Il court, il court, le Sarko
« Souveraineté du peuple… Indépendance nationale… Sursaut républicain… Abolition des accords de Schengen… Réduction des compétences de l’Union européenne… Retour de l’honnêteté… » À ce vocabulaire et à ces thèmes, le connaisseur moyen de la vie politique française n’aura pas eu de peine à reconnaître le discours d’un orateur « populiste », puisque c’est ainsi que les médias persistent à qualifier avec mépris ceux qui ont l’outrecuidance de défendre la cause du peuple et de prendre le parti de la France.
Oui, mais voilà, ce n’était pas Nicolas Dupont-Aignan, pas davantage Marine Le Pen et pas plus Jean-Luc Mélenchon, mais Nicolas Sarkozy qui s’exprimait ainsi l’autre soir porte de Versailles devant cinq mille militants enthousiastes. Sarkozy ? Mais oui, il s’agit bien du même, de l’homme aux mille casseroles, de celui qui, ministre puis président de la République, a joué un rôle déterminant, au mépris du référendum de 2005, dans la négociation des différents traités qui ont privé notre pays des attributs de la souveraineté et ont soumis nos frontières, nos lois, notre budget et notre économie à l’autorité de la Commission de Bruxelles, de la Cour de justice européenne de Strasbourg, de la Banque centrale de Francfort et de la Chancellerie de Berlin.
Paroles, paroles… À la lumière du passé et de ce que nous savons du bonhomme et de son caractère, il faudrait être naïf ou amnésique pour croire une seconde à la sincérité d’une conversion aussi spectaculaire à des idées et à un programme qu’il a combattus lorsqu’il était en situation de les imposer. L’ancien président de la République nous donne seulement une fois de plus la preuve de son incroyable culot. S’il a choisi de jouer le grand air du patriotisme (texte d’Henri Guaino, musique de Patrick Buisson), c’est tout simplement qu’il a pleinement conscience de l’évolution du corps électoral en général, des militants UMP en particulier, et qu’il a renoncé à disputer au plus dangereux de ses rivaux – Alain Juppé – les suffrages centristes. S’il a encore une chance de réussir l’opération Reconquête, son itinéraire passe forcément par la droite, et c’est du côté de Marine Le Pen que se situe à ses yeux le plus gros réservoir de voix disponibles.
Qu’il se trompe ou non dans ses calculs, Sarkozy est resté le calculateur qu’il a toujours été et sa sincérité du moment ne préjuge nullement de sa position du lendemain. Animal politique sans aucun doute, mais du genre furet et caméléon, d’autant plus agile qu’il ne s’embarrasse pas d’un excès de convictions, il court, il court, le Sarko, après l’argent, après la revanche, après le pouvoir, après la satisfaction de son ego narcissique. Il est passé par ici, il repassera par là, et il ne dort pas.
La partie est loin encore d’être jouée, et l’effondrement socialiste laisse au futur représentant de la droite « républicaine » une chance majeure. Les Français auront-ils une fois encore, une fois de trop la mémoire courte ? Prions le ciel qu’ils ne confondent pas politique et show-business. Les Vieilles Canailles, c’est très bien quelques jours à Bercy, ça n’a rien à faire cinq ans à l’Élysée.
- Source : Dominique Jamet