Nantes-Saint-Nazaire: les dockers meurent à la pelle
Quand les dockers déchargent leur propre mort
Un docker décharge un container au terminal du Montoir-de-Bretagne, du port de Nantes-Saint-Nazaire, le 27 février 2012. (AFP PHOTO / FRANK PERRY)
"'Nous sommes fatigués de voir les copains partir trop vite', soupire Karl Montagne, dont le grand-père charriait déjà des marchandises sur les quais de Nantes." Un reportage de Bastamag, accompagné d'une série de photographiesaussi parlantes qu'impressionnantes, laisse entrevoir le quotidien des dockers du grand port de Nantes-Saint-Nazaire, et leur inquiétude face à la dégradation de leur santé. Car si les accidents physiques ont diminué au fil du temps et de la mécanisation, les maladies, que certains d'entre eux considèrent comme professionnelles, prennent une ampleur alarmante.
Tout commence, explique BastaMag, quand Jean-Luc Chagnolleau, qui a travaillé dans le port pendant trente ans, découvre qu'il est touché par un cancer du rein. Il fait immédiatement le lien avec son travail. Et lance une enquête, qui sera poursuivie par ses collègues après sa mort. Leur Association pour la protection de la santé au travail dans les métiers portuaires, créée en 2010, entend lutter contre ce "drame humain", non pour casser le métier, mais justement pour continuer de l'exercer, "en toute sécurité". Résultat : "Sur 140 dockers contactés, en grande majorité partis à la retraite, 87 déclarent être malades, 61 sont atteints de cancer, 35 sont décédés. L’espérance de vie de ces travailleurs se révèle d’une dizaine d’années inférieure à celle de leurs aînés."
En cause selon eux : les produits chimiques et toxiques transportés, avec les marchandises, dans les cales des bateaux qu'ils déchargent. Il y a par exemple ce gaz qui émane des tonnes de soja transportées par un cargo venu du Brésil. "Arrosé de pesticides avant la traversée de l’Atlantique, pour décourager champignons, rongeurs et insectes, le soja débarqué ce jour-là et l’atmosphère qui règne dans la cale ne sont pas très respirables", relate Bastamag. Autres sujets d'inquiétude, outre les gaz et pesticides : la silice, contenue dans le ciment, que les dockers nettoient "à la pelle, à la raclette et au balai" après avoir déchargé le cimentier. Ou encore le coke de pétrole, qui contient, explique Bastamag, "d’importantes quantités de polluants tels que le soufre, ou encore les métaux lourds".
Il n'y a pas que les dockers qui s'inquiètent de leur exposition à ces produits toxiques. Au Havre, les douaniers sont eux aussi en alerte. En janvier, un article du Monde relatait que la direction générale des Douanes a fait parvenir, en 2011,"une note détaillée à ses services pour 'prévenir le risque d'exposition aux gaz toxiques présents dans les conteneurs'". Selon eux, 14 % (28 % selon la CGT) des conteneurs ont des taux de gaz toxiques supérieurs au seuil de sécurité.