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Valls, l'homme qui fait pschitt !

Auteur : Raphaël Stainville | Editeur : Walt | Vendredi, 13 Juin 2014 - 20h16

Il devait être le sauveur de la gauche. Mais, pour Manuel Valls, l’aventure à Matignon tourne au calvaire. Son gouvernement de combat va de défaite électorale en déconvenue économique. Sa cote de popularité s’effondre. Et les Français, comme le montre notre sondage exclusif, doutent de sa capacité à réformer le pays.

Avec Manuel Valls à Matignon, certains commentateurs toujours prompts à s’emballer n’ont pas manqué de comparer hâtivement le nouveau premier ministre français à Matteo Renzi, le président du Conseil italien, à la quarantaine rugissante. Même énergie, même sens de la communication, même souci de réformer leur pays. La jeunesse en héritage. L’ambition en prime. Manuel Valls, qui n’en pouvait plus qu’on le compare à un Sarkozy de gauche, n’a rien fait pour contredire ses laudateurs. L’occasion était trop belle de s’émanciper de son image de premier flic de France pour celle de chef d’un “gouvernement de combat”.

Pour façonner ce Valls nouveau, le premier ministre n’a pas hésité à en faire des tonnes et a profité de la moindre occasion pour accréditer l’idée qu’il y avait désormais un chef à Matignon qui allait faire bouger la France. Le 16 avril, à la sortie du Conseil des ministres, il organisait même une mise en scène millimétrée pour annoncer son plan de 50 milliards d’économies. On le voyait en première ligne, derrière son pupitre, comme un général autour d’une carte d’état-major. Derrière lui, au second plan, fondus dans le décor, Christian Eckert, le secrétaire d’État chargé du Budget, Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Michel Sapin, le ministre des Finances et des Comptes publics, et Marylise Lebranchu, la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, étaient alignés en rang d’oignons, bouches cousues, le petit doigt sur la couture du pantalon, attendant que le premier ministre leur intime l’ordre de rompre les rangs. Visiblement, ils n’avaient pas eu le temps de répéter leur rôle de bons petits soldats. La ministre des Affaires sociales ne savait que faire de ses mains. Elle se tenait debout, raide comme un piquet de grève. Du côté de Michel Sapin et de Christian Eckert, le garde-à-vous n’était guère réglementaire. Les anciens bidasses faisaient de la résistance, croisaient et décroisaient leurs bras avec un air débonnaire. Marylise Lebranchu, quant à elle, semblait se demander ce qu’elle faisait là et peinait à cacher sa lassitude. Voilà pour le gouvernement de combat. On allait voir ce qu’on allait voir.

Le premier test allait sonner le glas de ses espérances. Pesant de tout son poids dans la campagne des européennes, s’engageant avec toute l’énergie et la combativité que ses adversaires lui connaissent, Manuel Valls n’est pas parvenu à contenir le vote frontiste. Comme pour les municipales, malgré une tournée menée tambour battant sur fond de discours républicain, il n’a pas pu empêcher une nouvelle déculottée au Parti socialiste. Un signe que sa popularité n’a pas de réelle traduction électorale. Un premier coup de semonce.

Gonflé à l’hélium de la communication politique, le premier ministre de combat est impuissant face à la crise. Il se déballonne à l’épreuve du réel, comme si la coqueluche des médias et des politiques n’était finalement qu’une baudruche. Il faut dire que deux mois et demi ont passé et rien n’a changé. Certes, la machine à couacs, symbole des années Ayrault, s’est presque interrompue. Mais la situation économique du pays est toujours aussi dramatique. Pis, les mauvaises nouvelles s’accumulent en même temps que les dénis du gouvernement. La croissance est atone. L’Insee, dès le 15 mai, annonce que la France était à l’arrêt au premier trimestre. Le FMI, de son côté, met en garde Paris contre les promesses inconsidérées qui pourraient avoir des conséquences sur le rétablissement des comptes publics.

Pour autant, Manuel Valls continue de maintenir ses prévisions de croissance et de réduction des déficits sur la foi d’un retournement économique de plus en plus hypothétique. La démonstration avec les chiffres du chômage. Celui qui déclarait : « Nous devons agir davantage, plus vite, plus fort contre ce chômage de masse qui fait souffrir tant de Français » ne peut contenir son envolée. Depuis que Valls est à Matignon, 50 000 personnes supplémentaires ont franchi la porte de Pôle emploi.

Manuel Valls, qui était encore l’homme politique le plus populaire de France avant de succéder à Jean-Marc Ayrault, décroche désormais dans les sondages. Sa popularité s’érode. En juin, il enregistre une baisse de 3 points dans le baromètre TNS Sofres pour le Figaro Magazine. Les Français ne sont plus que 42 % à lui faire confiance. Dans le baromètre de l’institut OpinionWay pour LCI, sa chute est encore plus sé vère. Ils sont 38 % à se déclarer satisfaits de l’action du premier ministre. Les mécontents sont en hausse de 7points, à 58 %. Et pour cause : celui qui devait donner un nouveau souffle à la majorité présidentielle peine à obtenir le début d’un commencement de résultats. Il a annoncé un plan d’économies, « l’acte fondateur » de son gouvernement. Mais les 50 milliards d’économies annoncés sont déjà amputés par des cadeaux en direction des Français. Manuel Valls, c’est l’homme qui dépense plus vite que son ombre n’économise. Quant à la réforme territoriale que le président et Manuel Valls ont reprisée jusqu’au dernier moment sous la pression des barons socialistes, loin de générer de 15 à 20 milliards d’économies par an, elle ne ferait que « redistribuer des coûts entre les instances locales », selon les conclusions de l’agence de notation financière Moody’s publiées le 9 juin. Un camouflet de plus pour un big bang territorial aux allures de grand flop.

Dans ce contexte, le sondage exclusif que l’Ifop a réalisé pour Valeurs actuelles montre à quel point, désormais, les Français se défient de Manuel Valls. À la question de savoir s’ils font “plutôt confiance” ou “plutôt pas confiance” au premier ministre pour obtenir des résultats concrets en ce qui concerne “la réduction des déficits”, 68 % d’entre eux déclarent qu’ils ne font pas confiance à Manuel Valls. Concernant “la lutte contre le chômage”, 75 % des Français affichent leur scepticisme.

Même pour “la lutte contre la délinquance”, l’ancien ministre de l’Intérieur ne parvient pas à convaincre et 57 % d’entre eux affichent leur défiance. Pour Jérôme Fourquet, le directeur du département opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop, « ce sondage est l’illustration mathématique de la fin de l’état de grâce de Manuel Valls ». La politique des coups de menton et des discours volontaristes n’a pas suffi. Comme le dit encore Jérôme Fourquet, « les Français sont comme saint Thomas, ils jugent sur pièces »


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