Manuel Valls va droit dans le mur !
Disons-le tout net, la tâche qui incombe à Manuel Valls – à savoir relancer la croissance tout en réduisant les déficits sans pouvoir ni dévaluer, ni baisser les taux d’intérêt – est une tâche impossible.
PIB, dette, taux ou parité de change, une de ces quatre variables doit lâcher, c’est le B.A.-BA de l’économie politique et toutes les querelles entre les différentes écoles de pensée portent justement sur le fait de savoir laquelle. Quant à l’hypothèse d’une reprise tirée par la demande mondiale – quand bien même la France disposerait encore d’une capacité exportatrice suffisante –, il ne faut pas y compter, les perspectives de croissance sont partout révisées à la baisse.
Pas plus tard que jeudi, la Fed a ramené sa prévision de croissance pour les USA en 2014 de 2,9 % à 2,2 %, emboîtant le pas à la Banque mondiale qui, la semaine précédente, avait réduit sa prévision de croissance mondiale de 3,2 % à 2,8 %.
La Cour des comptes, qui n’a jamais été aussi volubile que ces dernières années, enfonce le clou. Le déficit fin 2014 sera proche de 4 %, voire au-delà, contre 3,6 % prévus dans la loi de finances. Le gouvernement doit impérativement trancher dans le vif : diminution du nombre des fonctionnaires et rallongement de la durée du travail. Pour mémoire, fin 2012, François Hollande tablait sur un déficit de 3 %… en 2013 !
Pour la Commission européenne, cette perspective est inacceptable. Certes, au lendemain des européennes, José Manuel Barroso s’était montré prudent vis-à-vis de Paris dans ses recommandations accordant à la France le bénéfice du doute… jusqu’à la fin 2014.
Mais au moment de son intervention, ni Janet Yellen ni la Banque Mondiale ne s’étaient encore exprimées, pas plus que l’Irak ne s’était embrasé, et on ne parlait pas encore de grèves, ni à la SNCF ni chez les intermittents du spectacle. Autant dire que les carottes sont cuites et on ne peut même plus exclure que l’année 2014 soit encore pire que 2013 (4,3 % de déficit).
Dénué de toute crédibilité du strict point de vue des compétences économiques, coiffé d’un Président totalement discrédité, harcelé sur sa gauche par des députés qui n’ont plus rien à perdre, tous aussi convaincus du désastre électoral à venir, Manuel Valls va droit dans le mur.
Mercredi dernier, pour les quatre experts habituels réunis par Yves Calvi dans « C dans l’air », c’était la course à qui serait le plus pessimiste. Peu avant la fin de l’émission, la très libérale et très europhile Ghislaine Ottenheimer affirma en substance que la solution viendrait de l’euro, arguant que si les Américains pouvaient imprimer du dollar à leur guise, il fallait faire comme eux. Une affirmation hautement symbolique puisqu’elle reconnaissait à la fois la nécessité d’une dévaluation et son impossibilité. Or, le 2 août 1992, Michel Sapin, l’actuel ministre des Finances, déclarait au Journal du Dimanche : « L’Europe est la réponse d’avenir à la question du chômage. En s’appuyant [...] sur une monnaie unique, la plus forte du monde, [...] les entreprises pourront se développer et créer des emplois. »
Dans ma cambrousse, on appelle ça faire tourner les gens en bourrique.
- Source : Christophe Servan