Peu importe le sujet, ils veulent légiférer sur tout, encadrer tout. La cigarette électronique ? Vite, une loi sur la taille des pipettes et des vapoteuses, sur la contenance des réservoirs, sur les mentions à porter sur les flacons et la procédure de la taille de la police ! Vite, encadrons la puissance de la batterie et la contenance des bidons, vite, vite… des lois ! Pensez donc, voilà des décennies que l’on nous vend des patchs et des gommes à mâcher à la nicotine qui ne fonctionnent pas mais fabriqués par des labos pharmaceutiques pouvant se payer des lobbyistes et que l’on fait même rembourser ces produits par les mutuelles… Voici un produit qui aide vraiment les fumeurs à ne plus fumer, vous comprendrez qu’il faut tout faire pour le rendre moins efficace… Les taxes sur le tabac rapportent tellement !!
Alors nos députés ne simplifient rien, d’ailleurs ce n’est pas leur raison d’être. Leur but, dans la vie, c’est d’être utile, et nos députés ne peuvent être utiles qu’en faisant, écrivant et votant tout plein de nouvelles lois (sinon le peuple s’apercevrait qu’ils ne servent à rien).
La dérive évidente du lobbying et le problème démocratique qui en découle…
Cet exemple de cette idée sur l’obligation de passer par un professionnel de l’immobilier, fut-il complètement nul, et de renchérir encore le coût de l’immobilier n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’une dérive.
Nous laissons les députés, nos députés, aux mains des lobbies qui savent avec finesse faire passer les bons messages en activant les bons réseaux en ayant les bons carnets d’adresses. Dans tout cela, il n’y a rien de démocratique. Rien. Le lobbying c’est même la négation de la démocratie et de notre représentation nationale.
Être député élu du peuple ce n’est pas rien. C’est même un immense honneur que nous, peuple de sans-dents, nous faisons à certains d’entre eux en leur donnant la possibilité de nous représenter. C’est nous, le peuple, qu’ils doivent représenter. Tel est leur mandat. Tel est l’esprit de notre Constitution. Le député ne défend pas une corporation quelle qu’elle soit mais son peuple et l’intérêt général de ce dernier.
Entre une Europe profondément antidémocratique et non représentative ainsi que des lobbies qui ont su se frayer un chemin au plus profond de l’Assemblée nationale, nous devons prendre conscience que la démocratie française est définitivement morte. Nous avons laissé notre souveraineté à l’Europe et pour le peu qu’il nous en reste, nous la laissons aux lobbies. Pendant ce temps, nous nous affalons dans nos canapés pour regarder nos écrans lobotomisateurs d’esprits.
Le réveil sera difficile, mais un peuple qui abdique sa propre liberté et sa représentativité ne doit pas s’attendre à autre chose.
Évidemment, « Libération a tenté de joindre par téléphone à l’Assemblée et par mail, les deux parlementaires. Sans succès ».
- Source : Charles SANNAT-Tonino SERAFINI